
Pierre Zinenberg, hauteur : 20cm ;
largeur 12,5 acrylique sur papier, 2023
Le
roi est nu
Quand le roi est nu, ce n’est pas
parce qu’il est pauvre, ce n’est pas parce qu’il est sans divertissement ou
qu’il se meurt, non, quand le roi est nu c’est qu’il ne ressent pas le
froid et qu’il est habillé de sa vanité, de son importance et que seul un
enfant, dans son innocence, au milieu de courtisans couards qui feignent de
complimenter sa tenue élégante et raffinée et ne voudraient surtout pas
qu’on les tienne pour stupides en ne voyant pas ce qu’ils devraient voir,
seul un enfant donc s’exclame sans hypocrisie, dans un silence
hypnotique : « Le roi est nu. » Le conte d’Andersen ne met
en scène ni fées, ni baguettes magiques : la force de l’illusion
découlant de la force de la vanité remplace le merveilleux. Et l’ironie de
l’auteur fait le reste !
L’arbre est nu
C’est l’hiver, l’arbre est nu.
Désolation, frisson, dénuement. La pauvreté, en guenilles, bras décharnés,
vers le ciel livide. Ciel plus grand, à travers les branches dégarnies,
presque rien ne l’entrave. Quelques boules de gui figées dans l’arbre,
comme un ravage.
L’arbre nu est en lutte avec la
pluie, le vent, la neige. Il noircit puis blanchit. Il goutte. L’arbre nu
se tord et gèle. C’est un fusain ou une encre de Chine avec un trait de
sanguine pour le rouge gorge qui lui rend visite. L’arbre nu ne vit plus
qu’au ralenti, ne respirant qu’à peine, ne bougeant que forcé. N’est-il pas
cet équilibriste, ce funambule qui ne craint aucun vertige, ni même de
disparaître dans le brouillard amer des aubes froides ?
La pierre est nue
Regarde la pierre comme elle est
nue ! C’est un exemple, un cas d’école, la nudité si douce de la
pierre. Nervures noires, dessins ocres, moires verdâtres, ciselures
bleutées. Un chatoiement de gris, des rhizomes et des vagues, poème à
décrypter !
Qui saisirait son secret ? Qui
devinerait ses tragédies, ses larmes ? Nulle plainte ne s’échappe de
sa surface lisse. Perfection de l’épure à la ponctuation de grammairien.
La pierre est nue. Elle peut danser
la danse des sept voiles car elle rappelle les météorites, le dénuement des
abysses, le retour à l’aube des temps.
Le cœur à nu
« Arrachez du poème son
pansement
Et les vers
Hurleront », Paul Valet, La parole qui me porte
Sans parapet, sans concession, sans
ménagement et comme offert à la vindicte, le cœur à nu saigne. L’effroi
gagne celui qui voit le cœur à nu d’un homme. C’est comme regarder le
soleil en face. Qui dirait le cœur à nu de l’homme ? Qui peut
l’assumer ? Quel lecteur le supporter ? Aucun scalpel n’en rend
compte, aucun n’en peut témoigner. Le cœur à nu n’est qu’un horizon pour
certains, une obscénité pour d’autres, un objet dont on se détourne avec
dégoût dans tous les cas. Dans l’œil un voile se forme pour cacher la
nudité du cœur ; dans l’âme un coma la dérobe ; dans le corps,
une cage, de la chair, tout empêche l’accès du cœur à sa nudité.
Nu comme un ver
C’est la nudité absolue, celle des
naissances, celle de la mort. La nudité du ver, translucide, sans ombre. Ce
quelque chose de tranchant qui perce les ténèbres, voit le plus que nu, le
plus que noir.
Le trou noir
un nu
(Dans le miroir de l’UN gît le
NU)
un nu
hors espace-temps
le trou noir
de l’esprit
est nu comme un ver
© Dominique
Zinenberg

Pierre
Zinenberg, hauteur 23 cm ; largeur, 8,5 cm, acrylique sur papier 2023
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