Je et l’Autre
- Je Je Je …Vous êtes aussi pris par votre Je ?
-
Qui ça, moi ?
-
Oui, vous ?
-
Difficile de répondre à cette question.
- Ah
et pourquoi ça ?
-
Disons que le Je m’échappe.
- Et
vous vous en sortez comment ?
- En
cherchant des subterfuges.
-
Expliquez-moi ça.
-
Par exemple, si vous me posez la question : avez-vous bien mangé à midi ? La
réponse pourrait être : oui c’était plutôt bon.
-
Jusque-là je vous suis. Mais si je vous demande : croyez-vous en
Dieu ?
- La
réponse pourrait être : Et vous ? c’est ce qu’on appelle le
retour à l’envoyeur
-
Mais revenons à nos je. Si je vous demande : savez-vous quel est le prix du kilo de
sucre ?
- Ça
dépend si c’est en gros ou en détail.
-
Disons en gros.
-
Là, avouez que vous me posez une colle.
-
Donc vous ne savez pas.
-
Non, mais ce n’est pas important.
- Et
si je vous demande de dire la vérité, toute la vérité ?
-
Nous ne sommes pas dans un tribunal.
- Je
vous le concède. Si je comprends bien, vous êtes un peu coincé du Je
-
Oui, on peut le dire comme ça.
-
Peut-être êtes-vous l’Autre ?
-
Comment ça l’Autre ?
-
L’Autre dont parle le poète.
- Le
poète ?
-
Oui le poète qui prétend que Je est un Autre
-
C’est bien un truc de poète, ça. Et alors ?
- Eh
bien, vous êtes l’Autre.
- L’Autre
de qui ?
- L’Autre
de Je.
-
Vous voulez dire l’Autre de votre Je ?
-
Oui, moi je suis Je et vous, vous êtes l’Autre.
-
Nous sommes donc deux ?
-
Oui, deux sous le même toit.
-
Parce qu’il y a aussi un toi ?
-
Non, pas un toi, un toit.
-
Vous voulez dire qu’il ne s’agit pas du toi, mais du toit.
-
Oui du toit qui abrite Je et l’Autre.
-
Nous habitons donc sous le même toit ?
-
Exactement. Je que je suis et l’Autre que vous êtes habitons sous le même
toit.
- Ça
alors. Mais ça risque d’être un peu juste d’habiter à deux sous le même
toit ?
-
Jusqu’ici ça n’a pas créée de problèmes.
-
C’est peut-être cela l’amour : habiter sous le même toit sans le
savoir.
-
Peut-être en effet.
L’effacement de
l’autre
L’autre qu’on cherchait dans la nuit, n’est plus. La nuit est
orpheline. Il n’y a plus rien à chercher.
Nous sommes condamnés à vivre au grand jour, dans le bruit des
algorithmes qui nous suivent à la trace. Nous sommes tous devenus l’un sans
même nous en apercevoir. Le jour a triomphé de l’autre, effacé à jamais de
l’histoire.
©
François Minod
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