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LECTURES – CHRONIQUES – ESSAIS

Septembre-octobre 2022

 

 

 

Gaëlle Josse, et recoudre le soleil.

Les Éditions Noir sur Blanc - NOTABILIA, 2022 (10€)

Note de lecture de Dominique Zinenberg

 

Une image contenant texte, terrain, extérieur, nature

Description générée automatiquement

 

 

                                         se perdre en chemin

                                           comme sur la page

                             quelques mots serpentent

 

                         attendent la main qui les reliera

                                            comme on effleure

 

                                              des lèvres aimées

 

C’est l’invitation claire et lumineuse de Gaëlle Josse à travers tout son recueil qu’elle nous convie à accepter : celle de se perdre dans le labyrinthe non paginé du recueil, de se laisser dériver sur ce chemin sinueux où surgissent de la page blanche des poèmes brefs, saisissants, décrivant sensations, sentiments, peines et joies et les petits miracles quotidiens de l’existence avec grâce et simplicité dans une approche sensuelle, délicate et émerveillée.

 

Comme les poèmes ont été écrits au gré des jours sur des feuilles volantes, des listes de courses, des tickets et autres improbables supports de l’écrit, il fallait trouver le moyen de suggérer la fragilité des mots inscrits sans ordre, sans préméditation, dans l’insouciance du moment épinglé et elle l’a fait en écartant la ponctuation qui ferme, limite, enclot ; les majuscules qui guindent et solennisent, la régularité des formes qui auraient assagi le recueil et n’auraient pas permis de ressentir que tel support n’était qu’un ticket, tel autre une feuille d’agenda et que toujours, il y a eu de l’air entre les poèmes, la vie que les espaces blancs restituent comme autant de promontoires au long de la promenade poétique.

 

Une histoire d’amour affleure : juste des allusions charnelles ou d’angoisses. Les baisers, les odeurs, les rencontres ou attentes, l’éloignement, le déchirement, des regrets, des souvenirs, tout le prisme du sentiment est présent, par petites touches.

 

                                    une inquiétude

                                      gorge étrécie

 

                     dans l’enclos de ma peur

                    des éclats de soleil brisés

 

                                et la rue déserte

                                  ne raconte rien

 

Mais ce qui plus encore que les affres de l’amour s’emparent de ces pages, ce sont les annotations presque quotidiennes sur « les choses vues », un besoin de nommer les objets, les êtres, la nature. Un désir vital la pousse à libérer des impressions fugaces, des instants magiques, des riens de la vie qui la rendent exaltante et d’une intense prodigalité :

 

                                 cette faim ardente

                     à dire ce qui ne se voit pas

                    ce qui court sur les visages

                          les lèvres les paupières

 

                                         la vie le vent

                        le souvenir des caresses

       

Courts poèmes denses, gorgés de vie, savoureux, percutants qui ne peuvent que toucher chacun/ chacune de nous parce que ces grains poétiques sont chargés d’expériences universelles extrêmement humbles quoique intenses et c’est cette capacité à capter ces instants d’angoisse qui étreignent parfois (ces minuscules désarrois qui nous assaillent/ dans la clarté du jour/ / comment les nommer ?) ces miraculeux moments de bonheur qui nous soulèvent et font battre le cœur on ne sait pourquoi (veinés d’oubli tendus d’énigmes/ encombrés de clameurs les jours // et nos mains éveillées à guetter le frisson du temps/ sur la peau nue) ces désirs sensuels dont la palette n’oublie aucun sens parce que c’est ce rapt-là qui saisit si fort l’élan vital, l’énergie qui nous donne la force de continuer, de tourner la page, d’esquisser des épures, de recueillir les mille riens de l’existence avec gratitude et émerveillement.

 

                    revenue de tant de naufrages

                   de lieux que rien ne réchauffe

 

                               je voudrais seulement

                           froisser quelques feuilles

                             au creux de mes mains

 

                                     voler leur parfum

      et m’en souvenir tous les jours d’après

 

Gaëlle Josse nous offre des éclats de mots, des rayonnements, une lumière qui se diffracte cousant les jours les uns aux autres car jamais la nuit n’est totale, et le chas de l’aiguille grâce auquel « recoudre le soleil » laisse passer cette clarté qui fait luire un galet, une fleur, l’écorce de l’arbre ou des lèvres pulpeuses. Qu’il y ait du vague à l’âme, une pleine conscience de notre finitude, une modestie à penser que l’on n’écrit que dans les marges, il n’empêche que ce qui l’emporte ici, dans ce recueil, c’est la capacité à s’émerveiller de choses infimes et précieuses et l’on ne peut que la remercier de nous avoir offert ces mots qui aident et rendent la vie plus belle.

 

 

                                          attraper le ciel

                                     à pleines mains et

                                       ouvrir la fenêtre

 

        l’air porte un parfum de grande marée

                                    et le bruit de vivre

                                  dans tous ces éclats

                           dans le tournoiement fou

                                    d’un oiseau de mer

                                 et nos yeux agrandis

                     de tant de lumière à épouser

 

©Dominique Zinenberg

 

 

Note de lecture de

Dominique Zinenberg

Francopolis, septembre-octobre 2022

 

 

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Créé le 1 mars 2002