La guerre
Un matin de lundi
Hommes femmes et enfants
Ont fui la guerre
La maison est vide
Le silence a envahi
Les murs
Débris d’hier
Dans la tête
Et main sur la poitrine
Ils avancent
Se chercher un ailleurs
Pour de meilleurs lendemains
***
Le vent porte
Les paroles de chaque
Femme
Homme
Enfant
Dans l’immensité
Mystique de la nuit noire
Les maisons sans toits
Sont les dents de la terre
Les yeux sont paisibles
Dans le repli
De la guerre
- Silences dispersés
Un peu partout -
(Inédits)
Frontière de peau
Trottoir gris
Bruit des bombes
En sourdine
Il est là seul
Ridé par les ans
Le froid
Les jours qui se répètent
Sans fin
Une seule idée
Fuir
S’exiler d’un pays
De son pays
De sa terre, sa patrie
Fuir
Il est là
Lui et sa valise
Pour unique compagne
Regard à droite
Regard à gauche
Ne pas savoir où aller
Ne plus savoir où regarder
Et attendre encore
Attendre … attendre
(dans poetica.fr ;
écrit pour un appel à textes
de Printemps des Poètes 2022)
Jardin de grand-père
C’était il y a longtemps -
Ta main
Dans
la mienne
L’horizon
À
perte de vue
Le grillage
De
rouille
Et les herbes mortes
Ta main
Ridée
Qui
crevasse la terre
La mienne
Si
rose
Effleurant
les ronces
Tes yeux
Dans
les miens
Le bleu du ciel
En
morsure de lèvres
Et quelques grains de terre
Entre
nos doigts
C’était il y a longtemps
Et
aujourd’hui encore
Ces quelques grains de terre
Rident
ma chair
(dans poetica.fr ; lettrescapitales.com)
La gantière
Dans le noir
De l'atelier
Les doigts en or
De grand-mère
Cousent
Décousent
Nuit et jour
Pour trois francs
Six sous
Les doigts s'usent
Sous le tissu
Dans le noir
De l'atelier
Le bruit des machines
Écorche les oreilles
De grand-mère
- Il est bien loin ce temps -
Cent ans passés
Ma main dans la tienne
Je te laisse me raconter ta vie
(dans poetica.fr ; lettrescapitales.com;
1er Prix de
l’Association Millen’arts 2024)
Regard d’EHPAD
Assise derrière la fenêtre
Elle attend.
Un moineau picore
Les dernières miettes
De son déjeuner.
Elle lui sourit.
Les jours ne comptent plus.
Les nuits ne sont plus nuits.
Le silence hurle
À ses oreilles sourdes.
Elle attend.
D’en bas de la fenêtre
Je te vois.
Tu es toujours aussi belle
Grand-mère.
Ton sourire ricoche à mes pupilles
Et j’envoie valser
Ma main jusqu’à toi.
Le désir de te serrer dans mes bras,
De caresser ton visage.
Un rêve, une illusion.
Bientôt, je te le promets…
(dans poetica.fr)
Lettre d'un soldat
Sur un sol nauséabond
Je t'écris ces quelques mots
Je vais bien, ne t'en fais pas
Il me tarde, le repos.
Le soleil toujours se lève
Mais jamais je ne le vois
Le noir habite mes rêves
Mais je vais bien, ne t'en fais pas...
Les étoiles ne brillent plus
Elles ont filé au coin d'une rue,
Le vent qui était mon ami
Aujourd'hui, je le maudis.
Mais je vais bien, ne t'en fais pas...
Le sang coule sur ma joue
Une larme de nous
Il fait si froid sur ce sol
Je suis seul, je décolle.
Mais je vais bien, ne t'en fais pas...
Mes paupières se font lourdes
Le marchand de sable va passer
Et mes oreilles sont sourdes
Je tire un trait sur le passé.
Mais je vais bien, ne t'en fais pas...
Sur un sol nauséabond
J'ai écrit ces quelques mots
Je sais qu'ils te parviendront
Pour t'annoncer mon repos.
Je suis bien, ne t'en fais pas...
(dans Le
capital des mots, 2007 ;
Soleil
hirsute, n° 2, vol. 1, automne 2021 ;
poetica.fr ; lettrescapitales.com)
©Sandrine
Davin
|