Une escale à la rubrique "Coup de
cœur"
découvrir un poème qui nous a particulièrement touché
par sa qualité, son originalité, sa valeur
Nous redonnons vie
ici aux textes qui nous ont séduits,
que ce soit un texte en revue, en recueil ou sur le web.
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Poèmes « Coup de
Cœur » des membres du Comité
Septembre-octobre 2023
Georges-Emmanuel Clancier, choix Dominique Zinenberg
Jean Diharsce,
choix
Éliette Vialle
Étienne Faure, choix François Minod
Jacques Ancet, choix Mireille Diaz-Florian
Kader
Rabia, choix Dana Shishmanian
Éric Dubois,
choix
Michel Ostertag
Sarah
Godfroid, choix Gertrude
Millaire
Éric
Barbier, choix Éric Chassefière
choix Dominique ZinenbergVous
m'oublierez : La neige sera de retour, Le monde
bleu dans la lumière tremblera. Vous
aimerez des villes au soleil marin. Trace des
pas, fumée des mots sur la terre, L'amour jetait
au milieu de la vie Une
étoile, une fête, une vaine étincelle. Vous
m'oublierez : les yeux resplendiront, Les
lèvres, les dents heureuses, les corps pareils À
l'herbe., au feu, à la rivière de juin. Quelles
étaient ces paroles dans l'ombre, Les jours se constellaient de nos regards, Dans la
joie même la joie se consumait. Vous
m'oublierez : rien ne demeurera De ce qui
fut ce cœur tissé de songes. Le sang,
la peine, l'image et le désir L’auront
quitté sous la cendre et la nuit. De
nouveau que le ciel sera jeune Et printanier l'hiver ! ! Vous
m'oublierez. Georges-Emmanuel
Clancier, Le Paysan céleste, 1943, Poésie Gallimard |
choix Éliette VialleJe déferai lentement les mémoires inutiles, décrocherai des murs les ombres, traces de doigts qui saignaient un peu trop. J'ouvrirai
grand la porte pour battre la poussière. M'en irai
au vent voir si quelqu'un sourit. Ou seul, mais allégé de ce qui m’encombrait. Le pas de
porte mène à la mer. À moi. *** Alors, on se dira qu'il ne pleut pas, que le soleil défait les rides, que tout l'endroit fait un envers. Quelqu'un
marche au milieu des oiseaux, si le beau n'est que rêve, il reste le désir. L'arbre
et le possible. Libre,
serein, sans compte à rendre. Sans jeu
et sans silence. Les mots
font un toit, je n'aurai jamais froid. Le jour
sera bleu, tranquille, à la hauteur de moi. En
paix. Enfin,
comme un temps de saison. Le luxe
de vivre. Cela me suffira. *** De la ville à la lune, tout allait à la mer, comme indéfinissable le soir n'était de rien, de tout, d'un coucher au lever, les pas posés, ici, ailleurs, fidèles à mon histoire, falaise au champ de blé. Un reflet
de lumière, là, du bleu au vert, du fond des yeux. Magie
douce et profonde, chemin de ronde toujours recommencé. Au loin, on
devinait le rêve. ©jeandiharsce |
choix François MinodMémoires et queues de
cerises « Quoi
d'autre ? Les cerises sont mûres. » Tchekov, Lettres d'une vie, le 28 juin 1892 Ce
léger déguisement dont se parent au bout d'un certain temps les
apatrides pour passer inaperçus dans le paysage, en empathie avec l'horizon – tout ca qu'on peut souffrir de mort et de vie sur place – ,
c'était cela, entrer en accointance avec le vide, un lieu, ses occupants, le vent qui
s'y rattache, disant je suis d'ici c'est mon coin, au bord d'y découvrir une origine, des
racines, à passer les seuils, dire bonjour
dans la langue en vigueur, épouser la pénombre de la
pièce et percer encore d'autres gestes,
d'autres signes inusités en dehors de ce clair- obscur, en ressortir tamisé, moins visible, déjà sépia. tamisé * À camper dans les
livres À
camper sans arrêt dans les livres portatifs aussi longtemps que les corps nés là, mourant ici, apatrides, à pied sur du vent résistent, te voilà à ton tour sans filière, né là, mourant par-ci par-là, comme si partis autrefois sur les routes allaient revenir les migrants, sac au dos, sans desendance
criant dans le cimetière -
à nous deux Paris etcetera - qui déjà campent leur avenir plus ténu que feuilles de bouleau tombées depuis sur leurs tombes bien avant l'heure fin d'éte, tout
le vert redescend - laissant lentement l'or des arbres imiter la splendeur sédentaire rêvée naguère ici en d'autres langues. Etienne
Faure, Là où dansent le éphémères, Le castor Astral, 2022 |
choix Mireille
Diaz-Florian
L’indifférence Quelque chose tombe avec le soir. La brume est une attente : elle monte peu à
peu disperse la
lumière. Un train emporte la mémoire. Je souffre de ce qui nous sépare. Je te regarde. * Et maintenant disent les
mains. Le jour vient. Le matin est un éclair. Entre ce qui s’ouvre et ce qui
se ferme , tu es la
charnière : la limite
que je n’atteins pas. * Dans l’amour, les corps se
détruisent et s’illuminent. (L’heure est un fruit de lumière) Soudain, ils sont plus grands que leur
image, plus beaux mais ils
s’effacent. Ne reste qu’un miroitement De visages, un silence de mains, des membres
qui s’éparpillent noirs dans la
foudre blanche. * L’amour qui nous traverse est une eau courante. Nos corps flottent, tremblent se dispersent. Reste une buée aux couleurs du jour ou du soir qui descend. Comment dire ces choses ? Le temps n’est même plus un mot. Chaque instant est tous les instants. Dans la lumière noire seules les
mains voient la
fontaine des formes. * Le moment où la nuit pénètre le jour est
invisible Comme les deux corps qui s’aiment et qui
s’oublient. De longs silences les traversent plus musique
que la plus pure musique un espace
pour disparaître et demeurer pourtant. Ils ne savent que l’instant qui n’en
finit pas d’être l’autre, ils ne
savent que le sang dans la lenteur des mains, dans la
moiteur de l’impossible le lent
éclair qui trace et foudroie leur image * Nos corps sont une flamme des gestes
s’y consument. Même la nuit le jour
commence. Nous sommes l’indifférence. Poème
extrait de La
chambre vide, qui se trouve dans l’anthologie intitulée :
Entre
corps et pensée, composée par Yves Charnet, édition Écrits des Forges. L’idée bleue, 2008. Jacques
Ancet est né à Lyon en 1942. Lecteur de Français à l’université de Séville,
agrégé d’espagnol, il a enseigné dans les classes préparatoires avant de se
consacrer à son travail d’écrivain et de traducteur près d’Annecy où il
réside. |
choix Dana ShishmanianLes poètes J’ai rendu visite à mon ami poète Je n’ai trouvé chez lui qu’une gomme Une collection de vieux disques Et un mur infini de miroirs * Ils sont partis les poètes Et sur les cimes des arbres, Demeure le parfum de leurs mots * Ne sera jamais poète Celui qui veut séduire le monde Le sera toujours Celui qui arrache ses mots à la terre * Le plus révolutionnaire des poètes Est celui qui s’embrouille souvent Avec ses propres mots * Le plus sage des poètes Est celui qui rit De la colère des hommes * Le poète raté Est celui qui ne lit Que sa propre prose * A la recherche d’un trésor Je suis parti avec mon ami Il est revenu avec plein d’or Et moi avec un manuscrit. * Les vrais poètes ne meurent pas Ils profitent de nos errements Pour s’éclipser * Au café Nous étions trois Deux poètes et moi Et un autre qui nous observait de
là-haut Nous avons bu un peu de tout Et discuté de tout et de rien Et lorsque la politique se pointa : Nous étions toujours trois Seulement trois Et il y eut bagarre générale * À peine l’ai-je fini Mon poème se leva de sa page « T’as rien oublié ? » « Non, dis-je. J’ai même signé » « Ah les pseudo-poètes ! dit-il, Vous êtes bien beaux, Vous pensez qu’il suffit de signer ! » *** Maintenant Maintenant que tu atteins la
fin du parcours Et que les temps ne sont plus
en ta faveur Maintenant que tu es oublié de
tes proches De tes ennemis et de ta propre
progéniture Chasse de ton esprit les
chimères et les peurs Chasse les dieux, les diables
et tous les leurres Et brandis ton pichet de vin face
au malheur ©Kader Rabia sur FB
(juin, septembre) |
choix Michel Ostertag
Lunatic. Descente aux Enfers.
Le soleil s’est pulvérisé dans la lumière. J’éprouve des sentiments beaucoup
trop forts. Pourquoi l’agonie du soleil est-elle si belle ? Silence.
BLANCHEUR cotonneuse. Les bruits épars semblent ourdir une sombre
machination. Qui peut vous désintégrer. À mesure que défilent les minutes, le
silence pesant fait place aux choses qui ne parlent plus. Le silence succède
aux mots. *** Il plaque quelques accords sur le piano comme un écorché vif. Il se
demande si quelque chose ne s’est pas brisé en lui-même (comme l’un noie ses
pensées dans ce rien qu’on appelle quotidien). Peu importe s’il ne sait pas jouer. Redevenir le petit enfant de
jadis, débarrassé du fardeau du fardeau de son existence et ses étranges
pensées coupables, mais, c’est impossible, il se sent déjà dans la peau d’un
autre. L’attente est odieuse. *** Des rafales ont transpercé la nuit, réprimant toute sérénité et toute
quiétude. Août. La lune flotte. Je suis seul dans l’ivraie de la nuit.
L’orage broie les arbres, casse les néons, rend illusoire toute activité
humaine. L’orage emporte les pylônes électriques, les caténaires, les
toitures des maisons. Le silence s'épaissit, quelques heures après, fermente. *** La nuit est belle. La ville a ses étamines dressées vers les étoiles,
le calice jusqu’à la lie. C’est un rayon de soleil qui traverse la nuit. De
l’aube au crépuscule, du crépuscule à l’aube. Extraits
du récit Lunatic. Éditions Le Lys bleu, 2021. |
Éric Barbier |
choix Éric Chassefière
Et toujours
en premiers mots la pierre intrigue le chemin nulle initiation n’en découle incessante découverte aucun parent retrouvé près de l’écume du torrent premières phrases sable et limon les ruines futures négligeront nos empreintes. Rester caché dans les phrases des autres images premières illusions du verbe la fragile institution du regard s’essouffle dans les cristaux de la neige bientôt seule à ici se taire. * Là où s’arrête le jour l’arbre depuis une mort insoupçonnée incarne de concertantes errances au fond des terres s’écoute la mélancolie des vagues attendre la nuit témoigne d’une bien maigre fatigue. * Mes mains
mal assemblées rêvaient d’eaux tremblantes un après-midi en été rien à prendre rien à saisir vivre dans la répétition de toutes les anecdotes dont elles seules possèdent les épilogues. * Tumulte
d’une cascade d’eau rouge les rêves dispersent les preuves de leur constance s’accomplira l’archaïque annonce ne plus être même l’apprentissage d’une ombre que le soleil agiterait sous de précoces branches fleuries. * Retenir la
raison d’une succession de nuits impossibles la clarté de ces eaux cache leurs menaces seules certaines ivresses retardent les échéances la carte s’égare lieu jusqu’ici ignoré que l’œil retrouve soleil virtuose en septembre trop tard déjà pour errer sans rencontres. * Eric
Barbier, né depuis 1964 à Tarbes (Hautes-Pyrénées). Pour
la quotidienne il parait s’employer dans une
bibliothèque publique, près des grands arbres d’un parc. Parcourt
à pas lents et curieux certains massifs des montagnes proches, cultive orties
lierre et rosiers, s’étonne de certains souvenirs et de la persistance des
lendemains. Depuis
1998, des textes ont été publiés dans les revues Diérèse, Rivaginaires,
Mange-Monde, Sémaphore, Wham !, Multiples, Hématomes Crochus, Gros Textes. Et
plusieurs recueils poèmes et proses brèves sont parus chez Alcyone, Rafael De
Surtis, Encres Vives, le Contentieux, Hélices. |
choix Gertrude MillaireSoleil Ce sont d’abord tes yeux Oiseaux là qui se posent Sur ma bouche, oh désir Nos mains dansant la terre Une boule de feu Secouant l’atmosphère Une langue commune… Descends-là un peu plus Toujours plus, davantage Habillons la même lune Sentir tes vagues en moi Devenir ce radeau M’immerger de ta peau Oh bras aux mille dunes ! Ton parfum, ton tempo Ton souffle, je me consume, Te voilà accosté Mais reste-là l’écume... Ciel Elle a repeint le ciel Ses yeux ne voyaient plus Elle était l’un dans l’autre Tristesse l’habitait Mais au premier sourire Se métamorphosait… Elle était là, ici Pourtant tellement loin Elle rêvait de futur De routes reposées De silences éclatants A l’ombre du cerisier Elle était devant vous Habillée, maquillée Mais elle se sentait nue, Perdue à vos côtés… Je chante cœur Derrière la porte Entre mes bras Dans le silence Au creux de moi Tisse des ponts Colore le ciel Je t’aperçois Quand tu n'es pas, Quand tu n'es pas Auprès de moi… Je chante gris Je chante cœur, Danse sous la pluie Mon arbre en fleurs (FB -
Sur la page Collectif Francopolis) |
Coups de cœur des membres :
Georges-Emmanuel Clancier, choix Dominique Zinenberg
Jean Diharsce,
choix
Éliette Vialle
Étienne Faure, choix François Minod
Jacques Ancet, choix Mireille Diaz-Florian
Kader
Rabia, choix Dana Shishmanian
Éric Dubois,
choix
Michel Ostertag
Sarah
Godfroid, choix Gertrude
Millaire
Éric
Barbier, choix Éric Chassefière
Francopolis septembre-octobre 2023
Créé le 1 mars 2002