LECTURE - CHRONIQUE 

 

Revues papier ou électroniques, critiques, notes de lecture, et coup de cœur de livres...

ACCUEIL

ARCHIVES:  LECTURE CHRONIQUE

 

 

LECTURES –CHRONIQUES

 

Note de lecture de Dominique Zinenberg :

 

Francis Ponge, La Fabrique du pré

(Nouvelle édition établie par Andrea Guiducci, Gallimard 2021, 144 p., 20€)

 

 

L’objet d’étude pendant quatre ans de Francis Ponge a été le « pré ». Vertigineuse entreprise où biffer, raturer, corriger, ressasser, étudier, ruminer (comme tel bovin dans un pré), noter, recopier et comme l’avait écrit Boileau dans son art poétique – « Hâtez-vous lentement, et, sans perdre courage, / Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage : / Polissez-le sans cesse et le repolissez ; / Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. » – semble avoir été pris au pied de la lettre par Francis Ponge.

L’expérience menée par le poète est publiée en tant que chantier, avec tous les matériaux destinés à la fabrication du poème donnés à voir et à lire dans la candeur ou l’impudeur de cette tension vers l’œuvre qui, en fait, ne connaîtra pas d’achèvement puisque jusqu’au bout, le lecteur trouvera des ratures comme si en aucun cas l’auteur n’avait pu mettre un point final à sa tâche, bien qu’il ait pu, à plusieurs reprises, signer son poème.

Cette entreprise a été menée dans les années soixante et se révèle être d’une modernité troublante, puisqu’elle conçoit l’ébauche comme œuvre à part entière et en fait la démonstration en choisissant le lâcher prise des manuscrits ou tapuscrits successifs, ouvrant l’atelier de la pensée, ses piétinements, hésitations, découragements, à la curiosité du lecteur. Cependant, à cette démarche moderne, se superpose une manière classique et savante d’organiser le poème lui-même, de le limer, le raboter et en extraire la quintessence étymologique, culturelle, littéraire, et ce faisant, au fil du temps, de se rendre compte que le pré ne sera pas sur sa page peinture mais plutôt musique, celle de Jean-Sébastien Bach « dans le style de l’interminable et merveilleuse séquence de Clavecin solo au milieu du Nième concerto brandebourgeois », c’est-à-dire comme une ritournelle inlassable, inclassable d’un pré toujours naissant qui comporte l’étendue de la vie et sur lequel on peut, au besoin reposer, pique-niquer ou sous lequel gésir.

 

©Dominique Zinenberg

 

 

Note de lecture de 

Dominique Zinenberg 

 

Francopolis, mai-juin 2021

 

 

Accueil  ~ Comité Francopolis ~ Sites Partenaires  ~  La charte Contacts

 

Créé le 1 mars 2002