LECTURE - CHRONIQUE
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livres... |
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LECTURES – CHRONIQUES
– ESSAIS Été 2025 Deux notes
de lectures
de Nicole Randon : |
Inventer son nouvel IcareLyliane
Lajoinie - Icare
toujours vivant. Haïkus et autres poèmes. Les éditions
du Net, avril 2023 (42 p., 13 € / 2,99 € ePub) Qu’est devenu Icare ? Le recueil Icare
toujours vivant - Haïkus et autres poèmes, de Lyliane Lajoinie, ouvre un
nouveau chemin de poésie depuis le récit d’Ovide et conduit ses lecteurs vers
un univers poétique bruissant d’images mystérieuses. Ces poèmes nous
transportent vers un monde spectral où le ciel devient la grotte insondable
de notre mémoire. Chaque texte est à la fois un tableau réel et évanescent,
« lointain et pourtant si proche », chant de faible
intensité « chuchotant parmi les roseaux », flottant
entre émergence et éclipse, dans une temporalité cyclique qui donne au
nouveau-né « un regard de vieux sage ». Au fil des âges se
reconnaît pourtant la jeunesse avec son élan, ses audaces et son regard
« pétillant » sur le monde. Cette ardeur caractérise la poète qui,
semblable à un artiste japonais, prend son pinceau et « passe le gué »
pour inventer son nouvel Icare. Lyliane Lajoinie nous
fait naviguer entre des poèmes de formes variables, entre prose, poésie et « poudre
de haïku » parmi des haïkus colorés, odorants et sonores
exprimant l’éveil des sens selon les saisons : « L’odeur du lilas /Je ne
serai plus jamais seule- / Vent de printemps » « Oiseau colibri / Trois
bonds dans le laurier rose / Milieu de l’été » Tissage de métamorphoses La poète accompagne
Icare pour interroger le mythe : que se passe-t-il quand, porté par le
désir, on veut voler de ses propres ailes ? Des brèches viennent
percuter le cours des choses, l’Histoire fissure l’édifice construit par
l’humanité et fragmente nos certitudes et nos valeurs : « Cauchemar à
l’envers » nous montre un tableau de la chute de l’humain dans le
monde moderne, Icare croise le récit de la tour de Babel : peut-on
s’élever sans danger au-dessus de sa condition ? Un fil conduit
l’écriture, entre « intranquillité » et « encre
joyeuse » depuis l’ouverture du recueil sous le signe de Clotho la
fileuse jusqu’aux Tissages issus du temps à travers les multiples
métamorphoses de la figure d’Icare, rêveur, ivre de liberté, imprudent…
Mêlant douleur de l’exil et espoir, Icare incarne aussi le migrant quittant
son pays natal pour une terre promise, puis se transforme délicatement en
jeune femme qui, « avec dans son regard de reine un avenir »,
s’envole dans un train et « ouvre le ciel ». En tombant dans l’eau,
Icare ne meurt pas : de même que l’on peut « tomber en
amour », on peut tomber en poésie grâce aux poèmes raffinés
de Lyliane Lajoinie ! *** Lyliane Lajoinie a
développé une large culture spirituelle après plusieurs séjours en Extrême-Orient,
surtout en Inde et en Chine. Elle a participé à plusieurs anthologies (dont Sauvons
les migrants, anthologie poétique humanitaire, 2020, éditions Parole et
Poésie) et a publié plusieurs recueils de haïkus, de poèmes et aussi de
nouvelles. Le recueil L’encre
indienne de l’intranquillité publié en 2015 par la SPF a obtenu le prix
Léon Dierx en 2016. Son dernier recueil de nouvelles, Requiems
aquarellables, est sorti en novembre 2024. © Nicole Randon |
Une écriture libre, imprévisible et jubilatoireChristian Cavaillé écrit
et publie des poèmes, des essais et articles de poétique et de philosophie ainsi que des fables et récits
divers pour la jeunesse. Deux recueils de
Christian Cavaillé, philosophe et poète : Sobrébriété suivi de Aria
pour Ariane au Labyrinthe,
Ficelle
n°154, Atelier Rougier V. octobre 2023 Un petit recueil
poético-polémico-politique de densité extrêmement savoureuse… Pour découvrir une écriture résolument libre,
imprévisible et jubilatoire, une écriture joyeuse, à l’ironie tragique
décapante ! À lire et relire à haute
voix pour le bien déguster : Aria pour Ariane au labyrinthe (Excursus inactuel)
... qu'on ne peut déchiffrer qu'après le passage du coupe-papier ! Extrait de Aria pour
Ariane au Labyrinthe, incipit : « dès
l’abord le labyrinthe tout à l’oreille est-elle dedans ou dehors ariane parvis porche et seuil basculent sans
cesse d’un sens l’autre thésée perdu de vue en ouverture l’entrée de l’artisan dédalique artiste échappe une sortie interne son chant de travail nous aura précédés
l’air de rien nième aria pour ariane au labyrinthe la haine hors champ cassandre ma sœur voix de gorge au cri comme écrit dans
l’air que l’ar vocal nous vibre démurés » *** Coupes
sombres Coupes claires,
L’Harmattan,
Levée d’ancre, 2023 Recueil où l’auteur
triture les mots et les fait résonner/raisonner en taillant dans le langage
au fil des pages et au fil du souffle jusqu’à un tournis où l’on dérape sans
cesse vers de nouveaux précipices langagiers… Incipit et excipit du
poème 1 : « mots
lâchés les recrues les saillies de l’instant fuitent vers nulle part… » […] visages d’un pays en rivages longés de la rage au calme dit sage les yeux écarquillés sans plus de larmes le virage pris laisse là les rimes d’un autre âge reste l’ahan du rameur le souffle repris du plongeur sur le tard littérale son acuité dans la vacuité sursautée d’un marteau sans mètre ni cesse » *** Quatre poèmes de
Christian Cavaillé récemment parus dans la revue L’Intranquille : Attention angles
morts ou vifs - Marelles dans les ruines - Densité - Louve grise. « dirais-tu
prose ou
poème du monde traversé en proème rompu au réel sans que le cœur en soit brisé ces
ricochets » (extrait) © Nicole Randon |
Notes de lecture de Nicole Randon
Francopolis – Été 2025
Recherche Dana Shishmanian
Créé le 1er mars
2002