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Sélection décembre 2016 |
1Qu’est-ce qui se passe ici ? Avant tout était clair, net, sûr. Dans une parole construite, des murs, des pièces lumineuses, un espace balisé, des certitudes. Et puis voici le blanc de la feuille. Ce qui se passe. L’im-possible : corps foudroyé, comme encordé. Les yeux se ferment. Du sable coule quelque part dedans. Le froid monte. Bouche ouverte et dedans la langue est un bloc béton. Les Mots ont disparu. Ce qui se passe ici n’a pas de nom. C’est un rêve récurrent : mon corps sans poids avance sur une plage de sable, parfois une plaine plate, quelques montagnes à l’horizon. Alors jaillit la voix comme sortie d’un haut-parleur, elle est partout, une voix blanche qui détache les mots avec indifférence et la phrase est condamnation : « Tu peux toujours essayer, tu n’y arriveras pas. » Et m’emplit de terreur. Où la source ? Où l’origine ? Dans cet éclat jailli si rarement – mais cela fut parfois – je sais que j’ai vu l’éclair, ce fut un ébranlement dans le noir. Je m’en souviens encore. * 2montée scruter les cailloux – ils entrent dans les yeux dedans ils attaquent les mots – la molle cervelle ils la vident propres – creux – le cerveau impassible le vent le traversera montée acquérir la douce obstination du mouton avancer vers la crête – oublier l’effort oublier la peur de perdre la route de perdre l’orient montée pierres écartées – fendues en deux – restent exposées blanchissent chaque jour glissant entre elles le vent les presse un peu * 3soudain ça te prend là comme un air venu d’ailleurs une présence qui se glisse tu l’as perçue du coin de l’œil – presque rien – une ombre venue de l’autre monde tu voudrais lui parler mais c’est interdit – tu crois le savoir tu ne bouges plus – tu attends là encore – tu attends alors écarter les plis – leur tendance à se figer pousser la porte – si lourde lutter contre la pierre sur la langue y renoncer éteindre le bleu où la lumière n’arrive plus accélération ébranlement enfin devenir veine tendre dans la roche du monde au profond de la grotte la nuit parfois les mots se mettent à couler comme l’eau dans la montagne au matin il n’en reste rien * 4que faire de ce froid où puiser les mots secrets ceux que tu ignores encore ceux qui t’ouvriront le savoir banni à la naissance qui ranimeront les sons – la fusion – les fracas tout le savoir perdu de la grotte liquide un chant au fond du ventre je le cherche dans la beauté des choses disparues sauter dans le vide – y entrer – s’ouvrir – se vider ce sera un écoulement – ce sera l’échappée – échapper à ce qui traque pourchasse – coupe – tranche – sépare – divise ça sera rendre les armes – perdre les défenses – jeter – abandonner s’alléger – quitter cette peau étroite – redevenir lisse et légère propre et vide chaque jour juste à l’aplomb aborder le vide ouvert *** Retour
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décembre 2016 |
Créé le 1 mars 2002
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