LECTURE - CHRONIQUE
Revues
papier ou électroniques, critiques, notes de lecture, et coup de cœur de
livres... |
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LECTURES – CHRONIQUES – ESSAIS Janvier-Février 2023 Interventions à
Haute Voix n°64, 2022, 12 euros (Responsable :
Gérard Faucheux) Lecture par Éric
Chassefière |
Ce
soixante-quatrième numéro de la revue conduite par Gérard Faucheux depuis
plus de quarante ans a pour thème Masques. C’est au mois d’avril 1977
que remonte le premier numéro de la revue. Celle-ci vient s’ancrer dans l’Atelier
de recherches poétiques, artistiques et de communication créé en 1972 par
Gérard Faucheux dans le cadre de la MJC de Chaville avec des amis du Foyer des jeunes
travailleurs dont il a été résident entre 1964 et 1967. Le premier
bulletin de cet atelier est publié sous le nom de À Haute Voix, qui
devient très rapidement Interventions à Haute Voix, avec en sous-titre
poésie/ vie sociale/ culture populaire. La revue gardera le même
sous-titre pour ses premiers numéros, augmenté d’un deuxième : écritures/
lectures/ pratiques, qui deviendra le seul sous-titre en 1979. Très
rapidement, la revue cesse d’être un magazine Culturel pour devenir des
Cahiers de création poétique, chaque numéro étant élaboré à partir d’un
thème. Au rythme de un à deux numéros par an, auxquels viennent s’ajouter
quelques numéros spéciaux et des recueils de poèmes en nombre équivalent aux
numéros thématiques, Gérard Faucheux a su assurer une longue vie à la revue.
Il en a fait une aventure collective en la dotant d’un comité de lecture très
impliqué dans le choix des thèmes et dans la composition des numéros. Ce
fonctionnement convivial s’inscrit bien dans la démarche d’éducation
populaire qui a présidé à la naissance de la revue, et constitue l’une des
clés de sa longévité, et de sa reconnaissance indéniable dans le paysage
poétique français. C’est
Laurent Bayssière, membre du Comité de lecture, qui avait en charge la
composition du présent numéro à partir des textes retenus par le comité. Le
numéro débute avec sa préface, dans laquelle il dit avoir craint que les
poèmes soumis ne se réfèrent trop exclusivement au contexte sanitaire induit
par le virus du Covid, alors même que ce thème avait été proposé par lui-même
avant la pandémie : « Je pensais alors à tous ces
masques portés depuis la nuit des temps par l’humanité dans un festival de
matières pour se cacher, se protéger, faire le bien, le mal, jouer, raconter
ce qui ne peut pas l’être, dévoiler l’indicible, se réinventer une vie, une
destinée. Je pensais aussi à toutes ces
couches de masques empilés sur nos visages, se succédant selon les circonstances,
nos envies, nos objectifs, nos audaces, parce qu’il est souvent si difficile
d’avancer à découvert, de parler avec le cœur, à fleur de silence, dans un
parterre de mots qui ne sont pas biaisés, sans passer aux yeux de ceux qui
nous entourent pour « l’Étranger » de Camus et être condamné à
l’inaudibilité. » Mais,
nous dit-il, sa crainte s’est avérée infondée, les poètes ayant « dans
leurs besaces une infinité de ressources qui leur permet de dépasser ce qui
nous étouffe et de présenter à la fois la beauté et la cruauté des masques
dans toute leur exhaustivité ». Une
petite trentaine de poètes ont contribué à ce numéro. Quelques masques,
glanés un peu au hasard au fil de ces pages : « Je te croise et tu
ne le sais pas. / Ton regard est encore plus beau / Mais ta bouche est
devenue inerte. / Sourire est un souvenir / Et même si tes yeux brillent / Je
ne te crois plus heureuse, / Figée dans cette posture imposée / Ou dans cette
pause d’imposture… / Tu ne m’inspires que crainte et peur. » (Antoine
Durin) ; « Myriades solsticiales / rut des étoiles / la lune trouve
place // Clandestines en moi-même / je baisse la garde / sous masque
mystérieux je lanterne // Le large sans borne ni barre / accueille tous ceux
qui ont encore / soif de voir soif de croire // Un chat fasciné médite / tant
la beauté m’embrume / ronronnent ses yeux où deux lunes s’allument // Quand
tout tremble en moi sauf moi / la nuit je sors / avec un masque de
chat. » (Guénane Cade) ; « Le temps s’appauvrit / de ne plus
s’attarder / aux nervures des heures // à rebours de l’attendu // vieux
gestes effrangés / égarés dans le vent vide / murmures essentiels / quelque
part sur les berges du silence // mélancolies vivrières / dans la foulée des
enfances furtives / au goût de miel et d’algues // aujourd’hui / le règne de
l’épars / au plus près de nos masques » (Jean-Louis Bernard) ;
« Il y eut le matin clair comme si de rien n’était / le soleil au balcon
et la fraîcheur de l’air / quelques passants auxquels sourire dans la rue /
un forsythia à l’étroit dans une jardinière // La chair épinglée de l’autre
côté de la clôture / dans la pause du jour / habitait le silence // Démasqué
il fallait tenir / et dans l’étrange nudité d’un angle / écrire petit »
(Nadine Travacca). Suivent
les chroniques et notes de lecture portant sur une quinzaine de livres, pour
l’essentiel écrites par Laurent Bayssière, mais également par Patrice Perron.
La traditionnelle rubrique Vent d’ouest tenue par Marie-Josée
Christien, qui a fait partie du Comité de lecture de 1982 à 2015,
accompagnant donc la revue sur une grande partie de sa longue vie, est
consacrée à une petite maison d’édition créée à Quimper par Maud Sevin en
2018, et maintenant installée à Bergerac, les « Éditions
du Passavant »,
qui publient des recueils de poésie dans trois collections, une pour la
poésie, une pour la rencontre entre poésie et art, une pour la poésie en
prose. Poésie pour l’essentiel d’inspiration maritime, privilégiant par
ailleurs des auteurs aux parcours atypiques, pour lesquels l’écriture
poétique ne constitue qu’une facette d’une expérience artistique ou humaine
plus ample. Marie-Josée Christien y recommande notamment les recueils L’île,
des jours durant, de Rozenn Evain, Bugaled Breizh, un non-lieu sous la
mer, de Loïc Loussouarn, L’époque des mots, de Ronan Nédélec, Retour
sur baie, de Pierre Louarn. Puis viennent les sections consacrées aux
recensions de revues poétiques : Regards sur les revues & la
poésie d’aujourd’hui par Gérard Faucheux et Autre regard sur les
revues & la poésie d’aujourd’hui par Basile Rouchin, avec des
chroniques de Comme en poésie, Traction-Brabant, Libelle,
L’arbre parle, Le pot à mots, Verso, Poésie sur Seine,
Traversées, Florilège. Une
section spéciale est consacrée au poète Jacques Canut, décédé dans le courant de l’année
écoulée. Éliane Biedermann y évoque les « Carnets confidentiels »
numérotés que le poète lui envoya durant de nombreuses années, carnets qui
comportaient ses notes poétiques prises au jour le jour. Mais laissons parler
Éliane Biedermann : « Ses plaquettes d’une
vingtaine de pages portaient des titres évocateurs ; « Le
vide-grenier », « Clairières », « Escapades »,
et semblaient un kaléidoscope d’observations, de souvenirs, de philosophie
parfois désabusée sur ses contemporains. Elles étaient illustrées par de
grands artistes ; Acacio Puig, Claudine Goux…, et ces livrets sont de
précieux objets, qu’on aime à feuilleter. Même quand la vieillesse l’a
rattrapé, il est resté cet homme « atteint de poésie galopante »
car celle-ci était sa manière de vivre. L’écriture pour lui était vitale, et
ses textes sincères nous atteignaient en nous transmettant ses émotions. En
2019, il écrivait dans son recueil Résurgences : "Que
restait-t-il en commun / après tant de décennies ? / un passé qui
devient de plus en plus nébuleux, / une demeure cernée de solitude, / un
chien et quatre chats fidèles, / témoins émouvants de nos complices
vieillesses…" ». Gérard
Faucheux mentionne que deux recueils de Jacques Canut ont été publiés par Interventions
à Haute Voix, Le jardin japonais en 1984 et Vent tzigane en
1991, dont est reproduit dans le présent numéro le poème d’ouverture : Respiration sifflante, un coup de vent déflore les rochers, Teintées de boutons d’or les collines s’estompent en averses. Je rentre me livrer au feu d’intimes tendresses, Harmonies de vase crétois : les cerises font chanter un noir compotier. * L'abonnement annuel (2 numéros + 2 recueils) se
fait à l'adresse de la MJC de Chaville : M.J.C. – 25, rue des Fontaines
Marivel – 92370 Chaville. Ce, par chèque d'un montant de 30 €. L'envoi de
textes s'effectue par la voie postale à l’adresse de la rédaction :
Gérard Faucheux – 5, rue de Jouy - 92370 Chaville, dactylographiés en cinq
exemplaires, en indiquant le thème choisi et le nom ou le pseudonyme de
l’auteur en bas de chaque page. ©Éric Chassefière |
Note de lecture de
Éric Chassefière
Francopolis, janvier-février 2023
Créé le 1 mars 2002