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LES PIEDS DES MOTS
Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer
dans un lieu.
Ce mois de novembre 2005 :
AUTUMN BOULEVARD
Autumn boulevard
Sur Autumn boulevard, des filles se pressent jusqu'à des portes qui
les dérobent. Toujours trop tôt. Sur leurs jambes le ciel déverse
des rougeurs changeantes. On voudrait dire au soir de repasser un peu
plus tard. Rallonger le crédit. On en viendrait à maudire les
premières étoiles qui poussent des toits. À
considérer la nuit à la grâce d'un long regret.
Sur Autumn boulevard. Au soir. Le vin disperse des chaleurs ultimes. Relance
été. A travers les voix se laisse entendre une peine. Il y
aura, encore, un hiver à traverser et de longs tremblements
pour annoncer larmes. On laisse alors s'allonger les joies qui forcent. Et
tout au bout d'un dernier rire un bruit de pas. De feuilles froissées.
Ou nulle part.
Sur Autumn boulevard quand le silence replie au sombre les vies, seul erre
cet homme à la recherche de. De quoi au juste. D'une tristesse, pour
comparer ? Les yeux fixés sur son abîme bien creusé dans
le sol. Il marche. Las. Pleure en dedans. On ne voit pas ses
mains, dans les poches, serrées en poing. Insister sur la paume. Etouffer
la ligne de vie. Pense-t-il.
Au coin d'Autumn boulevard et de Cold Street, la brume arrondit l'ombre de
deux amants. Prolonge un baiser. Appuie la caresse. Jusqu'au no return.
Sur Autumn boulevard, on fait le deuil du radieux. On reçoit la douleur.
En grandes pompes. Funèbres, ça arrive, parfois, question de
degré. Quand les bras s'alourdissent, trop, leur
poids vient à courber le corps. L'enfonce à la terre. Inutile
de lever les yeux. Même essayer. Ils pourraient seulement apercevoir
l'impossibilité d'une lueur. De la poudre aux cils.
Sur Autumn boulevard, des fenêtres sont encore allumées. Tard.
Le sommeil n'est pas à la portée de tous. Question de moyens.
Sans doute. Ou nécessité. Regarder les nuits s'allonger. S'y
rouler. Oublier l'existence lointaine des jours et les pleins ciels qui blessent
de part en part. Taire ce qui veut hurler. Insomnie. Ou peut-être le
seuil d'un premier rêve à défaire.
Au 29 de l'Autumn boulevard, je me souviens de toutes celles. Et des quelques
lignes écrites, enfoncées de solitude et d'impuissance. Où
chercher un salut. Pour une seconde, qu'importe. Je me souviens de doux crépuscules,
à l'antan des joies. Je me tourne vers l'autre côté.
Voir devant. Ciel menaçant. Reprendre la route. Malgré. Advienne
que s'abattra.
Teri Alves
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Table des chroniques "Gueule de mots" et "Pieds de mots"
recherche Stéphane Méliade
Auteurs,
vous pouvez vous aussi écrire une chronique
pour Gueules de mots ou Les pieds des mots.
Le principe de Gueule
de mots,
est de faire résonner un mot comme un
instrument de musique, si besoin est avec une certaine force et/ou violence.
Le principe des
Pieds des mots,
est de nous partager l'âme d'un
lieu, réel ou imaginaire, où votre coeur est ancré.
Si vous voulez figurer dans ces pages,
écrivez à Francopolis
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