LECTURE - CHRONIQUE
Revues
papier ou électroniques, critiques, notes de lecture, et coup de cœur de
livres... |
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LECTURES – CHRONIQUES – ESSAIS Hiver 2024 Interventions à
Haute Voix n°66, 2024, 12 euros (Responsable :
Gérard Faucheux) |
Ce
soixante-sixième numéro de la revue conduite par Gérard Faucheux depuis plus
de quarante ans a pour thème La tendresse. Magazine culturel à
l’origine, la revue est rapidement devenue un Cahier de création poétique,
chaque numéro étant élaboré à partir d’un thème. Au rythme de un à deux
numéros par an, auxquels viennent s’ajouter quelques numéros spéciaux et des
recueils de poèmes en nombre équivalent aux numéros thématiques, Gérard
Faucheux a su assurer une longue vie à la revue. Il en a fait une aventure
collective en la dotant d’un comité de lecture très impliqué dans le choix
des thèmes et dans la composition des numéros. La
composition du présent numéro a été coordonnée par Éric Chassefière, dont le
préambule, augmenté de quelques poèmes choisis au hasard de la lecture, est
reproduit ci-dessous, retraçant une véritable géographie de la tendresse à
travers âges et périodes de la vie : « Le
fil de la tendresse traversant ces poèmes semble se confondre à celui de la
vie. Courant de l’enfance à la vieillesse, il est celui de l’amour donné à
l’enfant, et par réciprocité de l’enfant à sa mère, cycle donc de la
tendresse reçue et donnée, reçue de celle qui donne la vie, donnée à celle
que la mort reprend, ainsi que l’exprime Fabienne Moineaud : « Ce
puits, que l’on croit sans fonds / Où la tendresse jaillit, / À chaque besoin
de l’enfant / J’y avais puisé à mon tour, / Lorsque ta maladie était
venue ». La tendresse ah
oui reconnaissons-le nous
aurons été heureux ou
du moins pas malheureux juste
quelques larmes de joie entre
deux secousses du destin nous
aurons savouré la vie échangé
nos tendresses instillé
ses gouttes une à une comme
on dégusterait une
pêche bien mûre. […] garde
en toi cette tendresse aussi
douce qu'un parfum caresse
que le vent frôle comme
un écho lointain que
l'on devinera jusqu'au
moment précis où
tu la délivreras. Georges
Cathalo Le
thème de l’enfance est partout présent. Il y a la tendresse de la femme pas
encore mère dont l’enfant à naître est voulu amour et renaissance du
printemps, ainsi dans le long poème de Timba Berna : « Les oiseaux
chantant / Ton nom / Pour annoncer la belle saison / Celle de
l’amour » ; celle de la jeune mère pour son enfant :
« Les yeux clos / Sourire aux lèvres / Tu t’endors doucement / Dans un
océan de rêves » (Mireille Podchlebnik) ; celle de la mère disparue
souriant discrètement sur une vieille photographie, vivante à tout jamais,
justement par ce sourire, dans la mémoire de son enfant (Gérard
Faucheux) ; celle encore de la grand-mère qui « a illuminé mon
enfance », « regard bienveillant posé avec tendresse sur les
êtres » (Nadine Bonleux), et nous pourrions multiplier les exemples. Le
fil de la tendresse parcourt ainsi les générations, la tendresse reçue en
héritage de la génération précédente étant transmise à la suivante. Mère tendresse Un
sourire une
douceur évanouis
dans
la brume du temps Une
inquiétude perceptible
au
creux de ton regard Des
attentions de
chaque instant la
profusion le
don de soi Tissage
d'un cocon protecteur Une
mère tendresse bien
trop tôt disparue Un
élan brisé Quand
l'absence se fait peine Mireille Podchlebnik Les
animaux domestiques apparaissent, bien souvent à l’égal des enfants, dans la
relation de tendresse qui lie les êtres d’une même famille. Et c’est beaucoup
dans ce cas par les yeux que passe la relation de tendresse, tendresse du
chien qui perçoit dans le regard « la déchirure de l’âme » et
« vous lèche les mains comme plaies / d’une humble rugueuse caresse /
qui ranime le présent » (Béatrice Gaudy), ou du chat au regard
tendre : « tes yeux de lune / sont le miroir de notre âme »
(Éliane Biedermann). La tendresse pour l’animal peut résulter d’une
communauté de destin, chacun se reconnaissant en l’autre, comme chez
Sylvain Braud qui recueille une chienne à l’enfance douloureuse :
« Elle fidèle chienne, moi son humain », « bouclier rieur / Amour contre mon
désespoir ». Et il y a bien sûr la tendresse dans le couple, mais elle
n’est finalement qu’assez rarement développée dans les textes qui suivent.
Celle-ci est en effet plutôt associée à la fidélité en amour qu’à l’amour
lui-même, ainsi à propos de deux « petits vieux » :
« Main dans la main, / Ils cheminent aujourd’hui / vers le paradis de
leur choix. / Et ils emportent aussi avec eux / Quelques bouquets de
tendresse à partager » (Patrice Perron), ou de la main caressant le visage
de l’aimé : « sans autre pensée / en tête que remercier / le ciel
de toujours être / l’un avec l’autre, / l’un pour l’autre » (Jacques
Bonnefon), tendresse donc qui est amour dans la durée, loin de l’exaltation
initiale du sentiment amoureux. Tendresse Féline Beige et
blanc Enroulé
en escargot Serré Sur le
fauteuil gris Tu dors
et soupire Le nez
dans la patte, L’autre
en bandeau Sur les
yeux, Je te
contemple, Attendrie,
Avec l’envie
Irrésistible,
D’enfouir
mon visage Dans
ta fourrure Douce et
tiède, Nid de
tendresse. Toi,
FICELLE, mon Chat. Fabienne Moineaud Et
puis il y a ceux pour qui la tendresse est quête incessante au gré des
chemins de la vie, car on l’a dit le fil de la tendresse est ici celui de la
vie. Pour Anne Bouchara, qui nous offre des poèmes brefs écrits à différents
moments de sa vie, la tendresse se manifeste par des moments de grâce
émergeant au sein du quotidien, elle est inhérente à la vie. Jean-Luc Le
Cleac’h dit éprouver de la tendresse pour la lumière de la bougie, pour les
livres, pour les mésanges et autres oiseaux du jardin, pour le flot des
sensations à l’origine du poème. Alix Lerman Enriquez évoque la tendresse
« des dimanches de province / où le balbutiement solitaire des oiseaux /
et des feuilles d’arbres est un écho à la douceur / du monde amorti de
l’automne, / à sa lumière tamisée, à son amour chuchoté ». Le geste à la parole Un
mouvement de la main doux
et lent, élégant, accompagné
d’un autre du bras, plus
large, plus enveloppant, à
l’adresse du visage aimé maintes
fois effleuré du
bout des doigts, enveloppé de
la paume de la main, embrassé -les
joues la bouche le front-, sans
autre pensée en
tête que remercier le
ciel de toujours être l’un
avec l’autre, l’un
pour l’autre, en
capacité d’aimer et d’être aimé, de
se le dire avec des gestes tendres qui
accréditent les « je t’aime » des
premiers jours, imprudemment lancés, qui
confirment tous les mots d’amour réciproques,
dont ma mémoire est pleine. Jacques Bonnefon On
ne peut citer tous les poètes présents dans ce numéro qui évoquent
l’omniprésence de la tendresse, pourvu que l’on sache écouter et voir avec
tendresse. Question de regard donc, d’innocence dans le regard à l’image de
celui que l’enfant porte sur le monde qui l’entoure. Tendresse, certes, qui
dévoyée peut engendrer le pire (l’inceste décrit par Basile Rouchin), ou
s’avérer malsaine dans la relation du médecin à son patient quand le
diagnostic est grave (Laurent Bayssière). Mais tendresse, dans sa forme vraie,
essentielle, car comme le confie Georges Cathalo, elle est un garde-fou
contre la peur qui gangrène le quotidien. Tendresse que Silvaine Arabo fait
promesse d’un monde meilleur : « tendresse aux yeux d’or / Prémices
d’un impensable soleil // Caché et reflété ». Un
chemin Si
doux qu’on le nie Si
humble qu’on ne l’aperçoit pas C’est
un souffle dans la musique Une
coquille vidée Où
résonne encore la nostalgie Auberges
nues pas désertés Tant
de souffrance Éteinte
à présent Seul
Imperceptible
dans le crépuscule Un
sourire. Silvaine Arabo Une large
section du numéro est consacrée aux chroniques et notes de lecture, fournies
ici par Laurent Bayssière, Jean-Louis Bernard, Éliane Biedermann, Georges
Cathalo, Patrice Perron, Basile Rouchin et Marie-Josée Christien. Basile
Rouchin et Gérard Faucheux nous offrent leurs regards sur quelques revues de
poésie contemporaine, Comme en Poésie, Décharge, Traction Brabant, Portulan
Bleu, Verso, Rose des Temps et Poésie sur Seine. » L'abonnement
annuel (2 numéros + 2 recueils) se fait à l'adresse de la MJC de Chaville :
M.J.C. – 25, rue des Fontaines Marivel – 92370 Chaville. Ce, par chèque d'un
montant de 30 €. L'envoi de textes s'effectue par la voie postale à l’adresse
de la rédaction : Gérard Faucheux – 5, rue de Jouy - 92370 Chaville,
dactylographiés en cinq exemplaires, en indiquant le thème choisi et le nom
ou le pseudonyme de l’auteur en bas de chaque page. ©Éric Chassefière |
Note de lecture de
Éric Chassefière
Francopolis - Hiver 2024
Créé le 1 mars 2002