Ou les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage.

 

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Où les mots cessent de faire la tête et revêtent un visage...

Cette rubrique reprend un second souffle en 2014 pour laisser LIBRE PAROLE À UN AUTEUR... Libre de s'exprimer, de parler de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la poésie, de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner son avenir, nous parler de sa vie parallèle à l'écriture, ou tout simplement de gueuler en paroles... etc.

 

Septembre-octobre 2023

 

 

Libre parole à

Ara Alexandre Shishmanian :

 

« et si le temps n’était qu’écriture… »

 

Extraits d’un journal d’idées

Suivis d’un rappel du génocide arménien

 

(*)

 

 

 

Victor Brauner, Cavalier du rien (1951)

(Musée de l’Abbaye Sainte-Croix, Sables d’Olonne, photo prise par Dana Shishmanian, juillet 2015)

 

(*)

Extraits traduits du roumain (Les Cahiers “Psychanodia”, n° 5 / Sept. 2023, 

publication sur le site http://adshishma.net/Publications-Accueil.html).

 

Surprenants par le paradoxe, les inversions et les associations vertigineuses, fascinants par la diversité thématique, déconcertants par l'abolition des charges sémantiques-axiologiques consacrées dans la pensée commune et l’investissement des concepts courants avec des significations et des valeurs inédites, libérateurs par l'explosion non complaisante de tous les systèmes de référence, ces « carnets d'idées » fixent en parole les gerbes d'un esprit en continuelle effervescence cognitive, heuristique et poétique. Ils évoquent les Fragments de Novalis, les aphorismes de l’Aurore de Nietzsche ou les postulats du Tractatus wittgensteinien.

Voici quelques étapes repérées le long d'un parcours possible de ce premier regroupement des « carnets d'idées » d'Ara Alexandre Shishmanian, à la fois journal spirituel et laboratoire créatif. La sélection – minimaliste – est en même temps significative et aléatoire, d'autres séquences tout aussi intensément significatives pouvant se présenter, lors d'une nouvelle lecture – du même lecteur, ou d'un autre... (car dans l'absolu, nous dit l'auteur, « je n'ai qu'un seul vrai lecteur : le néant »). Le texte entier se tient de toute façon comme un témoignage de ce qui, étant pensé et dit, peut être saisi de mille façons, si l'authenticité de la démarche à laquelle nous sommes invités (« gardez votre ignorance fraîche !») répond à celle qui l’a généré (« Je suis comme un sous-marin traversant l'océan des idées ») et qui nous l’a offert, comme un présent de l'esprit (« l'archétype individuel... le fruit de l'individuation elle-même »).

(D.S.)

 

Le carnet bordeaux

La « chose en soi » (Ding an sich), cette énigme du Sphinx incompatible avec le vrai concept, porte une contradiction interne, perceptible dans la formulation même du syntagme, contradiction qui en fait une pure aberration philosophique.

 

La liberté et l'inconscient, le pouvoir et la conscience, le monde et l'homme sont des termes absolument incompatibles. C'est pourquoi, fonctionnellement et structurellement, le monde consiste en une sape permanente de l'homme.

liberté 1 = inconscient 0

 

L'intensification du cauchemar force l'esprit à s'éveiller et le monde à s'évanouir.

 

Le transfert est le mécanisme psychique du monde en tant que pathologie.

 

Une religion se constitue en substituant la figure centrale (le soi) par des projections archétypales (les « dieux » en général). Jésus, Muhammad, Bouddha sont simplement un réseau de projections psychiques, tout comme Moïse ou Zarathoustra. Après tout, les religions exploitent collectivement ce que la psychanalyse définit individuellement comme transfert !

 

L'évolution intellectuelle-spirituelle se réalise par une série d'inversions axiologiques complexes, positivant le négatif et négativant le positif, similaires, en essence, au processus gnostique.

 

Nous néantisons les contenus au fur et à mesure que nous les comprenons. La connaissance absolue, c’est le néant.

 

À travers l'outil – l'expression supposée de notre évolution – se manifeste, en fait, non pas le conscient mais l'inconscient.

Les ordinateurs sont les yeux de plus en plus attentifs de l'inconscient qui nous guette.

 

Le progrès technologique correspond à un progrès de l'inconscient, et non à une régression de celui-ci. Plus il y a de réalisations, plus il y a d'inconscient !...

 

Encore une fois, la clé réside dans la faible individuation de l'inconscient. Car il semble évident que le « divin » et le « démoniaque » appartiennent exclusivement à cette sphère, essentiellement mimétique, de l'inconscient. Au contraire, la conscience, pour autant que nous puissions l'apprécier, appartient exclusivement à la sphère de l'humain – ou plutôt, la sphère de l'humain lui appartient, bien qu'imparfaitement !

 

La sous-jacence est donc considérée comme une clé de déconstruction par rapport à toute structure affirmative, comme un schéma critique de l'affirmatif, même lorsqu'il est composé de négation – bien que, à proprement parler, nous ne puissions pas dire que le néant serait négatif, si ce n'est de manière relationnelle et a posteriori ; a priori, le néant est une structure de positivité absolue c’est l'être qui est le négatif !

 

La complicité des intérêts détruit l'histoire tout comme, bien sûr, la technologie détruira la complicité des intérêts. Le moi capitaliste sera détruit par l'intellect mécanique appelé « intelligence artificielle ».

 

Les systèmes politiques sont peut-être liés à des comportements congénitaux propres à la structure des cerveaux : « démocratie » – pour le cerveau mammifère et simiesque, « totalitarisme » – pour le cerveau reptilien. Il n'y a toujours pas de structure politique pour le cerveau « humain » !

La démocratie n'est donc rien d'autre qu'un atavisme, tout comme le totalitarisme.

 

Le totalitarisme semble s'être imposé au XXe siècle sur fond d'indétermination de l'individu indéfiniment libre. Curieusement, la soif de liberté et la soif de sens ont généré ou, en tout cas, ont favorisé le totalitarisme. Le sens a été remplacé par le commandement, la nécessité – par l'arbitraire.

La démission de l'individu prépare le totalitarisme !

 

Nous sommes actuellement confrontés à une situation typique de guerre mondiale, enceinte d'une révolution quasi-mondiale du type 1914-1921 !

 

Nous ne réussissons l'individuation qu'en sacrifiant finalement notre archétype individuel, c'est-à-dire précisément ce qui nous apparaît comme le fruit de l'individuation elle-même.

 

Lors du choix d'une clé, à fonction égale il est préférable de choisir le matériau le plus humble. Lorsque vous êtes vous-même votre propre clé, vous êtes libre !

 

Le carnet noir

Je me suis arrêté. En fait, je commençais seulement à m'arrêter. De plus en plus. Je m’arrêtais au milieu d’une rue. Je m’arrêtais au milieu d’une maison. Au milieu d’une chambre. Je m’arrêtais en moi-même – au milieu de moi-même. Je m’arrêtais dans le monde et hors du monde. J’arrêtais de monder. Surtout d’immonder. Le monde est une drogue. Rien d’autre. Rien de rien.

Je m’arrêtais dans le vert, moi, le rouge. Je m’arrêtais dans le rouge, moi, le noir. Je m’arrêtais dans le noir, moi, le néant.

 

La propriété en tant que simple capital est sans intérêt. Nous pouvons très bien remplacer celui-ci par un faisceau de possibilités. En un sens, le capital n'est rien d'autre que de la redondance !

La cupidité comme simple anxiété est une maladie. Il y a un élément profondément dépressif dans le capitalisme, dont le communisme a pleinement profité !

La propriété en tant que segment narratif intime ou tradition historique est tout autre chose, et appartient à l'essence de l'humanité elle-même.

Le fonctionnalisme vide est totalitaire, il est, en fait, un avatar du capitalisme, la forme abstraite de la cupidité.

 

Tous les régimes politiques, quelles que soient leurs contradictions et leurs confrontations, forment une structure unique, entièrement criminelle, visant le mal, la décadence et la sauvagerie de l'homme ainsi que le détricotage de toutes les relations humaines, principalement familiales. La dissolution de toutes les convictions en faveur d’un relativisme annihilant. Ainsi, cette politique de néantisation de l'être humain prépare, en effet, la voie du néant, du grand réveil du néant ! Car en dissolvant les relations à fin d’asservir, les imbéciles dissolvent les liens, en libérant !

L'homme subtil ne les affronte pas, mais les laisse s’auto-détruire.

 

Après tout, il ne s’agit pas de fins qui justifient les moyens, mais en réalité les fins ne sont que les prétextes des moyens ; autrement dit, ce sont les moyens – les fins réelles, alors que les « fins » ne sont que du camouflage idéologique.

 

Le politicien est un spécialiste de l'inutilité et de la mauvaise foi ! L'idéal du politicien « démocratique » : le dictateur ! Bien entendu, l'idéal inavoué...

 

Les moments de crise réelle ne sont pas les moments où le monde est assis sur un volcan, mais ceux où tout le monde se tient debout sur un volcan – et tout le monde veut le volcan !

 

Le carnet du soir

Tout ob-jet en tant qu'obstacle structurel du su-jet concentre en lui l’entier caractère délétère du « monde ». Ainsi, l'objet en tant que « monde » constitue pour le sujet une masse toxique dont il tente de se débarrasser, d'abord physiquement, et par la suite, par la compréhension.

 

« L'homme sans qualités » est, après tout, l'individu totalitarisé en attente ; il méprise la démocrature et aspire à la dictature. Et pourtant, l'homme sans qualités méta-individuel est l'absolu ! Non nirgua Brahman mais nirgua purua.

 

La démence de l'individualisme et la démence totalitaire – c'est curieux de voir comment elles glissent l'une dans l'autre !

 

En général, ce sont des défaites du totalitarisme face au capitalisme (le paradoxe de la Syrie et de l’Ukraine semble inverser la donne – ou n'a qu'une valeur d’étape). La Chine, capitalisme totalitaire : le terrain d'exercice de la fusion du capitalisme et du totalitarisme ! L'erreur de la Chine : traiter le capitalisme comme une sorte de NEP à valeur cosmétique !

 

Les peuples, les nations sont les grands malades de l'histoire – « appartenance » = « aliénation » ! Si « avoir » est le principe de l'aliénation individuelle, « appartenir » est le principe de l'aliénation collective (« être » – le principe de l'aliénation métaphysique, dont découlent les autres – tṛṣṇa !)

 

Elle est étrange, cette idée de l'impuissance des idées, à l'ère de tous les totalitarismes qui, au fond, ne sont que des idées !

Si les idéologies, quel que soit leur contenu, conduisent à la guerre et, pourrait-on ajouter, surtout à la dictature, c'est parce que la simple présence de l'idéologie marque et masque, tout en la manifestant, une profonde crise préalable ; crise que l'idéologie, prétendant résoudre, accélère et aggrave.

Nous vivons à l'ère des crises accélérées et aggravées par les idéologies.

Le « cataplasme » serait une déresponsabilisation prospère, mais certainement pas une déresponsabilisation dogmatique, simplement vigilante.

La soif de solution(s) est toxique. La vraie solution réside dans la suspension de la soif de solution, mais pas en faveur de la cupidité. La cupidité et la corruption intoxiquent les libertés (la liberté authentique est autre chose).

La soif et la faim idéologiques, quand elles ne sont pas assassines, se révèlent parfaitement ridicules : politique de vieilles filles politiquement correctes !

 

Le carnet jaune

Si l'inconscient est structuré par des archétypes, ces archétypes ne peuvent pas se présenter en réseau tant que l'inconscient reste inconscient, pour la simple raison que le réseau, structure de l'inconscient, implique une dissociation. Les archétypes, même en conservant leur caractère spécifique, doivent se présenter dans un état fusionnel, totalisant, ou du moins structurellement homogène, ce qui implique la possibilité de définir l'inconscient comme un archétype unique.

 

Dans le plan de l'énergie conceptuelle, le « pouvoir » représente l'entropie de la liberté !

Toutes les conceptions du « pouvoir » étant tributaires d'une mentalité totalitaire – l'entropie du pouvoir lui-même...

 

Le monde est structuré en de multiples schémas entropiques (politiques, économiques, culturels, etc.) qui assurent son devenir de décadence !

 

Le monde n'est pas un lieu de connaissance, mais un lieu de spectacle – d'où l'importance du succès !

Même inondé de gloire et de succès, je ne me sentirais rien d'autre que torturé par l'enfer du monde !

 

La lutte avec le double transcendant – moment de conquête de soi !

Se battre avec soi-même pour se conquérir soi-même ! D'une certaine manière, « le combat avec l'ange »…

 

Le système est toujours la solitude, mais la solitude dans sa forme la plus réifiée et abstraite, la plus vide et dénuée de sens – tellement vide et insignifiante que son vide devient oppression.

 

Les lois du monde en leur intégralité, en particulier les lois structurelles, sont des conventions, donc l'illusion, māyā.

Le monde se dévore lui-même, se dévorer est sa seule, auto-érotique, occupation !

Seul le néant est parfait.

 

 

Le carnet rouge

Certaines obsessions qui consument l'homme, l'empêchant d'avoir une véritable existence professionnelle et sociale, et même, tout simplement, de vivre, préparent peut-être l'écrivain ; elles représentent la dévoration du réel par la fiction dont l'individu devient la proie et le personnage, avant même de pouvoir en devenir l'auteur ; elles éveillent ainsi dans l’individu, tout en brisant son être, la condition de mirage au seuil du néant.

 

Les esprits profonds mènent une existence cosmogonique, où tout commence, mais aussi eschatologique, où tout finit chaque jour et parfois à chaque instant !

 

L'écriture est un autre temps, plus profond, tout comme, bien lu, le temps n'est qu'écriture.

 

À chaque pas, nous inventons de nouveaux seuils !

 

Je pense donc je rêve – je sais donc je suis – je suis ce que je sais.

 

Le présent pur est hors du temps.

Le présent est zéro, le passé – l'axe négatif, le futur – l'axe positif – ou vice versa ! En un sens, le présent-zéro traverse un axe négatif infini, la positivité n'étant qu'une nitescence temporelle qui entoure le néant toujours actuel.

 

Plein d'éternité et entouré de vide.

 

Le vrai sage développe éternellement son « âge de compréhension ».

 

Garde ton ignorance fraîche !

 

©Ara Alexandre Shishmanian

« Qui parle encore aujourdhui de lanéantissement des Arméniens ? »

En ces temps troubles pour des peuples menacés de destruction, sur leur territoire même comme les Ukrainiens, ou poussés à quitter leur territoire millénaire comme les Arméniens de l’Artsakh (Haut-Karabagh), il faut toujours et encore rappeler que les génocides ethniques « modernes » ont commencé au XXe s. avec celui perpétré par l’État turc qui a massacré, dès avant et surtout pendant la première guerre mondiale, trois quarts de la population arménienne de son territoire… en fournissant ainsi à Hitler, par anticipation, son fameux « argument » de l’oubli, qui l’a encouragé, à peine un quart de siècle plus tard, à appliquer sa « solution finale » aux Juifs.

Il s’agit d’une déclaration faite par Hitler devant les commandants en chef de l’armée à Obersalzberg, le 22 août 1939, en préalable de l’invasion de la Pologne. Les termes exacts de la déclaration sont les suivants : Wer redet noch heute von der Vernichtung der Armenier? Qui parle encore aujourd᾿hui de l᾿anéantissement des Arméniens ? » (apud Vahakn DADRIAN, Histoire du génocide arménien, trad. de l’anglais par Marc Nichanian, 1996, 1999, Éditions Stock, p. 630).

D’ailleurs en développant cette idée, prologue évident à l’Holocauste, dans le même discours Hitler exhortait : « Soyez durs, soyez impitoyables, agissez plus vite et plus brutalement que les autres » (Seien Sie hart, seien sie schonungslos, handeln Sie schneller und brutaler als die andern). L’invasion imminente de l’Allemagne hitlérienne sur le territoire polonais – coordonnée, ce qu’on fait semblant d’oublier trop souvent de nos jours, avec celle de l’Union Soviétique stalinienne sur ce même territoire, disséqué entre empires en vertu du pacte Ribbentrop-Molotov – est décrite par Hitler comme une première étape pour la mise en place d’un grand projet destiné à « nous procurer l’espace vital dont nous avons besoin », le but final étant de « redistribuer le monde ».

La référence explicite aux Arméniens vient dans un paragraphe où l’idée est celle que la création d’un nouvel ordre mondial exige le recours à l’élimination en masse d’une population. Hitler cite en exemple Genghis Khan qui « a envoyé des millions de femmes et d’enfants à la mort en connaissance de cause et le cœur léger (fröhlichen Herzens). L’histoire ne voit cependant en lui que le grand fondateur d’États ». Hitler conclut alors que l’extermination des Arméniens a servi un but similaire. Les Turcs les ont détruits sans merci et ont permis ainsi à Mustafa Kemal d’établir un nouveau système étatique en Turquie. Le monde a oublié définitivement l’annihilation des Arméniens et a accepté en revanche le nouvel état de choses, parce que « le monde croit seulement au succès » (Die Welt glaubt nur an der Erfolg).

On pourra noter une remarque identique sur le succès, prononcée par Talaat, le principal auteur du génocide arménien, en relation avec l’extermination des Arméniens (v. ibid. pp. 630-631). 

Il est tout à fait remarquable que dans un entretien de juillet 1933 avec le représentant d’un journal turc, six ans, donc, avant cette fameuse déclaration, Hitler affirmait déjà « qu’il était en admiration devant le mouvement qui s’était imposé en Turquie moderne, favorisant les vertus primitives chez les paysans d’Anatolie. Pour lui, ce mouvement constituait un modèle, une sorte d’"étoile lumineuse" » (v. ibid. p. 629).

Visiblement, de Talaat à Poutine, Erdogan et Aliyev, en passant par Staline et Hitler, on a affaire à une même logique. 

Voir aussi la communication d’Yves TERNON : "La qualité de la preuve. À propos des documents Andonian et de la petite phrase d'Hitler", extraite du volume L'actualité du génocide des Arméniens (Colloque CDCA, 1998).

 

©Ara Alexandre Shishmanian

 

***

Ce texte rédigé par Ara Alexandre Shishmanian est extrait de Totalitarisme et littérature (I). Écrits critiques et politiques. En guise de préface (Les Cahiers “Psychanodia”, n° 3 / Juillet 2022, publication sur le site http://adshishma.net/Publications-Accueil.html), p. 7-8, note 4.

 

 

Ara Alexandre Shishmanian

Francopolis septembre-octobre 2023

Recherche : Dana Shishmanian

 

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Créé le 1 mars 2002