TERRA INCOGNITA

 

 

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Archives : Terra incognita

 

Nouvelle rubrique depuis 2019 

 

Automne 2024

 

Patrick Chavardès

 

(*)

 

Une image contenant nuage, art, Peinture acrylique, Peinture artistique

Description générée automatiquement

 

©Jacques Grieu, Orage.

 

 

Nuages

 

À force de regarder les nuages

j’ai fini par les habiter,

langueurs orageuses et barbe à papa,

je ne suis pas le plus noir, le plus bleu.

 

Le vent me berce-t-il ? Non, sa caresse est rude !

Plane un péril au parfum de foudre…

Une route après l’autre et devant l’ombre

s’allonge mais nul arbre, nul abri.

 

Un bout de terre, une terne étoile

me tint lieu longtemps de chevet.

J’embrasse son souvenir, en guise

de bonsoir, si ce n’est d’adieu.

 

À force de regarder les nuages,

je rêve que je rêve à la mer,

une flaque malingre et gelée,

un bassin gris dans un parc en hiver.

 

J’ai eu des fêtes et des plaisirs

qui me laissaient triste à la fin

mais d’une obscurité rose, la nuit

m’enveloppait, houppelande de fée.

 

Touffeurs d’un songe forain,

dansent les montagnes russes,

tournent les chevaux muets

d’un manège enguirlandé.

 

Ai-je cru en quelque chose ? Oui,

un joyeux désordre de mots et de cris,

de corps emmêlés et de rues qui volent

un été, l’oubli à perpétuité.

 

Tout est très lourd, trop droit, tendu,

par feux et glace malmené.

Ce nuage me prend dans son rêve.

C’est si dur de s’enfuir sereinement.

 

Dans un trou creusé par l’homme, un ciel,

vient cette buée, cette écume,

laine frisée sur le dos des bisons.

Ah courir au soleil avec eux !

 

Je me suis tourné d’un autre côté,

caché dans un coin solitaire,

mais lente et sûre montait la fièvre

et j’avais soif de tous ses fruits.

 

Un nuage… Le temps suspendu

aurait sa forme s’il en avait une.

On dirait tiens voici le temps qui passe.

Nuage est plein de vide et ne tombe jamais.

 

Nuage sans source et sans but,

dernier témoin des naufragés,

poussière émancipée de l’eau,

en quel ciel irais-je comme toi, grand-erre ?

 

 

 

Ni source ni but

 

Je n'ai d'amour que pour les lieux

Où mon regard peut vaquer librement.

 

Je me vois adossé à cet arbre

Un soir d'été la mer le vent

Demain l'arbre me verra

assis sur ce rocher gris

 

Le tout est de marcher dans la forêt

tel un sourcier ne cherchant pas même de l'eau

car le regard n'a ni source ni but

 

La vie est le nom du temps à traverser

Elle t'éclaire comme elle peut

Regarde-la elle te regarde

Pourquoi te détourner

 

Tu penses aux yeux des bêtes

Ces bons yeux vides et blancs

des bêtes en leur pré paissant

 

Tu as beau rester là

le pays change de visage

mais toi tu as gardé

l'élégance des vieux fruitiers

avec tes songes lents

un sourire un collier de feuilles

jeté sur des épaules

 

J'ai marché sous la pluie glacée

Les églises étaient fermées

 

Un ruisseau a jailli de l'oubli

J'avais son nom sur les lèvres

 

Son souvenir s'argente au soleil

J'ai tant de plaisir à y penser

 

Je vois le ciel noir

L'espoir vaincu

Un sourire en forme de grimace

 

Chacun parle sans voir

Mais regarde quelque chose

Dont il ne peut se défaire

 

On ne fait qu'aller et venir

au-dehors sans comprendre

 

Tout est charnel

ou je ne sais quoi

possiblement désirable

 

On croit qu'on aime

on en peut mais

 

Et tout recommence l'air de rien

La vie l'amour la mort

Le cinéma les copains

Le rock'roll et la bagarre

Et surtout Arthur Rimbaud

pour lequel ce soir

sur un air de flûte

je ferais un tombeau

 

 

 

Les fleurs crient

 

Les fleurs crient

c'est dire que Nature ne se rétracte pas

 

Elle n'est tendue vers rien

 

Tandis que nous ne lui accordons aucun regard

d'elle à nous sempiternelle va la sève

 

Les fleurs crient

elles ont poussé dans le sang des bêtes égorgées pour nos

ripailles

 

Les fleurs crient

et leurs cris montent jusqu'aux cieux noirs de suie

 

Les fleurs crient

quand la vie fait semblant d'aller de soi

 

Allons ! N'ont-ils pas fleuri les cris

et les mains tendues mais quoi

Plus de pêches pour la soif ?

 

dans le silence seulement

et la nuit des bêtes

en enfance nous descendons

 

Puisque le rêve est la source du rêve

la seule armée qui vaille

est celle des nuages

 

Aussi imparfaits que nous soyons

l'air et l'eau se souviendront de nous

 

J'entends que la source demeure

Je comprends qu'elle est le but

je consens à ce qu'elle est

je reviens au temps d'avant

celui dont nous ne sommes pas revenus

 

Du fond de mon abri

je ne vois que fenêtres et murs

 

Et les nuages repassent

cavaliers du silence

mais où vont-ils ?

 

Depuis si longtemps le rêve pleut

 

J'attends sans savoir

une aube déboussolée

Elle a tes yeux

 

La brume est bienfaisante

mais rien ne console le paysage

 

Un mot vacille

se cherche une racine

elle est là j'en suis sûr

en terre où l'eau murmure

 

©Patrick Chavardès

 

 

(*)

Né à Paris de parents écrivains, Maurice Chavardès et Marilène Clément, Patrick Chavardès a fait des études de lettre modernes et philosophie à l'Université de Vincennes.

Il a pris des cours de Théâtre avec Christian Dente (MJC Daniel Sorano).

Il a été enseignant en banlieue (Val de Marne) pendant plusieurs années.

Il a séjourné à l'étranger et voyagé en Asie (Turquie, Iran, Pakistan)

Installé en Bourgogne depuis 95, il a créé et animé un atelier d'écriture à L'Université Populaire de Chalon-sur-Saône.

Il a effectué une résidence d'auteur à Vézelay (écriture à partir de Georges Bataille).

Il participe à divers salons et festivals de poésie.

Patrick Chavardès écrit dans plusieurs genres : récits, romans, nouvelles, pièces de théâtre et paroles de chansons.

 

Publications

- Clair-obscur, essai autobiographique, éditions du théâtre Vesper, 1989

- Dernières hypothèses, poèmes, éditions Gros Textes, 2002 (aide à l'écriture du CNL)

- Maudit soit le chant des sirènes, poèmes, éditions Gros textes, 2004

- L'espérance à poings fermés, poèmes, éditions Le Limon, 2006 (aide à l'écriture du département)

- Rien ne dénudera la nuit, éditions Le Limon, 2007

- Sans les anges, éditions Rafaël de Surtis, 2010, préface de Jean-Gabriel Coscoluella

- Une chance noire, éditions Rafaêl de Surtis, 2012, préface d'Alain Jugnon

- A la mesure de l'effroi, éditions L'arachnoïde, 2015, préface de Bernard Noël

- Plusieurs livres d’artiste avec le peintre-graveur Marc Giai-Miniet

- Enregistrement d'un CD audio, 2008 - poèmes avec musiques et arrangements de Fernand Zacot

 

 

Patrick Chavardès

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