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Archives : Terra incognita

 

Nouvelle rubrique depuis 2019 : découverte…

 

Septembre-octobre 2022

 

Richard Roos-Weil : Aller à crue

 

Extraits d’un recueil inédit

 

(*)

 

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Félix Rollin, Le mur sculpté (Paris, 46, rue Quincampoix), détail

(photo de Dana Shishmanian, 2011)

 

Dessus /Dessous

« Tu t'es arrêté de parler et seul le silence t'a répondu. Mais ces mots, ces milliers, ces millions de morts qui se sont arrêtés dans ta gorge, les mots sans suite, les cris de joie, les mots d'amour, les rires idiots, quand donc les retrouveras-tu ? »

Georges Perec, L’homme qui dort

 

 

Peur de l’horizon

De sa visite muette

 

Tes mains se souviennent

Cessent de commenter

 

À défaut

Tu imagines une déchirure

 

Oubliés l’armature

La symétrie des lignes des traits

Le corps enclos à nouveau soulevé

Dans le jour 

 

Tu prononces épelles

Chemin maison air

Comme s’il t’en coûtait

 

Oui tu peux rester sans bruit

Rivé au soleil

Ce qui tombe ricoche dans tes yeux

Bouche bée

 

Tu ne seras jamais mouette filante

Ou pierre à contre-courant

 

 

La roue de l’aube 

L’air secoué

Retourné

 

Et cette lumière

Qui remonte des profondeurs

Des chambres creuses

Et remue touche pique à vif

Bourdonne jusqu’à ta barbe

 

Épeler marmonner

Murmurer

Papillon et babil

Feuillage et plume

 

Une connivence

Un treillis de la lumière et du vent

 

Impossible d’apprendre à chanter

Elle imite se moque

Elle a beaucoup d’âge et son sourire

 

Nous sommes l’un à l’autre

Dédale gouffre engloutissement

Et tantôt ciel et passage

 

Perdu le plaisir

Et ce ciel que l’on touche

Pour inverser le puits

 

Notre mémoire s’enfonce

Dans les recoins les anfractuosités

Une leçon de choses

Des exercices à lire

À écrire sur tableau noir

 

À l’envers

 

 

Une image contenant intérieur, sculpture, bâtiment

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Faire bruire le silence ?

Ces voix jetées précipitées

Et leurs visages

Cette envie qu’ils avaient

Se regardant

 

Des liens

Des traces sur nos corps

Des dormeurs drapés gisants vivants

Cœur manquant

 

 

Contraint par plusieurs paysages

Avec la houle allant vers le bleu gris

 

Glace et poussière ne font qu’un avec ton ombre

 

Écrire le bras figé

La main raide

Les doigts recroquevillés

 

Le lai de ce qui s’accorde

 

Tout collé au corps claudiquant

 

 

Ton œil 

Tourné vers l’intérieur

Tu poursuis t’agenouilles

Écoute le son qui trouble ta promenade

 

À nouveau s’enfouir dans un ventre

Pour s’oublier 

 

Polir sa peau jusqu’à devenir fontaine 

 

Interrogé tu as répondu

Ne pas connaitre ce paysage

Confondre nuages et corbeaux

 

 

Va fais défais tes liens

Jette un sort à cet épouvantail

 

Une main nue

L’autre accrochée aux murs

Aux parois

 

Prise dans le froid

 

Tu t’arc-boutes

T’agrippes

Grimpes

 

 

Un seul mot a trop de majesté

Pour te laisser aller

 

Il te faut prendre élan

 

Répondre par un jeu de signes

 

Pointer le doigt

Te détacher

Devenir branche miroir

 

 

Un jardin comme avant comme après ?

Chambranle et pèse nerfs

Dans nos têtes

 

Chevillé

Par le pourtour

Le réduit

Le soupirail

Le puits d’où nous chantons

 

L’aube patiente

 

 

Penser ses gestes jusqu’à l’épuisement

 

Partir d’un point

À l’inverse du soleil

 

Un peu d’eau et de lumière

Remue pour murmurer

Balbutier que persiste notre désir

 

Le corps lisse lavé

Dansant

 

Tu es lui tu lui ressembles

 

Le jour s’élève dans le jour !

 

Viennent te réveiller

Carillons et charmeurs de contes

 

 

Une contre clef

Ce qui apparait sur la ligne de crête

Emprunte ta couleur

 

Allongé près de l’eau

Jambes enlacées

 

Il et elles te tenaient bras tendus

Comme une offrande

 

 

Dessine un jardin

Une fontaine

Un saut rempli

 

Ajoute que le soleil a grandi

Que la lumière s’est incrustée

 

Avons collé soudé la tête

Et tendu l’étoffe

Attendu que le feu prenne

 

 

Avant de t’enfuir

Ces papiers ramassés entassés

Et cette inquiétude dans ton dos

 

Reprendre essorer

Sous l’épaule sous l’horizon

 

Tenter un plongeon un saut de l’ange

 

Un contrepoids au noir

Aux couleurs envolées

 

 

Une image contenant extérieur, arbre, pierre

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Ce quelque chose qui vibre et ne se dépose pas tout à fait

Seulement des notes fantômes

Des mots sourds

 

Manque la chevelure

La peau contre peau

Et ce mouvement lent

Cette danse presqu’immobile

Pour que l’air nous enveloppe

Notre étoffe flotte sur l’eau

 

 

Recouvert d’écailles et de plumes

 

Mis en terre avec des bois de cerfs

Des lances de licornes

 

Un animal à sang froid transperce nos songes

 

Aiguise ton regard

Regarde ce qui tombe

Sans bruit

 

 

À vif

Cette maison aux pièces racornies

Chantournées à l’œil borgne

 

Un escalier en spirale

L’air trop vite coupé

 

Le nommons

Archivage du jour

 

Odeur des lys ! des lys !

 

 

Jusqu’à quand allons-nous ?

Pas de retenue ni de degrés

Dans le ciel

 

Un mot entier manque

Une pensée

 

Cela racle frotte dans ta gorge

 

Restent les bords

Et des bouches d’ombre

 

Des museaux humides

S’approchent de ta tête endormie

 

 

Nul parchemin ne s’enroule

Nos bibliothèques ont fondu sous les eaux

Tu entends leurs bruits de gorges

Leurs sonnailles glisser sous la pluie

 

Empêché par la voix

Dans l’attente du verdict 

 

Viennent sur tes lèvres

Cantilènes et chansons un peu niaises

 

Assurément tu peux cicatriser

 

La nuit la terre tourne dans tes mains

Comme un ciel délavé

Un fleuve nouveau-né

 

Seulement sentir et voir

Pour saluer

Oser malgré tout

 

©Richard Roos-Weil

 

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Georges JeanclosLa Fontaine St Julien le pauvre au square Viviani, Paris

(photos par l’auteur : détails et vue d’ensemble)

 

 

(*)

 

« Ces textes sont inspirés par l’œuvre d’un sculpteur Georges Jeanclos, et notamment par sa Fontaine St Julien le pauvre qui est située à Paris, au square Viviani en bordure de Seine. Elle rend hommage aux habitants d’un petit village du Cher qui ont été jetés vivants dans un puits en 1944 ; des membres de sa famille en faisaient partie.

D’autres raisons plus personnelles sont bien sûr présentes mais peu importe de les mentionner.

Quelques textes ont été publiés dans certaines revues (Arpa, Traversées, Poesie première …) et un dernier recueil en 2022 aux éditions Lieux Dits collection du Loup Bleu : Nous n’écrivons pas de poèmes mais des repentirs. »

Richard Roos-Weil

 

Pour en savoir plus sur Georges Jeanclos (1933-1997) : Wikipedia (mais ne mentionnant même pas la Fontaine, commande de la ville de Paris réalisée par l’artiste en 1995 – tout en mentionnant pourtant, dans sa biographie, qu’il était le neveu de Pierre Jeankelowitsch, assassiné lors de la Tragédie des puits de Guerry). Pour faire connaissance avec son œuvre : pinterest ; sur la Fontaine St Julien le pauvre : Paris autrement.  

 

Une image contenant arbre, extérieur, personne, herbe

Description générée automatiquement Richard Roos-Weil est médecin neurologue en milieu hospitalier, et poète.

 

Ses recueils :

Parvis des ombres, éditions Encres vives, 2017 (n° 712).

Le paravent des jours, éditions Inclinaison, 2019.

Fenêtres traversantes, Les éditions du Petit-Pois, collection Prime Abord, avril 2021. Voir sur ce recueil l’interview de l’auteur sur le site des éditions.

Nous n’écrivons pas de poèmes mais des repentirs, Les Lieux Dits éditions (page Facebook), collection Cahiers du Loup bleu, 2022.

 

Dans des revues en ligne :

Chansons de gestes, poèmes, interview et notice biobibliographique, sur Terre à ciel, 15 juillet 2020.

Intérieurs, poèmes et notice de présentation, dans Recours au poème, 6 septembre 2021.

 

(D.S.)

 


  Richard Roos-Weil

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Septembre-octobre 2022

 

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