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LECTURES – CHRONIQUES – ESSAIS Printemps 2024 Jean-François
Blavin : La bourrasque et
l’arc en ciel (Éditions Unicité,
110 p., 13 €) Note de lecture par
Nicole Barrière |
Voilà un recueil qui enchante… comme
un paysage hivernal de ciels laiteux et de brumes confortables propices aux
rêveries. Ce recueil nous rappelle que la poésie est d’abord une rêverie,
faite « d’un souvenir très ancien qui traîne là-bas » de la
mémoire et du temps comme « étendue de nuées ». Ce recueil rappelle aussi que la
poésie est une interrogation, une inquiétude, une angoisse, un effroi…et
qu’elle est aussi multiple et déroutante dans l’univers familier qu’aime à
nous conter Jean-François Blavin du quotidien des vies et des destinées
contemporaines. Quotidien happé depuis la table des cafés, où s’agitent voix,
rumeurs, amitié et querelle. Quelle sagesse que l’espoir gardé malgré
tout ! Hymne à Paris et à son histoire
depuis les berges de la Seine, presque des accents gaulliens de liberté de « notre
Seine… notre Histoire ». Interrogation sur les embarras de Paris,
ses habitants et leurs besogneuses activités « dans l’obsession de
leurs records » mis en parallèle avec « le cri âpre à
l’écriture » déployée dans le poème suivant « derrière la page blanche ». Le dessin de Nicole Durand explicite
ce maelstrom de manière claire… Retour au jardin, avec Jean-François
Blavin, poète très urbain, la nature n’est jamais loin, nature policée des
jardins parisiens, tellement attachante par ces journées d’hiver, qui s’ouvre
tout à coup sur un « sentier de montagne »,
en belle métaphore de la vie pour retrouver très vite les beautés du Parc
de Chamarande et « ses creux mystérieux du val ». Autant de paysages sont des
invitations à l’écriture et à la poursuite des rêveries de ce
randonneur…forgeron qui sans cesse bat et rebat le vers sur l’enclume de la
langue, et l’écho de ses maîtres en poésie Charles Baudelaire, Paul Verlaine
ou Émile Verhaeren Il y a quelque chose d’océanique
dans cette poésie qui scrute les côtes pour voir surgir le phare, ou les
phares, chers à l’albatros …pour revenir après l’envol à la sagesse du
quotidien du poète, et les mots qu’il affectionne… rêverie, bivouac,
passante, salves, patrouilles… comme pour « être préservé d’Arès » Le recueil balance entre ville et
campagne, en incessants retours, entre la « fugue des songeries »
du début à « la besace des peines ». Comment ne pas voir dans ce
cheminement une allégorie de nos propres vies à l’orée de l’automne et
jusqu’à la défaite, cette vie comme jeu de hasard familier aux parisiens
qu’est le bonneteau… le dessin de Nicole Durand suit cette âpreté, se faisant
plus anguleux, plus sombre, épousant le verbe du poète en une belle
concordance des imaginaires. On sent le poète un peu désarçonné
par la ville aimée, que la vie moderne vient grêler pour la rendre plus
solitaire qu’hier, ce « Paris d’hier et d’aujourd’hui » qui
nous revient en bouffées studieuses, joyeuses et révolutionnaires pour nous
transformer en « cet homme et cette femme en deuil d’existence »
dont la vie prend l’apparence « du fracas de la vague » ;
deuils des poètes et des êtres pendant la période sombre du confinement
jusqu’à la renaissance du « printemps jubilant ». En
résonance avec Verlaine, quelque chose échappe au poète… comme la passante
que serait la vie ? et quelle résurrection attendre si l’on est en sursis ?
Terribles interrogations du poète
qui nous malmène avec la tempête « qui détient le scénario ? »
s’il est un « désarroi des sachants », restent les artistes,
peintres et poètes pour crier « le poème sauveur ». Serons-nous sauvés, absous par
l’album des enchantements ? Enchantement… opération mystique ainsi que
nous le rappelle Vladimir Jankélévitch dans le « je ne sais quoi… »
Album ouvert par la PAIX, puis l’ANGE « un messager s’est assis à ma
table », un dialogue surréaliste entre l’ange et le poète qui me
rappelle les statuettes vues dans un parc forestier en Lituanie où
s’improvisaient des dialogues improbables de l’imaginaire populaire. A ce
dialogue, le poète en inscrit un autre avec la muse et ce questionnement
itératif du créateur « La muse, le sais-tu ? » Enfin vint la délivrance, devrais-je
dire en langage blavinien : la levée d’écrou,
ENFIN… le café et la terrasse ! toutes les terrasses de Paris qu’il connaît
si bien et où tant de ses poèmes sont nés, telle est la légende bien réelle
de Jean-François Blavin « en extase » au Jardin des
Tuileries de l’enfance, « en quiétude à bord du fleuve »…
Ô Seine (Scène), de l’abîme à l’enchantement. Ce recueil participe de notre
mémoire, celle du poète mais aussi celle de ses amis ; nous retrouvons
l’intimité d’un vécu commun, oserais-je dire un bien commun, nous qui l’avons
accompagné dans ses rêveries de recueil en recueil. Nous avons été charmés
par l’élégance de son style, l’humour et le fantastique de son imagination,
voulant oublier avec lui les noirceurs et la détresse de notre temps. Contre
le nihilisme ambiant destructeur, ce recueil lève haut la poésie et l’envol
d’espoir. ©Nicole Barrière (6-12-2023) |
Jean-François Blavin
Note de lecture par Nicole Barrière
Francopolis, Printemps 2024
Créé le 1 mars 2002