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Pieds des Mots : Archives

 

PIEDS DES MOTS

Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu, un personnage, une rencontre, un objet de la nature ou de l’art...

Le principe des Pieds des mots est de nous partager l'âme d'un lieu, réel ou imaginaire, où votre cœur est ancré...

 

Septembre-octobre 2023

 

François Minod :

Gris cendre.

Texte inédit

 

Le massif du Thorac dans l'Hérault. Photo de l’auteur

 

 

C'est arrivé comme ça, sournoisement, on ne l'a pas vu venir, ça s'est installé sans qu'on y prenne garde; d'abord à l'extérieur, le ciel s'est couvert petit à petit, le soleil a décliné puis tout s'est assombri jusqu'à devenir gris cendre: les arbres, les maisons, les immeubles, les voitures, les vélos, même les feux de la circulation sont devenus gris cendre. Et puis ça s'est propagé à l'intérieur, dans les appartements, les magasins, les restaurants, les agences bancaires, les études de notaire...

On aurait pu en rester là, mais non, il a fallu que le gris se propage aux objets usuels - les crayons, les chemises, les boîtes à ciseaux, sans compter les haricots verts, les grappes de raisin et les coléoptères.

Las, on se dit que ce monde gris va nous mener à la mélancolie. Eh bien c'est exactement ce qui s'est passé. Après s'en être pris aux objets, voilà que le gris contamine les humains non seulement dans leur apparence physique mais aussi dans leur façon d'être, de sentir, de penser et d'aimer. Le plus étrange, c'est que personne ne s'est vraiment rendu compte du changement, comme si cette œuvre au gris, au gris cendre, accomplissait sa triste besogne à l'insu de tous, comme si les traces de ce qui faisait la couleur de la vie s’étaient effacées de la mémoire des hommes, inexorablement, dans une lente reptation vers le monde gris de l'ennui.

 

© François Minod 

 

 

François Minod 

Francopolis, septembre-octobre 2023

 

 

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Créé le 1 mars 2002