TERRA INCOGNITA

 

 

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Archives : Terra incognita

 

Nouvelle rubrique depuis 2019 : découverte…

 

Janvier-février 2023

 

 À la découverte de Gisèle Gueller.

 

Présentation, entretien, et choix de textes par Mireille Diaz-Florian

 

 

Facebook’s writing

 

Ce que j’aime lorsque je me promène sur les pages de Facebook, ce sont les rencontres. J’ai parfois l’impression de me trouver dans un hall d’aéroport juste avant l’embarquement, d’être assise dans un train vers la province ou vers l’étranger. De découvrir alors avec plaisir les passagers qui, comme moi, montrent les signes discrets d’un possible échange bienveillant. Un monde s’ouvre à ce moment-là sur des regards, des voix, des espaces inconnus, des points de vue différents, des commentaires originaux, des bribes de vie, tout autre que la mienne. Je ne sais jamais d’ailleurs si cela fera partie d’une vampirisation écrivaine pour nourrir mes notes de carnet… ou pour simplement jouir de la conversation, art de plus en plus remplacé sur le réseau « ouvert », par l’invective binaire.

 

J’ai rencontré virtuellement Gisèle Gueller sur Facebook. Elle faisait la promotion de son livre L’Imbécile et l’Encyclopédie au Salon du Livre de Brive. J’ai saisi d’emblée sur les photos un regard d’enfance. J’ai perçu dans son propos une plaisante énergie, fascinée que j’étais par sa capacité à mettre en valeur son livre – sans doute parce que j’ai quelque difficulté personnelle à endosser ce rôle. J’ai commandé son roman. Je l’ai lu et commenté récemment dans cette revue. J’ai été acceptée au nombre de ses amis. Je lui ai téléphoné. Je l’ai rencontrée. Le regard et la voix ont confirmé ce que le réseau me laissait pressentir.

 

Je lui ai proposé de répondre à un questionnaire qui éclaire sa démarche. Je recommande aux membres de Francopolis, après cette présentation, de la suivre sur la route Facebook qui traverse notre temps, où quotidiennement, pour elle et nous, le monde s’écrit en textes courts, où quelques photos fixent son regard. Ils ne manqueront pas, j’en suis sûre, d’y reconnaître une voix. Celle qui vibre à mots tendus sur le métier, d’émotions à partager.

 

Mireille Diaz-Florian

Février 2023

 

 

Entretien avec Gisèle Gueller

 

Que représente pour vous la publication de petits textes sur FB ?

 

C’est un exercice quotidien auquel je m’oblige pour le plaisir de l’exercice. Trouver quelque chose à mettre en mot.

J’aime aussi le lien qui s’est créé avec des amis virtuels ou non et qui me poussent, par leurs commentaires, à continuer.

C’est comme un journal de bord où je ne raconte que ce que j’ai envie de raconter. Ma vie personnelle, personne sur FB ne la connaît. Je la protège. Par contre j’emmène les lecteurs avec moi dans mes voyages, déplacement, coups de cœurs et coups de gueule, mes petits riens de la vie qui en font sa richesse.

 

Quelle place occupe l’histoire familiale et la Corrèze dans votre écriture ?

 

J’étais une enfant bavarde et sensible avec une mère défaillante et empêchée mais très aimante et un père bavard et poète dans sa joie d’être au monde et de s’émerveiller du vivant.

Une histoire familiale avec des failles, des peurs qui ont fait naitre en moi le désir de réparer. Mon enfance a été baignée de la Corrèze puisque toutes les vacances scolaires, je les passais dans la ferme familiale de mes grands-parents maternels. Là je pouvais gambader à ma guise et me saouler de liberté et des beautés qui m’étaient données.

La nature a été un éveil et une source d’admiration. J’aimais m’ensauvager et les temps de vacances n’étaient jamais assez longs.

J’aime écrire cette nature et tenter de mettre dans des mots les sensations fortes qu’elle me procure.

J’écris comme je respire, comme un souffle indispensable à mon existence.

 

Avez-vous un lieu ou un moment favorable pour écrire ?

 

J’écris le plus souvent sur mon ordinateur posé sur mes genoux. Dans un fauteuil avec les jambes allongées ou dans mon lit.

La nuit est le moment le plus riche pour écrire, dans le silence de la nuit je peux écrire des heures quand je suis inspirée.

Il me faut du silence pour écrire.

L’Imbécile et l’Encyclopédie a été écrit la nuit entre 22H et 3h du matin en quatre semaines, même s’il a fallu reprendre le texte en vue de sa publication.

 

A Meyssac, j’aime écrire en regardant la vue superbe sur les collines vertes et sur la forêt, de ma table de travail. Mon esprit ne doit pas être trop distrait. Souvent les idées sont dans ma tête et je dois tirer le fil de ses idées pour que naisse le texte.

 

Je savais lire à 4 ans et j’ai été un véritable petit rat de bibliothèque ! Enfant, le club des 5 et le clan des 7 ont nourri mon imagination. Puis ce fut la rencontre avec Colette vers 20 ans. Le coup de foudre pour cette écriture qui sait saisir avec des mots les choses simples de la vie et les sentiments. Colette est dans mon panthéon aux côtés d’André Gide, de Maupassant… Et puis Marguerite Duras dont l’écriture particulière sonne comme une musique ; j’ai adoré. Dans les contemporains, j’aime Marie Rouannet, Hélène Lafon, Alessandro Barricco dont Océan mer relève du chef d’œuvre. La Conjuration des imbéciles de John Kennedy Tool a été aussi un coup de cœur. D’ailleurs mon Imbécile est dans la droite ligne de celui-ci… Vialatte aussi avec ses chroniques et son almanach...La liste pourrait être encore longue.

 

Je rêve de faire une chronique hebdomadaire pour une radio ou un journal !

 

Quels sont les liens entre travail social et écriture ?

 

La première publication que j’ai écrite était une chronique qui s’appelait : Chronique anachronique. Elle a été publiée dans un journal de travail social qui s’appelait PEPS : Pratiques Éducatives et Pratiques Sociales. Une revue qui paraissait à la fin des années 1980, début 1990.

J’y racontais des moments de mon travail d’éducatrice spécialisée et j’interrogeais les liens entre travail social et société.

 

L’écriture est bien antérieure à mon entrée dans le monde du travail. Elle précède mon choix professionnel.

Je suis en toute modestie, une femme de la parole et du verbe. J’aime partager avec les Autres et échanger.

Le travail social est un travail sur le lien et écrire c’est mettre en mot ces liens que nous vivons avec les Autres ou ces liens qui nous unissent à la terre et au monde.

 

Giselle Gueller


 

***

 

Textes et photos publiés sur Facebook

 

Peut-être quand sonnera la cloche, tu lèveras ta tête et pour la première fois, tu me regarderas.

Peut-être que d’un doigt posé sur mes lèvres pressées, tu glisseras la pointe d’un baiser, je crois que je frissonnerai.

Peut-être apprendrai-je le ciel sans nuage, le rocher que Sisyphe a oublié de transporter, la révolte sans passion, l‘amour sans déraison.

Peut-être, pour la première une fois, je serai sage.

 

 

Le bateau frémissait, on entendait sa coque craquer.

Comme si l’appel du large, lui donnait de la force dans les voiles, posait une main sur le grand mât et ouvrait l’horizon pour le laisser passer.

L’appel du large.

Qui peut y résister ?

Il n’y a pas de terre à découvrir pour justifier le voyage, il y juste cette envie folle de tout quitter et de se laisser flotter dans les mers du sud aux couleurs bleues nacrées.

 

 

La porte s’est ouverte sur un grand champ de blé.

J’avais la tête dans les épis.

La valise n’arrêtait pas de dire : « je veux partir en voyage, j’en ai marre à la fin de rester sur l’armoire, allongée ! »

La montre lui répondait : « ne soyez pas pressée, moi mon temps est arrêté, on a oublié de me remonter ! »

L’eau coulait du tableau sur le mur de gauche et se répandait sur le parquet.

L’armoire comme à son habitude ronchonnait, celle-là était toujours mal lunée.

J’avais décidé de rester couchée, un hérisson devait me téléphoner.

 

 

Sur le bord de mes lèvres, des traces de sel.

Sous mes paupières, des traces de sel.

Je ne sais pas pourquoi, il y a un océan qui voyage en moi.

 

On s’habitue à tout, même à rien.

Ce n’est pas rien non !

Un rien c’est tout, parfois c’est tout ou rien.

Ce n’est pas tout mais c’est bien.

Après tout, on ne manque de rien.

 

 

Qui te fera marcher quand tu seras fatiguée ?

Qui prendra ta peine comme on porte une enfant endormie un soir de fête ?

On murmure que le temps a fait son effet, que l'heure est arrivée et que nulle ne peut y échapper.

Je ne sais pas que te donner pour emplir ton bagage. Je ne sais pas.

Peut-être que tu voyageras nue dans la chaleur de notre amour.

Peut-être...

 

  ©Gisèle Gueller

 

 

Gisèle Gueller

Francopolis janvier-février 2023 

Recherche et présentation Mireille Diaz-Florian

 

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Créé le 1er mars 2002