LECTURE - CHRONIQUE
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LECTURES – CHRONIQUES
– ESSAIS Automne 2025 Carole Zalberg : La Branche
argentine (Éditions
Le Soir venu, 2 octobre 2025 ; 208
p.) Note de lecture de
Mireille Diaz-Florian |
Et la trame et la chaîne C’est une image de tisserande qui m’est venue à
l’esprit lorsque j’ai refermé le roman de Carole Zalberg :
La Branche argentine. Le lecteur
reste figé devant une grande tapisserie dont les fils se tendent et se nouent
autour de personnages confrontés à la violence de l’Histoire que l’actualité
immédiate répète tragiquement dans l’intimité de leur vie. La narratrice
Marie, romancière, fait le choix dès le début, de se laisser traverser par
les événements qui autour d’elle sont annonciateurs d’une aventure
personnelle dont à aucun moment, elle ne mesure la portée, sinon peut-être
celle de pressentir le besoin de la restituer, donc de l’écrire. Dès lors s’entrecroisent
presque à son insu, les signes qui, de hasard en nécessité, l’engagent sur
les traces de sa famille Sur une photo que lui adresse un cousin, elle
croît reconnaître son arrière-grand-mère Ethel avec ses frères et sœurs. Ils
posent avec des instruments de musique. Marie se souvient « que aux
dires de sa mère, la lignée paternelle était désignée par ses parents comme
les tsigayner,
terme yiddish mi-chèvre mi-chou, trahissant autant la fascination que le
mépris ». Si elle connaît en partie l’histoire de ses ancêtres, juifs
polonais réfugiés en France, elle apprend alors l’existence d’une branche
argentine. « Le décryptage de la photo aux instruments est un
feuilleton ». La quête de la narratrice est lancée. Elle laisse
« entrer la cohorte formée par la branche argentine » Elle interroge, elle collecte, elle relie, elle
interprète chaque détail qui peut donner du sens à sa démarche. Elle explore
les boîtes de photos dans la maison familiale, fait des recherches sur
internet. Elle est en contact avec Amélia, la cousine récemment découverte. Plus que tout elle
voudrait que son père participe à cette archéologie familiale. Mais « l’oubli
a gagné les couches profondes de ses souvenirs et de son savoir. »
Atteint de la maladie d’Alzheimer, il est désormais « placé » dans
une maison de retraite. Elle analyse les coïncidences qui depuis
l’adolescence la relient à la littérature et à la musique argentine. Elle
sait que, violemment percutée par les atrocités du 7 Octobre, elle appartient
profondément à une histoire, la sienne, et celle des siens. En même temps que l’enquête se précise,
s’approfondit, le roman se construit. Il adopte parfaitement le tempo de la
recherche, ouvre des pans de vie familiale, étroitement reliés à l’Histoire
comme à l’actualité. Des extraits du journal de Marie, partie presque
brutalement une première fois en Argentine avant d’y consacrer un plus long
voyage jusqu’en Patagonie, alternent avec un récit dont l’héroïne, Ella, fuit
la France pour tenter de revivre. À Buenos Aires, elle donnera naissance à la
branche argentine. Deux dates tracent les contours de la fiction
inscrite dans la réalité de la narratrice. 1942 raconte la traversée d’Ella
sur le Cabo de Buena
Esperanza. 2024 raconte la traversée personnelle de Marie qui a le besoin
impérieux « d’arpenter les lieux de (son) histoire » Il faut
ajouter au calendrier le 7 octobre 2023 qui a plongé le Moyen Orient dans une
guerre terrible, scindé notre société dans des antagonismes haineux et Marie
dans la tourmente et le questionnement incessant. Grâce à une parfaite
maîtrise du récit, une langue fluide, Carole Zalberg
associe constamment le lecteur à chaque étape de sa recherche et de ses
réflexions. Placés dans « un lieu commun de mémoire et d’émotions »
nous entamons à notre tour une traversée personnelle. © Mireille Diaz-Florian (*)
En précommande (17,95 €) sur le site
de la FNAC. |
Note de lecture de Mireille
Diaz-Florian
Francopolis – Automne 2025
Créé le 1er mars
2002