Ou les mots cessent de faire la tête et revêtent un
visage. |
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GUEULE DE MOTS
Cette rubrique reprend un second souffle en 2014
pour laisser LIBRE PAROLE À UN AUTEUR... Libre de s'exprimer, de parler
de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la
poésie, de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner
son avenir, nous parler de sa vie parallèle à l'écriture, ou tout
simplement de gueuler en paroles... etc. Mars-avril 2023 Libre parole à Patrice Perron De retour de combat (extraits) (*) Aquarelle
de Martine Rouat Pineau (dans Patrice Perron, Histoire
d’âge, p. 24) |
Avant-lire
Ce
texte m'a été initialement inspiré par la lutte que mène le peuple de Hong
Kong contre le gouvernement de Pékin, pour préserver son régime politique
autonome et démocratique. Plus
largement, il est dédié à toutes les victimes des oppressions et des guerres.
Ce texte n'oublie pas les dictateurs, les despotes et les manipulateurs en
tous genres, ne pouvant pas ignorer qu'ils tomberont un jour. Il évoque aussi
le retour chez lui, du soldat, ayant la tête remplie de fantômes perturbants.
Il n'a pas forcément demandé à faire la guerre, surtout si elle n'avait pas
de justification valable à ses yeux. S'il a été volontaire, s'il s'est
engagé, ou s'il a été mercenaire, le point de vue peut changer, mais il a
sans doute observé des chocs comparables et tout aussi horribles. Il est
aussi l'objet de questions, d'observations, d'inquiétudes et de rumeurs
émanant des gens de son village ou de son quartier. Sa conscience souffrira
pour nous. En dernier lieu, plus modestement, et dans une moindre mesure, je
ne fais pas l'impasse sur les pseudo-monarques arrogants, qui méprisent les
peuples les ayant élus. (p. 20) *** 1.Le
combat du jour Est
pour l'instant terminé Le
perdant est mort. Entre
rose et glaive, Le
vainqueur trouve sa place, Inondée
de sang, De
celui du peuple Vaincu
; femmes et enfants, Eux
aussi tués. Et
l'épine pique Peu la
peau, mais fort le cœur, Pour
marquer le coup. 2De sa
tour de gué, Le
soldat sait observer Que
rien n'est fini, Du
poste de veille, Le
gardien de phare peut Hurler
son angoisse, Même
si le vent, Qui
déchaîne la tempête, Vient
couvrir ses cris, Car
les éléments Porteront
sa voix brisée Au
retour du calme. 3De sa
tour d'ivoire, Le
dictateur, arrogant, Se
voile la face, Il n'a
pas senti Monter
les oppositions À sa
gouvernance, Il n'a
pas compris Les
stratégies engagées Pour
le renverser. Gagner
un combat N'offre
pas le résultat Final
de la guerre. 4De
retour chez lui, Le
citoyen enrôlé N'est
plus innocent, Sa
conscience tremble D'avoir
à supporter seul Le
poids de la peur. Il
n'oubliera, ni D'avoir
usé de son arme Par
nécessité, Pour
la Liberté Et par
solidarité, Ni,
d'avoir tué. 10Quand
le jour s'efface Au
noir profit de la nuit, Que dire
aux fantômes ? Comment
apaiser Les
cauchemars quotidiens Qui
ruinent la vie ? Dans
l'anonymat De la
ville de demain Je
tairai mon nom, Et je
chercherai À en
gagner un nouveau Pour
mourir en paix. |
(*)
Ces 5 poèmes extraits
du cycle De retour de combat, qui en contient 10, font partie d’un
livre qui a l’ardeur du verbe vivant, ancré dans le vécu et aux prises
avec l’actualité du monde : Histoire d’âge (Éditions Sauvages,
2022). Nous y avons déjà puisé en reproduisant, en guise de « boule de
Noel », un autre texte anthologique, dans notre numéro de
novembre-décembre 2022 – un peu comme pour propitier l’entrée dans cette
année 2023 de tous les excès et de tous les dangers, que nous sommes en train
de parcourir sur le qui-vive : Tu conduiras l’équipage.
La poésie est
au cœur du ressenti du réel mais aussi de l’expression de l’idéal. Elle est,
malgré tout, une lumière dans les ténèbres et les ténèbres ne sauront la
saisir. (D.S.) |
Patrice Perron Francopolis
mars-avril 2023 Recherche : Dana Shishmanian |
Créé le 1 mars 2002