TERRA INCOGNITA

 

 

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Archives : Terra incognita

 

Nouvelle rubrique : découverte…

Septembre-octobre 2021

 

 

 

Laetitia Extrémet

 

Présentée par Eliette Vialle

 

Photo de l’auteure

Mare nostrum

 

Ma rude amère

Mon amniotique marée

Tu m’as éperdue à ta corde

Et je t’accorde encore tous mes regrets

D’avoir quitté ton corps

Et sa Mare nostrum

Ton amène matrice,

A mes regards perdus ;

 

Ma rade où s’ancre ma peine

Et toutes les mésententes

Mon aride aven,

La corde au cou je rame

J’arrime les désaccords

Des âmes repentantes

A ton corps défendant ;

 

Ma rude amère, mon amphibie

Mon amniotique marée

Là tu m’as débarquée

En coupant le cordon

Là je me suis pendue

À ton corps défendu.

 

Extrait du recueil Aquapoèmes,

éditions le Chat polaire, Juin 2020

 

 

***

 

Je m’appelle Silence

 

Ma bouche est un pays de neige

et les mots s’y enfouissent

reclus dans l’invisible étendue de leur effacement

mais j’amortis la chute,

 

condensation.

 

Ma voix est peuplée de nuages

je tisse des mots de soie aux fils dénoués de leurs arpèges,

musique déferlante

et je deviens rivière

 

ruissellement.

 

Je m’appelle Limon

j’ai été rejetée par les eaux,

là où je fus déposée s’étendent les rives et les confins

de l’impossible résurgence

 

dissolution.

 

Je m’appelle Reflux

marée des équinoxes,

 

les nuits de pleine lune

je retourne à la mer.

 

***

 

Aux premiers instants des aubes rousses

quand vibre l’ardente promesse du chemin

entre les ajoncs et les vertes mousses

je chausse mes herbes et me délivre

 

au frais des ombres et sous les ifs

il est des matins des fièvres des charmilles

dont les parfums ont la couleur de la fugue

et me dérivent au-delà de la foule

 

j’ai dans le cœur des aubépines

des silences recouverts de ronces

un peu de rouille au bord de mes cils

l’esquisse d’un remords qui me quitte

 

je prends ma fuite et vous laisse à mes trousses

je file au grès du temps et du vent qui me pousse

revêtue de rivières j’affute mon esquive

je cours l’eau vive des aubes rousses.

 

***

 

J’ai pansé mon jardin mes rosiers

sauté par-dessus les haies

les ronces et les taillis

parfois les barbelés,

 

une pensée m’est venue

frôler les orchidées

 

et puis j’ai oublié,

 

c’était juste un peu de sucre

des feuilles d’organdi

toutes choses menues

aux parfums surannés.

 

Aujourd’hui

je vis

de l’or du temps

j’entends

dès lors

le désordre immobile

mille fois ces petits riens

et la clameur du vent.

 

***

 

My dear Papa

 

Dire moi aussi

my dear Papa

le vide

et la déréliction

les roseaux sont fragiles

l’onde n’est plus mon chemin vert

j’ai quitté la rivière

quelque chose a filé par le trou de mon cœur

la pluie s’en est mêlée

ourlé de genêts blonds, l’été s’en est allé

c’était au temps naguère

 

pourtant

aujourd’hui moi aussi

je dis my dear Papa

emporté par l’hiver

je dis, mon père

le vide a la vie dure

on dirait que tu dors

dans le temps des rivières

 

***

 

Le vent parfois vient déposer une âme

au bord de ma fenêtre

je la reconnais à son regard étrange

à son éternité,

et son si doux secret soudain

me frôle

mais elle se tait

 

Il faut éprouver le silence

pour savoir

ce qu’ils sont devenus

 

***

 

Au nom de mes absents

laissez les forêts se courber sous le vent

et les jours bleu marine

noyer les océans,

 

laissez la pluie s’il vous plait

glisser sur mes volets,

la buée sur mes vitres

console mes rivières.

 

Au nom de mon père et de ma mère

laissez venir le printemps

laissez la fenêtre ouverte

je veux encore courir dans les champs

 

***

 

C’était au temps précieux où rien ne bouge,

profitant du frémissement de l’invisible

j’ai voulu planter un arbre à poésie

j’ai attendu ses fruits,

 

quand est revenu le mois d’août

vous êtes passés par ici

vous avez traversé mes pensées,

je me suis dit alors

cours, cours

et ne fais pas de bruit

ne leur dis pas qu’ici tout a verdi.

 

Épurer sera mon labeur de l’été.

 

***

 

Merci mes amies d’être venues

nous avons été le vent toute la nuit

nous avons bu

et nos rires empourprés ont gité dans le temps immobile

nous avons chaloupé

ce fut un grand chahut

 

merci mes amies pour la légèreté

nous avons ri

et tangué tout l’été dans le ballet des libellules

le vent nous traversait

nous étions ivres

et vivre suffisait

 

il m’a plu mes amies

que vous soyez venues

mais aux premières pluies

vous êtes reparties

j’ai cessé de danser

 

depuis ce jour, le temps se hâte

 

j’entends l’hiver venir

 

***

 

J’ai ouvert la fenêtre

tu es entrée comme un parfum,

le vent déployait tes cheveux

tes nuages et tes longs ruisseaux

et tu volais,

une petite voix m’a dit

tu vois

je suis le vent très bleu

j’apporte des oiseaux ;

 

j’ai voulu fermer la fenêtre

et serrer contre moi la couleur de tes yeux

mais mon cœur était vide.

 

Le vent est un menteur.

 

***

 

Le vent

 

Le vent est une impatience qui se lasse de notre indolence

De notre lenteur à nous détacher de cette inanité

De ce vide dont nous peuplons nos vies,

Nous tenant immobiles dans le temps altéré.

 

Le temps est une défiance qui nous oppose au vent

A son élan et son empressement à nous déraciner

Aux torrents de ses bruits, à tous ses courants d’air,

Nous laissant échoués dans les voies de l’errance.

 

L’errance est une absence qui nous a emmurés

Oppressés dans l’étreinte de sa captivité,

Ne laissant prise au vent que pour nous renverser.

 

Le vent, son inconstance, nous remuent en tous sens

Nous enfoncent en naufrage et las de résister,

Échus en défaillance, nous nous laissons sombrer.

 

 

Ma chevelure

 

--------------- a pris le vent

Et le vent à moi s’en est pris

M’a emportée dans ses rafales

Abruptement, en coups de vent

 

Ma chevelure, de mèches cuivre

À mon cou dévoilée, ivre

S’était enfuie à mon insu

Une insouciance, une innocence

Un rêve fou dans le grand vent

 

Ma chevelure, mon être libre

S’était enfuie et voulait vivre

Voler au vent, s’en démêler

Mais ici la chevelure, celle

De ma mère, ma sœur, ma fille

Est un défi

Une arrogance portée au cou.

 

Alors le vent s’en est mêlé

Il a jeté sur mes épaules

Ses coups de fouet, ses coups de trique

 

Aujourd’hui, de chevelure, mon dos se strie

De longues mèches couleur de brique,

Odeur de sang, goût de colère

Et si je hurle, si je crie

C’est pour ma mère, ma sœur, ma fille,

Les femmes et notre humanité.

 

Pour les femmes afghanes.

 

©Laetitia Extrémet (inédits)

 

Qui je suis…

Je m’appelle Laetitia Extrémet, j’écris depuis l’école primaire. Je me rêvais en romancière, seule devant un ordinateur avec vue sur la mer, mais mon père a exigé que je fasse des études d’abord et il a eu raison. J’ai donc fait des études d’Histoire puis un troisième cycle en Théorie de l’Information, ce qui m’a amenée à être journaliste en presse écrite, puis responsable de la communication au centre de lutte contre le cancer de Marseille et ensuite à l’hôpital Saint-Louis à Paris.

J’ai démissionné et passé le CAPES. Je suis donc professeur d’histoire géographie à Marseille depuis 12 ans.

J’écris des romans inachevés qui me dérivent vers la poésie. C’est ainsi qu’en cours d’écriture d’un 4ème roman inachevé, j’ai écrit les textes de mon premier recueil d’Aquapoèmes publié aux éditions Le Chat polaire en juin 2020. L’eau y est la bulle dans laquelle je me réfugie pour accomplir mon besoin de solitude. Ma poésie est introspective mais elle passe par des chemins de traverse, j’aime bien noyer le poisson, l’air de rien, en coup de vent. La forme le rythme, la musique y sont soignés sans préméditation, c’est pour moi une façon de me cacher dans ce que j’écris. C’est là, au fond, que se trouve ma liberté. C’est là que je Suis.

J’ai toutefois écrit aussi quelques poèmes dit « engagés » qui expriment ma compassion pour les peuples opprimés, pour celles et ceux qui n’ont pas la liberté d’être.

Quant à la poésie qui me touche, qui m’émeut, qui me parle, si je devais citer quelques auteurs, je citerais Tristan Cabral, Nadia Tuéni, Alejandra Pizarnik, Gaston Miron.

 

Notice bibliographique

Recueil : Aquapoèmes, aux éditions Le chat polaire, juin 2020 : www.lechatpolaire.com

 

Revues papier :

·       Poésie/première n° 73 / Avril 2019

·       Le Coquelicot n°1 (revue franco-américaine) / Octobre 2019

·       La clarté sombre des réverbères n°3 / Mai 2020 (éditions Jacques Flament)

Revues en ligne :

·       Possibles n° 45 / Juin 2019

·       Lichen n° 40 et 41

·       Ressacs n°3 et 5.

·       Recours au poème n° 201 / Mars-avril 2020 

·       Eurolitkrant, Décembre 2020

·       El Ghibli. Revue de littérature italienne. Janvier 2021

Anthologies :

·       Vivant(es. Editions de l’Aigrette, Juin 2021

·       KALEIDOSCOPIE « le Monde de Demain ». Editions du Rouge-queue. Juin 2021

·       Voix de femmes. Anthologie de poésie féminine contemporaine. Editions Plimay. Juillet 2021

 

À paraître sous peu :

·       Anthologie Voix des îles (éditions des Iles).

 


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