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LES PIEDS DES MOTS
Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer
dans un lieu.
Ce mois de mars 2006 :
Deux pieds deux mots en Estonie
par Aaron
Nuit Blanche de Tallin
La rue monte en biais
pianote sur les pavés
les maisons se penchent pour se parler
chaque fenêtre a son secret
les filles déambulent dans les rues
longues comme des épées
je mesure l'espace entre les sourires
dédicace autour de moi
52 Rue Pagari Tanau*, troisième sous-sol
les verrous serrent les dents
une porte saigne du nez
des chansons muettes se décollent des murs
sur la place il y a conciliabule
les prières brûlent aux fenêtres
un violon joue derrière une porte
un fiacre passe
la lune file sur la pointe des toits
du fond de la ville monte la mer
qui marmonne un vieil air de caravelle
et navigue la nuit dans la ville
le petit matin réchauffe dans ses mains
deux étoiles encore vivantes
l'immeuble dort
le béton résonne dans l’escalier
on écoute un enfant pleurer
(* Siège du NKVD puis du KGB jusqu’en 1988.
(dans
les années 40 et 50, un tiers de la population de l’Estonie a été
déporté en Sibérie, d’où seulement 10%
sont revenus)
vitrail d'automne/aaron
Saaremaa, île-terre de la Baltique
c’est une île où les jours se perdent
mouettes aux lèvres
la solitude est privée
les chemins du vent traversent la lande
sans s’arrêter
chaque pas réveille une menthe
une couleuvre
un nuage pris dans une chevelure d'araignée
les genévriers s’accrochent
jusque dans la barbe des cromlechs
les pierres, douces au ciel, vivent millénaires
courent libres
et l’hiver se vêtent de mousses
pour ne pas mourir de froid
soudain un chevreuil
sans ciller
ses yeux d’orge vérifient
si je ne suis pas un chasseur mental
j’habite une école d’hirondelles
la bordure du toit est loquace
dans la cour on joue avec des sarments d’espace
les gens ont quitté l'île
ils ont emporté les sentiers
et laissé la mer en friche.
* Saaremaa en estonien, littéralement île-terre.
aaron
*** Aaron au Salon de francopolis
Aaron ... le monde et moi
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Table des chroniques "Gueule de mots" et "Pieds de mots"
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Le principe de Gueule
de mots,
est de faire résonner un mot comme un
instrument de musique, si besoin est avec une certaine force et/ou violence.
Le principe des
Pieds des mots,
est de nous partager l'âme d'un
lieu, réel ou imaginaire, où votre coeur est ancré.
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