Dès
l’instant où j’entrai dans la pièce, je fus assaillie par
une impression extrêmement bizarre…comme si je sentais une
résistance de l’air. Comme si j’avais tout à coup
à lutter contre un bloc de silence presque aussi compact, aussi
roide, aussi farouche que du granit.
Immédiatement,
cette sensation désagréable de me forcer un passage avec
effort, de nager contre la force d’un puissant courant contraire,
m’oppressa.
Plus
j’avançais à l’intérieur du
périmètre de cette chambre laissée à
l’abandon, plus une sorte d’étau se resserrait autour de mes
tempes…
Mon
cœur se mit à battre la chamade, ma tête à
bourdonner ; dans le même temps l’idée que mes paumes se
vidaient de leur sang s’imposa. Une pellicule poisseuse de sueur inonda
mon corps, mon visage.
Je me sentais affreusement mal.
Mon
estomac se souleva. Je ne fus pas loin de croire qu’on le tordait,
qu’on l’essorait exactement comme s’il avait été une
vieille serpillère.
Que se passait-il ? Allai-je vomir ?
Sous le choc (double choc : physique, psychique), je m’arrêtai au centre de cet espace.
A
présent, tout le tour de mes globes oculaires me brûlait.
Je dus mobiliser toutes mes forces pour contrer la certitude
hallucinante que d’invisibles doigts tentaient sauvagement de
m’arracher les yeux des orbites. Un instant, je fermai les
paupières mais cela ne me soulagea aucunement, pour la bonne et
simple raison que ces dernières me cuisaient.
Lorsque
je les rouvris, j’étais à bout de forces et assise sur
une chaise frêle, face à une coiffeuse tapissée de
poussière grise. Au fond du plateau en marbre du vieux meuble,
presque contre l’un des murs, un petit miroir ovale attira mon regard
de façon irrésistible. L’y plongeant, je vis d’abord une
vague forme qui dessinait les contours nébuleux d’un visage au
centre duquel scintillait deux yeux étincelants, qui me
transperçaient tels des lasers.
De
suite après, contours et traits de la face se
précisèrent : devant moi apparut un petit visage rond,
crispé, de la taille d’un gros poing. Une physionomie à
mi-chemin entre celle d’un être humain et d’un magot. Cette
physionomie était bestiale, ricanante…répugnante.
Et puis ces minuscules yeux qui continuaient à scintiller !
Ils
prirent bientôt l’aspect de têtes d’épingle, de
pointes de mica…et ce fut, très vite, comme s’ils se muaient en
vrilles qui m’entraient dans la tête !
C’était
terrible : je les sentais forer la masse de ma cervelle. Des morceaux
gélatineux, pâles en jaillissaient de tous
côtés.
Je ne tardai guère, sous pareil assaut, à perdre connaissance.
Je ne sais combien de temps plus tard, à mon réveil, on
m’apprit que j’avais bien failli me fracturer le crâne à
force de me taper la tête contre la plaque de marbre qui servait
de plateau à la veille coiffeuse.
J’avais la tête enveloppée dans une série de bandages dignes d’une momie.
J’essayai bien de leur donner ma version des faits, mais nul ne me crut. On se borna juste à me dire :
-ça ne nous étonne pas… avec cette vieille chambre !
Chaque fois que quelqu’un y pénètre, il se produit des
choses de cet acabit. Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ? On serait
bien en peine de le dire. Elle rend fou, suicidaire et il vaut mieux
qu’on n’y accède pas !
septembre 2011
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