« Je » (suis) un poète contemporain
(extraits)
Avant un pas après
je suis un poète contemporain
le silence du bruit je cherche
la peur m’est compagne
dans faille il y a forcément pont
au matin la nuit m’habite encore
passer le jour devant moi
devant moi chaque pas
je m’appuie sur chaque mot
je m’enlace à chaque geste
parler écouter
le silence des mots
la vie de la parole
LED
je suis un poète contemporain en
corps 12, avec serif. Je m’étale et/ou je
m’effondre. Mes sentiments jouent au ballon crevé dans mon moi orphelin.
Des craintes vagues, des cicatrices anonymes, des espérances blettes, des
ravages chéris, me tiennent lieu de conscience. Mes voisins me sont quelque
chose entre chers et odieux, qu’en fonction de leur respect des pantomimes
que nous nous présentons rituellement. Je m’expose chaque jour, j’implose
continuellement. Les asservis cruels de la mécanique sociale me submergent,
m’engloutissent. Leur langue atonale parle à une fonction classificatrice
exogène. Je suis un reptilien génétiquement égaré qui aime la crème solaire
à l’horizon événementiel et chéris Gaza comme imitation spectrale de
l’agonie intérieure qui me tient en vie. Reptilien à sauvagerie contenue,
cantonnée. L’heure de mes médicaments interrompt toute parabole poétique.
Je ne sais pas si je vis ou si je meurs, mais il y a sans doute un train à
prendre vers une personne dont la différence et la peau me donneront
quelque chose qui pourrait m’exfiltrer un moment.
Volte en ré (extraits)
Il s’agit de purger peut-être, ou de survivre, il
s’agit de contenir ou déployer sur le papier innocent, la colère. Cette
rage sombre qu’on sent rôder entre les gens, nous traverser au creux de la
nuit, ou au matin quand on a peur du lendemain,
quand on doute de cette onde en scrutant ce qui se délite et ce que nous
pourrions, ce que nous devrions. Ensemble.
Nuclé’ère
parapluie nucléaire
la belle ère terminale
il pleut des bombes
sur ma couverture de papier
j'irradie le bonheur
mon algorithme atomisé
déraille à donf’
parapluie nucléaire
la grandiose finale
le monde est en feu
politicaille surchauffée
plume volaille anesthésiée
oyez oyez
mes chers décérébrés
le monde est en cendres
suis-je bien maquillé
j'écoute la pluie sur les roses décharnées
grésillent les pétales puis s'en vont
mes genoux grincent au pied du Geiger
reste une seule bouteille d'air en
promo
l'écran bleu-blanc-sang conseille
5pour un avenir en paix
arrêtez de respirer
Désert’heure
lâche pas l’affaire
mon frère
lâche pas l’affaire
frérot
ils la veulent cette putain
de guerre
t’en reviendras
sur une civière
si tu la renvoie
pas
au cimetière
lâche pas la Terre
mon frère
lâche pas la Terre
frérot
ces dingues te traitent
pire que les rats
ils te chiffrent dans les dégâts
désastre humanitaire
ces sauvages ravagent notre Terre
dégât collatéral
t’auras juste droit
à un dernier râle
lâche pas ton bonheur
mon frère
lâche pas ton bonheur
frérot
là où tu te sens présent
là où tu te sens vivant
dans ce village en pente
dans cette cité vibrante
lâche pas l’affaire
à l’envers sinon
ils vont te la faire
Brouillard de guerre
tout est à nous
peut-être même le liseré noir
autour de l'écran
est-ce un écran d'ailleurs
qui peut l'affirmer
pas moi
comme eux je marche
dans la ville réconciliée
les armées fraternisent
les armes ne sont plus que des mots
les armes ne tonnent encore
qu'en nos têtes défaites
tant d'années de pluie
tant d'années à vivre en devers
tout est à eux souffle l'écho
ma voix hors écran
ma voix est une feuille morte
qui cherche à vivre
tout est à nous
appel appel appel
de l'écran les mots
sortent en rang
sortent en
rang
ceci est mon sang
mon sang
mon
sang
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