Alzheimer
Sur ton glacier je parcourais nos gravures, et le temps
écrivait ses mémoires,
Gravait sur la glace à l’acier de sa plume ; mes rires
écoutaient tes pleurs
Jusqu’à en creuser la surface gelée de tes peines :
souvenirs cruels
Surgissant de ces morceaux de cadavres blancs, souvenirs
Sincères, ils crient étouffés sous la chaleur de l’oubli
Éternel ; c’est ton glacier qui fond, mais mon cœur
En souffre. S’il pouvait voir tes yeux habités par
Les dernières errances, crierait-il ce que les
Murmures étranglant mes pensées
Me disent ? « Ton sourire étend
Ma tristesse : reflet trompeur,
Triste étendue bleue. ».
Hypersensible
Je le frôle d'une peau traversant la fraîcheur
éloquente,
Sa soie d'émeraudes la transperce par ce doux baiser.
Je regarde ce géant au berceau que l'humble mère protège
À en scruter ses sublimes blessures que le père
révèle :
Il envahit mes yeux dans son sourire matinal.
L'exaltation des sens pénètre l'essence de mon être.
Si ce feu affuble ma tête (pleine de feuilles)
D'une coiffe que l'on arrange en bonnet d'âne,
C'est sa voix qui fait hurler mes plus longs sanglots,
Et épie mes joies qui élèvent les plus grandes plaines.
La petite dernière
Perles arrimant les miennes à mon regard,
Elles assistent aux noces des ombres ancestrales.
Mais dans l’annonce éblouissante de l’orient,
Se révèlent les corps au manteau qui s’affaisse,
Virevoltent les voyageurs invisibles ;
Et l’on allège la robe printanière de ses étincelles.
Elles reviendront l’habiller dans leur renaissance,
Mais il en reste une que le monde enchante :
Celle qui lentement finit de l’effleurer,
Et dans un dernier souffle annonce la fin.
Ciel
Là où repose l’esquisse de l’obscurité,
Se dépose la clarté d’une main emplie de légèreté.
Elle y étale les teintes de ce cœur embrassant le
papier,
Et d’une eau embrasant les couleurs abyssales du
peintre,
Étend de son pinceau la chaleur timide de son art.
Nous percevons alors dans ces décors enterrant le flot
des nuits,
Les éternels croquis de ces géants à la chair vaporeuse
Tracés de la plume que l’éclat des jasmins enveloppe ;
Et quel spectacle que d’observer ces grandes colombes
qui s’étreignent,
Traverser l’azur s’étirant sur la toile de l’artiste.
Le peintre s’offre à l’aquarelle céleste,
Car des millions de larmes abreuvent mes songes depuis
l’ébauche,
Et la lueur de l’aquarelliste orne cette œuvre fugace.
C’est dans mes beaux souliers de plomb, que je tends mon
âme vers elle,
Et savoure en cet instant la perfection de sa grandeur.
Âme et nature insouciante
Esprits des temps divins,
Laissez-moi glisser dans l’écoulement de vos chants ;
Ils en frémissent, ces sourires d’ébène que nos sens
cloîtrent,
Mais les chimères aveugles les effleurent dans leur
écorce.
Voyageurs sensibles, ils emportent mon âme inquiète,
Mes pensées tremblant parmi les larmes de glace,
Dans l’écarlate regard d’un visage de braise.
La chère flamme ardente qui somnole à en tomber
fièrement,
Laisse jusque dans la blancheur des ténèbres douces,
S’émouvoir mes yeux frêles parcourant cette ombre sans
fin,
Elle tait le cri de mes maux
en un tendre silence.
Mais quand vient l’éveil d’un éclat perçant nos fumées
noires,
Je les aperçois ceints de lumière, d’horizons enivrants,
Et mes prunelles enlacent ces environs souffrants.
Noyée dans les vils torrents
de nos vices,
Puissent les plus hauts océans du monde
M’emmener rêver dans leurs vagues écumeuses,
Qui saisiraient au vol mes chagrins pleins de boue ;
J’aime baigner mes pleurs lestés de sel
Dans l’abîme des cœurs les plus nobles,
Ceux des nymphes que nos lames défigurent.
©Lily-Rose Marlot
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