TERRA INCOGNITA

Découvrir un auteur…

ACCUEIL

Archives : Terra incognita

 

Nouvelle rubrique depuis 2019 

 

Automne 2025

 

Hervé Dubourg :

« Un univers incroyable, les cartes postales… »

 

(*)

 

 

 

 

Vague à l’âme 

Nous sommes attablés au premier étage, 

Heureux avantage,

De ce restaurant, du centre-ville,

Et par la fenêtre, sur un fil, 

Sans y prêter trop attention

J’aperçois les boules de décoration

Tendues au travers de la rue, qui avec ostentation

Se dandinent, au gré du vent,

Comme mes sentiments 

Au gré de mes émotions

 

Une vague romantique envahit mes pensées,

Je deviens nostalgique, une foule de souvenirs, 

Assaillent mon cœur, un léger creux vient ravir,

Mon trouble et les larmes montent, sincérité.

 

Je parcours les endroits de ma jeunesse,

Les premiers souvenirs notre adresse,

Rue Paul Albert près de la Place des Abbesses

Qu’il était doux le temps des matins de tendresse. 

 

La rudesse des temps me priva de cette allégresse

Je devais comme un enfant de mon âge rejoindre

La classe, avec les camarades de ma jeunesse, 

Et peut-être d’en éprouver de la tristesse.

Même si les afflictions commençaient à poindre.

Même un père malade ne peut vous garder

À la maison, de la vie à affronter.                     

Même dans le cas d’être séparé de ses proches 

Le destin vous attend et le futur s’approche.

 

J’ai ces souvenirs en tête, à cause des photos peut-être.

Ma mère, veste en peau d’ours à Montmartre, pour un verre

À une terrasse, mon Père et une amie Nadia, Place du tertre

Ce restaurant « le petit caporal » où nous déjeunions le dimanche, 

À Mantes la jolie, la déception de Papa suant sur la planche

Une pièce de théâtre qui ne serait jamais jouée

Sûrement un de ses plus grands regrets.

 

Les pique-nique au bois de verrière avec la table pliante,

Maman préparant les sandwiches, bien méritante,

Mon père me coursant autour de la table de salle à manger.

Et mes plaisirs de randonnée à la « Rambo », fier de ressembler

A Un vrai Chevallier avec Ivanhoé, comme un aventurier,

Lancé dans les bois pour sauver les mères et les nouveau-nés.

Ou mes jeudis passés à travailler les mathématiques en cours privé,

Pendant que j’entendais le feuilleton « Zorro » à la télé dans la pièce à côté.

 

 

Un ange est passé

C’est un ange, son visage est féminin 

Mais les anges ont cela en commun.

Il faut vous dire la chose, l’ange en question est né

Voilà une vingtaine d’années.

Elle passait devant nous, croisait notre chemin,

C’était sans doute un cadeau du ciel.

 

Sur notre question en quête de la rue de l’exposition,

Elle change sa destination et nous accompagne jusqu’au perron 

Et nous suit dans la maison de Marina Tsvetaieva sur notre invitation

Elle admire avec nous les gravures et peintures installées 

Sur le brun des murs, dont notre amie Ludmila fait un éloge appuyé.

Avec son petit minois, son allure juvénile et sa façon de dire « oh ! »

En soulevant les sourcils à chaque fois qu’on lui adresse un mot,

 

En apprenant qu’elle est artiste

Autour de nous chacun s’émeut d’aborder la concertiste

Pour solliciter un petit « oh ! »

Puis dans le petit salon elle nous confie qu’elle est clarinettiste 

Et le plus simplement du monde elle sort un petit pipeau 

Long d’une trentaine de centimètres et entonne un morceau 

D’une mélodie médiévale qu’elle étudie,

Et puis nous sourit :

 

« Samedi prochain je serai en concert avec l’orchestre de 

Mon université, 

Vous viendrez ? »

Quelle joie, quel bonheur, instantané, presque irréel, divin,

Nous nous quittons en la remerciant et enfin,

Sur le perron,

« Oui, nous viendrons ».

 

 

Mon copain

C’est l’histoire de mon copain 

Qui mangeait une glace derrière 

Une glace sans teint

Il devait avoir rudement faim

Et c’est une histoire sans fin.

 

Il avait peur d’être vu 

De jouer les matuvu

Mais il est tellement farfelu

Qu’avec lui rien n’est jamais perdu.

Une glace à cent balles

C’est pas trop mal 

Parce qu’a travers les Halles

J’ai beau chercher dans les balles

J’ trouve rien, je mange que dalle.

 

La glace derrière une glace, c’est bien

Mais il préférerait manger à sa faim

Ne pas devoir toujours tendre la main

Ou se faire chiper pour un larcin

 

C’est pas une vie, traîner ses guêtres

Toute la sainte journée, des kilomètres

Trouver un job, ou parler au prêtre

Marcher dans les rues au pifomètre.

 

Quand je vois Arlette près de la buvette

J’voudrais bien lui faire un brin de causette

Ou bien l’inviter à la prochaine fête

Mais comment j’peux, j’ai pas d’cassette.

 

Ah ! si seulement je pouvais lui conter fleurette 

Je pourrais la gâter ma p’tite Arlette

J’lui achèterais quelques fleurettes

N’irait sur les boulevards faire des emplètes.

 

Si seulement j’trouvais un boulot d’arpète

Je pourrais inviter Arlette, aller boire une anisette

Elle deviendrait ma bergerette

Faut dire qu’elle a une bien jolie binette.

 

 

Un univers incroyable, les cartes postales

Quand vous flânez à Paris, le hasard vous entraîne

Par les rues, les gares, l’envie de partir en voyage,

De vagabonder, vous arpentez les quais de Seine,

Ses bouquinistes, Notre-Dame, comme en pèlerinage,

Face à l’académie française, quel paysage !

 

Mais si vous vous rendez au marché de la carte postale

À Saint-Mandé, vous y rencontrerez des gens formidables

Une petite famille avec leur fouillis invraisemblable

Les brocs du mercredi, objets en tous genres, c’est louable,

Mais surtout le monde des cartes postales.

 

Dès le premier contact vous êtes adopté par le broc,

Il vous accueille dans son fatras de vieillerie, de bric et de broc.

Ses caisses recèlent un vrai trésor,

Les fameuses cartes postales françaises, j’adore.

Revivre l’histoire des gens simples, des familles, des amoureux

Évoquer la vie il y a un siècle, de personnes vivant en ces lieux.

 

Et il y a Gérard, homme affable, de bonne humeur

Petit, trapu, mains grêlées de taches de rousseur, 

D’allure bonhomme, chevelure brune, épaisse,

Son matériel, des tréteaux, des caisses

Il range, il trie, il classe, et pour ses fans,

Ses très aimées cartes sous cellophanes

 

L’univers des cartes postales est magique 

Et même peut-on dire mystique 

Et comme le dit le libraire Taganskaia*, 

C’est la charge de la vie, du « A à Omega »

Font pénétrer dans le monde des sentiments, 

Avec grand respect et dignité,

Que certains ont pu écrire, il y a 100 ans,

À leurs proches, à leurs aînés,

On partage ainsi une tranche de vie 

De ces inconnus qui nous deviennent familiers, 

Mais c’est très touchant et c’est la vie.

 

 

*Taganskaia : quartier de la ville de Moscou

 

 

Cette mèche de cheveux

Ces cheveux que tu laisses posés

Négligemment sur le lavabo

C’est beau,

Sont un signe de ton passage

Pour faire perdurer en moi le secret

De ton image.

 

La réminiscence de ton visage

La douceur de tes traits, leur finesse,

Un baume pour moi au jour de la tristesse

M’entraîne dans les méandres

De ton souvenir. 

 

Une mèche m’apprend tout de toi

Ton côté revêche quand tu te rebiques

Le côté soyeux quand tu te fais câline

Le brillant dans l’éclat de ton sourire.

 

Je garderai cette mèche comme on garde un 

Diamant, la reposerai dans un écrin 

Me souvenir de toi si mon cœur est chagrin

Pour la contempler souvent, la contempler toujours

Penser à toi, encore et encore mon amour,

 

Une mèche de cheveux que tu avais posée….

 

 

 

(*)

 

Hervé Dubourg naît en 1953. Après des études scientifiques en région parisienne, il travaille dans l'industrie chimique avant de devenir ingénieur de voirie la fonction publique territoriale dans une commune parisienne. Il se passionne pour la peinture, l'écriture, la musique, les langues, le bricolage et le sport.

Présentation de son premier recueil de poèmes, Je marche dans la nuit (éditions Baudelaire, 2024) sur le site de l’éditeur.

Les poèmes sélectionnés ci-dessus illustrent un style de « balade urbaine », croquis et  poésie intimiste qui trouve son charme dans l’évocation des cartes postales anciennes… Lire la totalité du mini-recueil dans notre Bibliothèque Francopolis (n° 16).

 

 

Hervé Dubourg

Francopolis Automne 2025

Recherche Dana Shishmanian

 

Accueil ~ Comité Francopolis ~ Sites Partenaires ~ La charte ~ Contacts

 

Créé le 1er mars 2002