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LECTURES – CHRONIQUES – ESSAIS

 

 

Note de lecture de Dominique Zinenberg :

 

Josette Ségura, Avec les heures

(Les Cahiers d’Illador, octobre 2021, 12 €)

 

 

 

 

Les poèmes en vers d’Avec les heures, ceux en prose de Dimanches concernent une géographie du sud-ouest que la poétesse et les siens revisitent au fil des saisons, mais chaque poème se lit au présent, dans le sel et la simplicité du jour qui vient de se tenir à portée d’émotion, dans l’art de transcrire au plus près de l’humble quotidien, d’épingler la lumière et l’humeur du jour, de la saison qui revient, qu’importe laquelle, dans sa singularité et sa modestie, dans son éclat spirituel non ostentatoire, mais vivant, vivifiant, comme si la chair du Testament se manifestait dans chaque visite, dans chaque regard sur une fleur, un arbre, une pierre, une rosace ou dans les yeux ou les gestes de gens croisés.

Avec les heures mais aussi avec dimanches s’entrouvrent le chemin silencieux, discret, secret d’une vie de dévotion et reconnaissance christique. C’est une imprégnation qui sent la terre et le ciel, qui sent l’émerveillement pour les instants de vie sans prétention, sur la patience et la lenteur du chemin de travail, de détente ou d’ascèse et l’écriture même des textes ne contient ni emphase, ni lyrisme particulier, mais plutôt presque un ton de conversation où l’on ne choisit que des mots concrets, qui enveloppent, qui gardent en eux le penchant pour la bienveillance, la parole douce mais ardente de la foi, où se mêlent aux faits anecdotiques des citations des Évangiles ou d’un vers de quelques poètes et tout cela dans un fondu, comme si le poème était aussi un carnet de notations, ou un journal intime. Marcher, voir, sentir, manger, écrire, lire ou pas, prier : tout se tient dans un même geste qui sacre l’ensemble, bénit l’ensemble, n’est que prière. Qui veut trouver quelque douce lumière dans les mots et les pérégrinations au fil des heures et des saisons qu’offre Josette Ségura, lise ce recueil méditatif et sage ! 

Quelques poèmes en écho de cette note de lecture :

 

Les bons moments

que le poème garde,

dont on se souvient,

auxquels on a renoncé,

renoncement,

les autres, la vie nous y amènent,

les autres vont parfois très loin à ce sujet,

on s’y fait,

on reprend sa marche,

page après page,

on puise où on peut,

« Ils n’ont plus de vin » (Jn 2,3). (p.25)

 

***

 

Jeannot,

il bredouille « morte »,

la peine lui donne un regard,

« je pleure »,

je dis quelques mots qu’il ne comprend pas,

« tout seul » répète-t-il,

je le croisais souvent à l’épicerie avec sa sœur,

il reprend l’arrosage du potager,

me dit au revoir en souriant,

déjà ailleurs. (p. 19)

 

***

 

« Accepter de rester sur sa faim » (homélie des Cendres),

avec les gens, les saisons,

les choses telles qu’elles sont,

tout moment de partage, un moment à part,

cette vieille dame range lentement son gâteau, paie, s’excuse,

« c’est la vieillesse »,

je lui dis de prendre son temps,

qu’on en sera tous là tôt ou tard. (p. 44)

 

***

 

Belle lumière dans le bar de l’auberge un banquet occupe la grande salle. Toutes les fenêtres donnent sur une forêt où on a dû cueillir ce bouquet de houx. La beauté peut donc encore trouer l’obscurité des jours, clamer son existence ou simplement brûler, aujourd’hui sur ce comptoir en pin, dans ce temps de l’Avent. La lumière est très douce même si le ciel se couvre à l’ouest, douceur de printemps dans l’hiver. (p. 61)

 

 

©Dominique Zinenberg

 

 

Note de lecture de

Dominique Zinenberg 

Francopolis, novembre-décembre 2021

 

 

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Créé le 1 mars 2002