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LECTURES – CHRONIQUES – ESSAIS

Hiver 2024

 

 

 

Francis Gonnet : Sous la pierre des nuits

 

Toi Édition, octobre 2024, 50 p., 12€

 

Note de lecture de Dominique Zinenberg

 

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Description générée automatiquement

 

 

Sous la pierre des nuits nous fait pénétrer dans un lieu secret annoncé dès le seuil du recueil, un lieu qui ne s’ouvre qu’à un moment du temps très précis, qu’en « un passage étroit » qui débouche sur l’immense.

 

Il est un passage entre les pierres

à l’extrême des nuits, à la jointure de l’aube…

 

un passage étroit à la pupille du large.

 

Le recueil contient deux parties : « Pierre des nuits » suivie de « Lumière des nuits ». Les poèmes sont enclos dans un petit livre carré, coffret contenant en première de couverture et par deux fois à l’intérieur du petit volume des Lavis de Francis Gonnet, qui faut-il le rappeler est à la fois poète et peintre.

 

Les poèmes courts s’étalent à l’horizontale en deux à quatre lignes : ils pourraient être des haïkus, ils pourraient être des aphorismes, de brèves réflexions, des descriptions épurées qui épinglent un fait, une pensée, une émotion mais sans jamais s’appesantir, dans l’ambiguïté et le mélange du concret et de l’abstrait, de l’injonction douce, d’assonances et allitérations, jeux d’ombres et de lumières, réinvention d’un paysage humain, aux membres dispersés partout dans la nature.

 

Quelle recherche intime anime les mots du poète ? Depuis l’obscur de nos nuits d’amertume, regrets, manques et manquements, que rechercher sinon le rai de lumière, le rai de la joie et de la beauté ?

Et si la lumière naissait de ce que chaque présence laisse de beauté.

 

La pierre est à la fois opacité (telle la nuit) et pesanteur. Elle représente la quasi-immuabilité, l’obstacle à tout passage, mais c’est avec elle que le poète se bat et débat, car d’elle seule, l’obscure et l’impénétrable, peut s’ouvrir un sésame de pure poésie :

La clé du passage est beauté, lumière sous la pierre des nuits.

 

Nous ne sommes pas loin du mythe d’Orphée. Se frayer un passage à l’extrême des nuits, à la jointure de l’aube… n’est-ce pas emprunter le chemin des Enfers pour recueillir dans le creusement patient de la pierre, le sourire lumineux d’Eurydice ?

« La pierre chaude d’un baiser » car « La pierre promet plus que la pierre : un chemin au-delà du regard. »

 

À quelle joie l’expérience du geste de creuser renvoie-t-elle ? À celle de capter la lumière d’un sourire, le baume d’un souffle, la quintessence de la beauté, de la bonté et de l’amour.

Accolé au souffle d’un sourire, le regard respire. Ou en écho page 46 :

Le simple souffle d’un sourire, gravelle de joie nos chemins enlisés.

 

En filigrane, Francis Gonnet loue l’éphémère (Du coquelicot éphémère, persiste l’éclat d’un chant empreint d’infini), le silence et la neige : deux termes qui sont comme reflet l’un pour l’autre : « On reste muet. Quelques mots écorchés tachent la neige. » Il loue tout ce qui est fragile, changeant et ne laisse que de vagues traces sensorielles ou mémorielles : le vent, le chant de l’oiseau, « le frisson d’un battement d’eau ». Il est comblé par « un seul fragment de nacre », par « une brisure de coquillage » par un rappel de l’enfance « Entre les orteils quelques grains de rires oubliés. »

Souffle, desserre les lèvres épaisses des nuages, ne laisse entre les mots qu’un trait bleuté de joie.

 

Des riens si précieux qu’ils en sont presque indicibles ou insaisissables. Des riens qui s’appellent joie de mille et une façons et qui forment le trésor de la vie et que le poète tente, avec délicatesse et justesse de rendre à travers ces poèmes où nostalgie, désirs, sensualité se frayent un chemin de lumière pour le bonheur du lecteur.

Les joies sont en sucre, retiens-les dans ta bouche, pour éviter qu’elles fondent.

 

© Dominique Zinenberg

 

 

Note de lecture de

Dominique Zinenberg

Francopolis, hiver 2024

 

 

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Créé le 1er mars 2002