TERRA INCOGNITA

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Archives : Terra incognita

 

Nouvelle rubrique depuis 2019 

 

Automne 2025

 

Aude Gorce.
Poèmes « au bord du chemin ».

 

Quiberon. Peinture de ©Jacques Grieu

 

 

(*)

 

 

Il fait Novembre en moi

 

Il fait Novembre en moi

Il fait si froid en moi

Il fait si sombre en moi

Mais si je suis encore en vie

C'est grâce à toi.

Et la pluie coule à l'infini

Mais si je suis encore ici

C'est grâce à toi

Et la suie n'en finit pas

De m'étouffer , de me couvrir

D'un halo de cendres.

Il fait Novembre sur moi

Et ce silence paré de saphirs

m'enveloppe à chaque fois

Car si je suis encore en vie

C'est grâce à toi.

Car si je suis toujours ici

C'est grâce à toi

Ici et nulle part, mes ailes m'emportent

Quand je sens l'aorte de mon cœur

S'ouvrir.

Le sang coule à l'infini

Mais si je vis encore

C'est grâce à toi.

Il fait Novembre en moi

Il fait l'automne sur moi

Moi je resterai ici et nulle part

à la fois pourvu que tu sois

toujours dans mes pas.

J'irai de vortex en vortex

Pour parcourir ce monde interstellaire

Pour parcourir toute notre galaxie,

Tout l'univers.

Dans le ciel opalescent, se reflète

Ces aurores automnales

Il fait Novembre en moi

Il fait d'acier en moi

Et si je ne dérive plus

C'est grâce à toi.

Il faut cesser, cesser ce carnage

Car notre promesse s’est gravée

Sur ces murs en débris

Et sur toutes les pages du livre de ma vie.

 

Il fait Novembre en moi

Il fait glacé en moi

Il fait si rouge en moi

Il fait si noir en moi

Il tombe toutes ces feuilles

Couleur de lie sur moi

Mais si je survis

C'est grâce à toi.

Même si souvent je rétrograde

Couverte de ce velours d'épines

Du passé

Même si souvent ces larmes coulent

Pour un manque incessant

Car si je suis encore ici

C’est grâce à toi.

Avec le squelette des arbres

Avec la couleur délavée des feuilles

C’est la saison du deuil porté jusqu’à l’éternité

Les mains gercées prêtes à prier ornées

De dentelles et de laine noire tendues

Vers ce ciel rempli de fumée et d’oiseaux pâles

Et les bras où j’ai scarifié ton nom

Pour toujours

Je la passe avec ce vent

Celui qui laisse ces traces

Qui fait frissonner ma peau

Qui vient jusqu’à mes os.

Il fait Novembre en moi

Et l’automne brûle en moi

Lui qui mange le temps

Comme un scarabée avalant tout

Ce néant où sans toi je suis plongée

Mais si je suis encore en vie

C’est grâce à toi

Un reflet de ce monde flou

Dans l’eau du lac givré

Drape la nuit naissante,

Laisse toutes mes lettres exsangues.

Il fait Novembre en moi

Il fait Novembre sur moi

Et si je vis c’est seulement

Grâce à ce souvenir si fort de toi.

24-12-2924

 

Au bord du chemin

 

Au bord du chemin,

J'ai cueilli des chrysanthèmes

Par ce matin chagrin d'hiver

Au bord du chemin

J'ai défait les liens

Ceux qui me rendent prisonnière

Au bord du chemin,

J'ai remis ces liens

Ceux qui me lient à la Mer

Je suis fille Océane,

Je suis fille de la Terre

Je suis fille de l'Automne

Je suis fille de Décembre

Parfois, je rêve de contrées persanes

Parée d'un collier d'ambre dans laquelle

Vivent encore ces insectes qui portent le poids

De l'Histoire, de ces histoires que l'on raconte

Aux enfants quand ils ont peur du noir.

Moi, je suis la fille de personne

Et orpheline des Mémoires.

Au bord de ce chemin marin,

J'ai trouvé un peu d'or,

Quelques coquillages pour me rendre plus forte

Beaucoup de paillettes sur le sable

Beaucoup du sang des coupables

Des baleines échouées, des méduses enivrées

Et surtout ces paysages de voie lactée

Dans lesquels je voudrais me baigner.

Au bord du chemin, j'ai versé des larmes

Envahie du souvenir de toi

J'ai arrosé ces fleurs des dunes

Pas après pas, une à une.

Au bord du chemin,

Je me suis retrouvée corps à corps

Dans cette danse avec l'ombre

De ta présence qui me manque tellement

Au bord du chemin,

Nous nous sommes quittés

Pour la première fois

Au bord du chemin,

J'ai planté nos deux croix.

Nos deux cœurs gothiques

Se sont enlacés pour l'éternité

Et le secret que l'on s'est confié

Reste pour toujours gravé sur ma peau.

Combien de fois, j'ai marché pour venir te chercher ?

Combien de fois, j'ai marché pendant toutes ces années

Où tu n'étais plus là.

Au bord du chemin,

Au bord du ravin, j'ai perdu mon souffle

Mais tu ne le sauras jamais.

Maintenant, je suis comme une grenouille

Morte asphyxiée.

Le temps a laissé sa rouille sur mes plaies

Celles qui ne cicatriseront jamais.

Dans tes yeux, j'ai tellement vu

Nous deux

Et nous, nous nous sommes perdus

Dans ces jeux interdits,

Nous, nous avons

Trop brûlé nos vies devenues incandescentes

Maintenant, pour moi, chaque jour est une descente

Trop rapide ou trop lente

Retrouverai-je un jour l'élévation pour me ramener

à toi ?

Je doute, je ne sais pas, je ne sais plus

Car cet amour est devenu cassant

Aussi cassant

Qu'une chrysalide sous le vent.

10-12-2024

 

 

Fleur de Feu     

 

Tu deviens cracheuse de feu,

Ces flammes luisent dans tes yeux

Ces flammes guident tes pas

Dans ce monde endeuillé et aveugle.

Tu portes ce voile en dentelles noires

Celui qui cache ta chevelure ébène

Celui qui cache ton visage

Couvert de peine.

Tu deviens jongleuse de feu

Il est ta seule lumière

Pour te guider dans ce monde

Plein d’éclairs.

Pour te guider entre les tombes

Recouvertes de primevères.

Jouer avec le feu, éteindre l’incendie

C’est ce que tu sais faire le mieux

Avec tes larmes

De pluie

Quand la neige rougie,

Tu l’as fait fondre, tu l’incendies

Les perce-neige trop vite fanés

Dans ce brasier,

Tu les garde contre ta poitrine

Ouverte d’où coule ce liquide bleu

Plus bleu que ce silence orageux.

Sous la chaleur des étincelles

Le ciel devient presque irréel

Le feu se noie dans l’océan

Et moi je pense à toi

Qui me manque tellement.

Le crépuscule devient de feu

L’aube devient de cendres.

Elle devient incendiaire

Quand chaque suicide est héréditaire

Tous ces os transpercent cette peau

Et leur poudre sera bientôt dans l’ossuaire.

Fleurs de tulipes flamboyantes.

Fleurs de pavots éclatantes.

Sur la terre

Vie écarlate

Traces pourpres laissées

Sur le bord de la rivière

Ici, la ciguë a un goût amer.

On dirait que le Phoenix

S’est jeté dans la mer.

Maintenant, elle est si

étrange l’atmosphère.

Ses ailes se sont emparées

su cimetière.

De cet ange si triste,

Il reste une image, un souvenir

Fragile qui passe avec les âges.

Par-delà les murailles

J’imagine les funérailles

De ce monde qui va si mal

De ce monde aux épines

Qui lui déchire l’âme tout entière

Les croix et les sépultures

Ont la couleur des blessures

Des guerrières.

Le feu continue d’abriter

En son cœur ces fleurs

Venues d’un autre pays.

Le feu continue d’abriter

Ma mélancolie

Le feu continue à consumer

Les fleurs de ma dépression

Le feu continue à faire brûler ton nom

Dans mes cheveux, il y a toujours

Cette fleur de feu, fleur flamboyante

Aux pétales noirs

Cette Fleur de feu écrasée sous mes pas

Quand la vie n’est plus rien

Quand le fil de l’exil n’est plus que

Mortuaire et funeste.

L’exil vers où ?

L’exil vers quoi ?

Du temps pour mourir

C’est tout ce qu’il me reste.

 

 

Souvenirs de Venise

 

J'ai touché la flamme

Je me suis brûlée

Je suis cette femme qui

A perdu le goût des fruits sauvages

En prenant de l'âge

Toi, tu m'as apprivoisée

Comme on touche ces étoiles

Toi, tu t'es incrusté en moi

Comme ces diamants dans du bois flotté

J'ai toujours l'odeur du sel qui vient

Me rappeler que la vie n'est pas facile

Que ma vie est sur le fil, sur le fil du rasoir

Je sais que certains mots sont dérisoires

Face au sang du monde entier celui des abattoirs

Où on entend tous les jours hurler l'animal

On sait que vivre est fragile, que vivre nous fait mal

Mais ce n'est pas si grave, on s'habitue à tout

Malgré la force du vent nous on reste debout

Je me souviens quand nous étions à Venise,

Des masques magnifiques, de la nuit

Sous l'arc-en-ciel et puis du noir sous le soleil

J'ai vu la mort à Venise,

J'ai vu la fête à Venise

J'ai vu la palette des couleurs avec laquelle

L'artiste peint mon visage marqué par le temps.

 

 

Jardin de pierres

 

Une ombre erre dans ce jardin de pierres...

Ici, les fleurs semblent d'une couleur plus profonde

Que les entrailles de la Terre.

 

Ici les corps sont souvent pris de vertiges

Face à l'immensité de tous ces vestiges

Vestiges du temps passé, d'instants brisés ;

 

Ici, les plantes ont un goût amer même pour les insectes

Ici, c'est un refuge contre toutes ces guerres qui inondent

Le Monde.

 

Ici, c'est un repos pour les oiseaux,

Pour les cœurs blessés, pour les mains enchaînées ;

L’ange dans l’épaisseur de la pierre

Murmure ses mots.

Et ici l’entomologiste étudie chaque coléoptère

Dormant dans la bruyère,

Caché sous le lierre.

 

Ici, les bruits de la ville semblent se taire

Ici, c’est le silence des mémoires

Il se recompose son après son

Il grave des noms

Sur les tombes et dans l’épaisseur des murs

Que l’on met entre nous

Qui s’étend sur la distance de l’infini jusqu’au bout

De la nuit.

 

Du minéral à la mer,

J’ai changé d’angle de vue,

J’ai changé d’air...

 

©Aude Gorce

 

 

(*)

 

Aude Gorce est née en 1981 dans le Val d'Oise. Elle a fait des études littéraires et en sciences humaines. Certains de ses poèmes ont été primés et publiés dans des revues et recueils de poésie.

Son premier recueil, Mater Dolorosa, est paru chez Hello éditions en avril 2024 ; pour se le procurer voir entre autres le site leslibraires.fr.

Pour faire connaissance avec cette autrice et lire ses poèmes, quelques liens sur la toile :

https://adan5962.e-monsite.com/pages/les-auteurs/gorce-aude-.html

https://www.lechasseurabstrait.com/revue/spip.php?article24720

https://www.lecoledelaloire.com/concours-litteraire.html (2025)

https://www.lecoledelaloire.com/litterature-2024.html (2024)

http://www.poetika17.com/archives-dernieres-publications-2024.html (notice sur Mater dolorosa)

https://www.poetes-francophonie.com/wa_res/files/Bulletin_N45_sept_2024.pdf?t=f31a0e78_280c_4b16_8a2b_88ee41b6c969

 

Découvrons aussi, dans la revue en ligne RAL,M de Patrick Cintas, les inspirés commentaires de Catherine Andrieu aux poèmes d’Aude Gorce : Comment fais-tu, toi ? (6 juillet) et Jardin de pierres (20 juillet – c’est le poème reproduit ci-dessus), ainsi que sa note de lecture au recueil Mater Dolorosa (6 juin 2025).

 

 

Aude Gorce

Francopolis Automne 2025

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