Rendez-vous
Je
n'ai pas pu me rendre au rendez-vous car j'étais pris ailleurs, oui,
ailleurs. Vous ne me croirez peut-être pas et pourtant, c'est la vérité,
j'étais pris ailleurs, dans votre ailleurs. J'ai bien essayé de vous faire
signe mais vous ne m'avez pas vu, ni entendu car vous n'étiez pas dans
votre ailleurs, vous étiez dans votre ici, sans doute occupée à attendre
que je vienne au rendez-vous d'ici. Il se pourrait que nous ne puissions
jamais nous rencontrer, étant donné que vous n'avez pas accès à votre
ailleurs, et que moi, je ne suis plus ici. Et pourtant, chacun attend
l'autre comme si c'était possible de se rencontrer ici et ailleurs. Je vais
donc sortir de votre ailleurs et m'en retourner vers mon ailleurs à moi. Et
tant pis pour notre rendez-vous qui, je le crains, ne pourra jamais avoir
lieu ni ici où vous demeurez, ni ailleurs où je rêve de vous rencontrer.
C'est peut-être mieux ainsi, ça nous permet de construire la fiction du
grand Rendez-vous que chacun d'entre nous, qu'il soit d'ici ou d'ailleurs,
rêve de vivre au grand jour pour certains ou dans l'ombre de la nuit pour
les autres.
***
Beaucoup
trop à dire
Il
y aurait beaucoup à dire
sur
la goutte d'eau
qui
vient s'abîmer
sur
la flaque stagnante.
Il
y aurait beaucoup à dire
sur
la fourmi travailleuse
qui
transporte la miette
sans
jamais rechigner.
Il
y aurait beaucoup à dire
sur
l'enfant qui nous regarde
sans
ciller
dans
le barrio misère.
Il
y aurait beaucoup à dire
sur
les petits riens
qui
jonchent les trottoirs
de
la ville lumière.
Il
y aurait beaucoup à dire
sur
notre façon
de
détourner le regard
pour
être peinards.
Beaucoup
trop à dire
sur
ce qui est tapi
dans
l'ombre
et
qui attend l'instant...
©François Minod
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