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GUEULE DE MOTS
Cette rubrique reprend un second souffle en 2014
pour laisser LIBRE PAROLE À UN AUTEUR... Libre de s'exprimer, de parler
de lui, de son inspiration, de ses goûts littéraires, de son attachement à la
poésie, de sa façon d'écrire, d'aborder les maisons d'éditions, de dessiner
son avenir, nous parler de sa vie parallèle à l'écriture, ou tout simplement
de gueuler en paroles... etc. Mars-Avril 2021 Libre parole à Anna Tüskés. Entretien réalisé par Maria Mailat sur les échanges artistiques et littéraires
franco-hongroises. Grande aigrette, collecteur d’impôts des pêcheurs
dans le port… Photo par Anna Tüskés |
« J’aime
autant explorer les archives de la littérature et des arts que les paysages
du lac Tisza » 1.
Chère Anna, partons du fait que j’aimerais connaître, en quelques mots, ton
« autoportrait ». Qui es-tu ? Je
suis historienne de la littérature et des arts. Je suis née à Budapest. J’ai
fait mes études au lycée Veres Pálné en sciences humaines (1995-1999), puis à
l’Université Eötvös Lóránd (1999-2005) en histoire de l’art et en langue et
littérature françaises. J’ai passé un doctorat en histoire de l’art en 2009. Depuis 2007 je travaille à l’Institut d’Études Littéraires du Centre de Recherches
en Sciences Humaines de l’Académie Hongroise des Sciences et depuis 2018 également au Département de l’Histoire de l’Art de la Faculté des Arts de
l’Université de Pécs. Mes domaines d’expertise sont les relations littéraires
et des beaux-arts franco-hongrois du 20e siècle. Je me suis mariée
en 2014. J’aime faire des randonnées, découvrir la
nature, voyager et visiter des monuments culturels, réaliser des photos et
des vidéos. 2.
Comment as-tu découvert la langue française en Hongrie ? J’ai
commencé à apprendre le français au lycée. J’avais une enseignante très
stricte, Mme Éva Csatári pendant quatre ans. J’ai presque perdu la bataille contre
« qu’est-ce que c’est ? » à la fin du premier semestre. Au
moment de choisir des matières universitaires, à la suggestion de mon père,
j’ai choisi la langue et la littérature françaises en plus de l’histoire de
l’art. L’apprentissage de cette langue au lycée n’aurait pas suffi pour passer
l’examen d’entrée à l’Université Eötvös Lóránd, c’est
la raison pour laquelle j’ai étudié j’ai étudié l’histoire
littéraire française pendant un mois avec la femme du célèbre traducteur
László Lothár, elle-même linguiste. Les cours de langue, littérature et
civilisation françaises n’était pas facile pour moi car je ne vivais pas en
France. Un séjour de trois semaines à Bruxelles m’a beaucoup aidé après ma
première année universitaire. 2
bis. J’ai cru comprendre qu’il y avait un très haute qualité de
l’enseignement du français à l’école, ce qui a contribué d’une manière
importante à l’orientation vers le français des écrivains hongrois. Qu’en
est-il aujourd’hui du rayonnement du français vers les jeunes générations ? Les
relations littéraires franco-hongroises remontent à plusieurs siècles et ont
subi de nombreuses transformations. À la fin du XIXe et au début
du XXe siècle, les contacts personnels sont devenus courants,
principalement grâce à de nouvelles possibilités de voyage et de communication. Les connaissances sont devenues
plus intenses, les interactions plus rapides. Il n’a pas fallu des années ou
des décennies pour traduire une œuvre littéraire, comme auparavant. La
culture et l’orientation littéraire françaises sont
restées très importantes en Hongrie jusqu’à la fin de la deuxième guerre
mondiale. L’histoire des relations culturelles au XXe siècle a été
fondamentalement déterminée par de nouveaux courants littéraires et une
immigration accrue par rapport aux siècles précédents. Outre la
Grande-Bretagne et l’Allemagne, la France a été le pays qui a accueilli le
plus grand nombre de poètes, d’écrivains, de peintres et de sculpteurs
hongrois. 3.
Quels sont tes meilleurs souvenirs dans l’apprentissage du français ? J’aime
beaucoup traduire, aussi bien du hongrois en français que
du français en hongrois. J’ai réussi à obtenir de bons
résultats dans ce domaine. Je traduis principalement des études hongroises
d’histoire littéraire en français et quelquefois des histoires courtes
françaises en hongrois. 4.
A quel moment as-tu décidé de t’orienter vers l’étude et le travail
concernant la littérature et les beaux-arts situées aux frontières
franco-hongroises ? Au
cours de mes études universitaires pendant la troisième / quatrième année,
j’ai commencé à aborder le sujet de l’histoire des relations littéraires
franco-hongroises du XXe siècle sous la direction de Judit
Karafiáth : elle a suivi mon travail et m’a aidée avec ses conseils. Lors
des recherches pour mon mémoire de maîtrise j’ai pu étudier la correspondance du poète, traducteur, éditeur hongrois Gyula Illyés avec le
poète Jean Rousselot. Leur correspondance (1956–1983) a mis en évidence
les étapes d’une coopération fructueuse pour la culture française et
hongroise, y compris le rôle prépondérant des traductions littéraires. Au
cours de mes études de doctorat en histoire de l’art, dans le cadre d’un
séminaire du XXe siècle de Krisztina Passuth, j’ai découvert le
peintre Lajos Márk, étudiant de l’Académie Julian à Paris dans les années
1890, comme beaucoup d’autres peintes hongrois avant la première guerre
mondiale. En 1890, Márk s’est rendu à Paris où William Bourguereau, Gabriel
Ferrier et Tony Robert-Fleury étaient ses maîtres à l’Académie Julian.
Jusqu’en 1899, il passa quelques mois à Paris chaque année. Il a été
grandement influencé par Bourguereau, qui, suivant les traditions d’Ingres, a
fait une grande impression sur ses disciples. Mark a laissé beaucoup de ses
caricatures à l’Académie de Paris. Un
autre 5.
Quels sont les moments importants de ton itinéraire dans la découverte,
l’analyse et la publication des archives (les correspondances, par exemple)
des écrivains hongrois rattachés à la France (donne-nous quelques
exemples) ? Entre
2007 et 2013, j’ai travaillé comme assistant de recherche dans les Archives
Illyés Gyula sous la direction de Mária Stauder qui a été un bon point de
départ pour une compréhension plus approfondie des relations littéraires
franco-hongroises du XXe siècle. Illyés est devenu un artiste
extrêmement exigeant et conscient précisément grâce à ses traductions de
poèmes français. Son amitié avec Rousselot a abouti à de nouvelles œuvres
dans les trois genres littéraires, en plus des traductions littéraires. Dans
le livre co-écrit avec le critique littéraire, essayiste, poète Christophe
Dauphin, et publié à Paris en 2015, j’ai publié plus d’une centaine de
lettres de Rousselot à Illyés et à d’autres écrivains et historiens
littéraires hongrois (László Dobossy, László Gara, Ferenc Jankovich, Gábor
Lipták, István Tóth). Entre
2016 et 2019, dans mes recherches postdoctorales à l’Institut d’Études
Littéraires du Centre de Recherche en Sciences Humaines de l’Académie
hongroise des sciences, j’ai examiné les relations littéraires
franco-hongroises du XXe siècle à travers six personnalités
éminentes : François Gachot, László Gara, Jenő Heltai, Gyula
Illyés, Ágnes Nemes Nagy et Gusztáv Rab. La recherche a été rendue possible
grâce à la bourse postdoctorale du Bureau National de la Recherche et du Développement
(NKFIH), et la publication des romans par le Fonds Culturel National (NKA). Avec
deux institutions co-organisatrices, l’Institut français (Bénédicte Williams)
et le Centre interuniversitaire de français (Dávid Szabó), j’ai organisé un
colloque internationale intitulée « Les relations littéraires entre la
France et la Hongrie au XXe siècle » qui s’est tenue à
Budapest du 5 au 7 décembre 2018, avec plus de quarante intervenants, où nous
avons fait connaissance. 6.
Dans ton dernier livre paru en 2020 réunissant plus de trois cents pages
(« en-nemzetem külhoni hire-sorsa » [« la renommée et le destin à
l’étranger de ma nation »]), sous-titré « Chapitres des relations
franco-hongroises dans l’histoire littéraire du XXe siècle »,
j’ai été impressionnée par le volume de la bibliographie que tu as étudiée et
utilisée dans ton livre. Pourrais-tu nous présenter (ou dévoiler) ta méthode
de travail ? J’ai
découvert des archives dans cinq collections publiques et deux collections
privées. Environ mille cinq cents documents (lettre, carte postale,
télégramme, rapport du correcteur, invitation, etc.) sont conservés dans le
Département des Manuscrit du Musée Littéraire Petőfi, pour ne donner
qu’un exemple. Au
cours de mes recherches, j’ai contacté des successeurs légaux pour demander leur
accord pour la publication. Non seulement qu’ils m’ont
donné leur accord, mais ils m’ont également fourni de nouveaux documents.
Dans l’héritage de la fille adoptive de Gachot, Klára Fekete-Korolovszky, il
y a des lettres et des poèmes écrits par de nombreux poètes, écrivains et
peintres hongrois pour Gachot et sa fille. J’ai
également pu rechercher des documents inconnus de Gusztáv Rab du Département de Manuscrits du Musée Littéraire
Petőfi, sur lesquels Csaba Komáromi, chef du
département, a attiré mon attention. En plus de la correspondance trouvée,
j’ai également découvert sept romans, inédits en hongrois, écrits avant et
lors de son séjour en France entre 1958 et 1963. J’ai publié déjà cinq de ses
romans et je prépare deux autres pour une sortie en 2021. J’ai
enregistré environ deux mille cinq cents lettres dans un système de gestion
de base de données. La base de données accessible au public avec une
interface de recherche en anglais (http://frhu20.iti.btk.mta.hu/) contient
actuellement des documents relatifs à une trentaine de personnalités
littéraires provenant de huit collections publiques. 7.
Parmi les sujets essentiels concernant les relations littéraire
franco-hongroises se pose la question de la traduction. D’ailleurs, ton
dernier livre paru en 2020 (cité ci-dessus) commence avec une réflexion sur
la traduction en partant d’une citation de Heltai Jenő (« Il n’y a
qu’une seule règle de traduction : elle doit être bien traduite »).
Quelles sont les aspects du travail de traduction que tu voudrais partager
avec nous sur la base de tes travaux dans les archives des écrivains
hongrois ? La
principale question à laquelle je cherche à répondre dans mes recherches
c’est de savoir quelles sont les conditions préalables à un accueil positif
en France d’un écrivain hongrois. Mes recherches ont abouti
aux résultats suivants : 1.
Une connaissance approfondie de la langue et littérature françaises et une
éducation francophone de l’écrivain-poète hongrois sont essentielles. L’étudiant
hongrois pourrait acquérir de bonnes compétences linguistiques en privé ou au
cours de ses études au lycée, puis les approfondir lors d’un séjour plus ou
moins long en France. Ceci a été réalisé dans le cas des cinq écrivains et
poètes hongrois : Heltai avait un professeur privé, les autres ont
étudié le français au lycée. Gara vit, étudie et travaille à Paris depuis
1924 en tant que journaliste. Heltai a visité la France de nombreuses fois,
traduisant de nombreux drames français pour les théâtres hongrois. Illyés a
vécu, étudié et travaillé à Paris de 1922 à 1926. Bien que Nemes Nagy a
séjourné à Paris seulement en 1948, et par la suite, à partir de 1961. En
tant que journaliste, Rab se rend régulièrement à l’étranger dans les années
1930 – principalement en France et en Italie – pour rapporter les journaux
hongrois, et en 1958, il s’installe définitivement en France. 2.
L’écrivain-poète hongrois doit également disposer d’un excellent traducteur
français et, si possible, d’un vaste réseau de contacts français. La
traduction est rarement l’œuvre d’une seule personne : en l’absence d’un
traducteur parfaitement bilingue, l’œuvre hongroise est généralement traduite
en français par un Hongrois connaissant au mieux le français qui collabore
avec un écrivain-traducteur français. Ce dernier réalise la version finale.
Cet aspect diffère d’un écrivain à un autre. Heltai a trouvé un traducteur médiocre. Paul Chaulot a été le
traducteur « idéal » des poèmes de Nemes Nagy : ne connaissant
pas la langue hongroise, Paul Chaulot a du travailler à partir d’une première
traduction « brute », mais les affinités entre les mondes poétiques
de ces deux artistes et la sensibilité à la culture de l’autre ont permis la
réalisation des traductions françaises d’une grande qualité. L’anthologie de
la poésie hongroise éditée par László Gara est l’un des exemples les plus
remarquables de traductions littéraires françaises basées sur la traduction
brute hongroise. François Gachot, Eugène Guillevic, György Kassai, Bernard Le
Calloc’h, Roger Richard, Aurélien Sauvageot et plus récemment Sophie Aude,
Françoise Bougeard, Joëlle Dufeuilly, Sophie Kepes, Georges Kornheiser,
Thierry Loisel, Maria Maïlat, Marc Martin, Guillaume Métayer, Chantal
Philippe, Clara Royer, Jean-Louis Vallin, Nathalia Zaremba-Huzsvai et Charles
Zaremba, sont les traducteurs exceptionnels qui n’avaient pas ou n’ont pas
besoin de traduction brute pour produire la version prête à être publiée. 3.
L'éditeur français doit pouvoir envisager la vente des traductions publiées.
Une édition conjointe hongroise et française est également une possibilité
viable. Dans ce cas, on peut citer la coopération entre Corvina et Gallimard
et entre Corvina et Seuil : la partie hongroise supporte les frais
d’impression et l’éditeur français assure la distribution du livre. Le
financement de la traduction est une question d’accord. Le financement d’un
livre seulement par un éditeur français est relativement rare. 4.
L’œuvre hongroise s’intègre parfois dans un phénomène de mode ou un courant
littéraire occidental, et, dans ce cas, l’éditeur parvient à vendre les
exemplaires d’un livre édité. Le roman Voyage dans l’inconnu de
Gusztáv Rab (1959) est un exemple dans ce sens. Ce roman a répondu à la
curiosité des lecteurs occidentaux concernant la réalité à l’est du
« rideau de fer ». 5.
On a réalisé relativement rarement des films étrangers à partir d’œuvres
littéraires hongroises. La possibilité de filmer s’est présentée seulement
dans le cas du roman 111 de Jenő Heltai et du Voyage dans
l’inconnu de Gusztáv Rab, mais l’idée ne s’est pas réalisée finalement. 8.
Je sais que tu contribues aussi à organiser des rencontres entre chercheurs
et écrivains, puisque nous nous sommes rencontrées à Budapest lors du
colloque « Les relations littéraires entre la France et la Hongrie au XXe
siècle ». Que voudrais-tu nous transmettre en synthèse des Actes de ce
colloque que tu as pris le soin de co-éditer avec d’autres chercheurs ? J’ai
réussi à convaincre plus de quarante chercheurs – 35 hongrois et 5 français –
de venir et présenter leurs dernières découvertes sur le sujet en décembre
2018. Bien sûr, beaucoup plus de gens font des recherches sur ce sujet. Les
chercheurs présents un large éventail de disciplines, de la sociologie à
l’histoire en passant par les études littéraires comparatistes. J’aimerais
croire que cette rencontre de 2018 a été le début d’une série. On verra. 9.
J’aimerais revenir sur ta biographie d’Européenne : quand as-tu
découvert la France ? Quels sont tes meilleurs souvenirs. Mais
aussi un souvenir moins agréable… Quels sont les écrivains français qui t’ont
influencé dans la maîtrise de cette langue (je note que tu as une parfaite
connaissance du français). Quels sont les écrivains contemporains de la
« littérature vivante » que tu lis avec plaisir ? À
l’université, j’ai aimé le théâtre français du XVIIe siècle. J’ai
été moins attirée par les beautés de la littérature française médiévale, même
si j’avais un excellent professeur, Imre Szabics. Je lis volontiers, assez
facilement, le français du XVIIIe siècle. Les romans de Victor
Hugo, Zola et Proust étaient difficiles à digérer pour moi, surtout parce que
l’on devait lire un nouveau roman chaque semaine. L’écrivain
dont je traduis actuellement les nouvelles en hongrois est François Gachot.
Écrivain, professeur de français et diplomate, il est venu en Hongrie en 1924
et y vécut vingt-cinq ans, jusqu’en 1949. Il a enseigné la langue, la
littérature et la culture françaises d’abord au Collège Eötvös, puis dans
plusieurs lycées et au Collège des Beaux-Arts. Outre l’enseignement et ses
activités diplomatiques, les œuvres littéraires de Gachot sont relativement
rarement mentionnées, bien qu’il ait écrit et traduit dans tous les trois
genres. Son premier volume de nouvelles a été publié à Paris en 1924 sous le
titre Jeux de Dames. En 1943, le Théâtre Madách a présenté son drame Philippe
le Bel. Il a traduit plusieurs ouvrages hongrois en français. 10.
Je sais que tu es passionnée par la nature. Dans le chapitre de ton livre
dédié à Nemes Nagy Ágnes, tu as choisi pour titre « vous m’appreniez le
nom des arbres ». Quels liens établirais-tu entre ta passion pour
l’histoire littéraire et ta passion pour la nature ? Il
me semble que pour l’instant, ces deux passions sont séparées en moi. Ce sont
deux domaines très différents de ma vie. Quand j’arrive à laisser le travail
complètement à la maison et juste faire du canoë sur le lac Tisza pendant une
semaine, par exemple, j’arrive à me détendre vraiment. Dans la nature, je
médite sur les lumières, les formes, les couleurs, les sons et les odeurs, je
m’y plonge. Parfois, je prends des photos quand je trouve quelque chose de
spécial, mais je ne fais pas de « post-production » sur les images
comme le font les professionnels. Pendant ces randonnées c’est mon côté
visuel qui domine, qui est tout de même plus fort que mon côté textuel. J’ai
ressenti à plusieurs reprises les effets curatifs de l’immersion dans la nature. 10
bis. Et une autre question au sujet de Nemes Nagy Ágnes: sa poésie a inspiré
la réalisatrice Ildikó Enyedi dont le film « Corps et âmes » a été
primé (Ours d’or à la Berlinale de 2017). D’autres grands réalisateurs
hongrois occupent une place tout à fait exceptionnelle dans le cinéma mondial
(Tarr, etc.) Comment expliquerais-tu les résonances entre la langue hongroise
(la création littéraire hongroise) et l’image (la photo, le cinéma) ? Je
ne peux pas répondre à cela, même si c’est une très bonne question. J’ai vu
au cinéma plusieurs films de Béla Tarr (p.e. Le cheval de Turin) et
naturellement Corps et âmes de Enyedi. Dans les deux films, j’ai
admiré la merveilleuse transition entre la réalité et l’irréalité. Depuis
quelques années, je ne regarde principalement que des films sur la nature. 11.
Quels sont les aspects qui t’intéresse le plus aujourd’hui dans la
littérature hongroise ? En
tant que bibliographe, je suis la littérature hongroise contemporaine et je
suis désolé de ne pas avoir le temps de lire les derniers ouvrages. Je lis
les critiques pour compiler la bibliographie en ligne de l’histoire
littéraire hongroise (http://www.iti.mta.hu/mib/kereses.php),
mais je ne les que rarement les œuvres elles-mêmes. 12.
J’aimerais porter notre échange sur François Gachot. Tu publies une série de
ses poèmes dans ton livre. Penses-tu qu’un projet d’anthologie serait
possible pour réactualiser la poésie hongroise en France ? Oui, je pense qu’il serait important de
renouveler le contact entre quelques poètes hongrois et le public français.
J’essaye actuellement de publier une anthologie française d’Ágnes Nemes Nagy
(1922–1991), à l’occasion de son centième anniversaire (en janvier 2022). Les
origines de cette anthologie remontent à 1968, lorsque le rédacteur en chef
en charge du domaine étranger aux Éditions Corvina (Budapest), encouragé par
le secrétaire du PEN Club Hongrois a écrit au poète et écrivain Paul Chaulot
(1914–1969) à propos du recueil français de poèmes d’Ágnes Nemes Nagy.
Chaulot ayant déjà adapté un certain nombre de poèmes en français, Corvina
lui a suggéré qu’il serait intéressant de les publier en collaboration avec
les Éditions Seghers, sur le modèle du volume consacré au poète Endre Ady et
publié un an plus tôt dans la série Poètes d’Aujourd’hui. Chaulot
avait prévu de publier cette anthologie des poèmes de Nemes Nagy en 1970,
mais ce projet n’a pas abouti car il a eu un accident de la route et il est
décédé quelques mois plus tard. Au cours des cinquante dernières
années, plus de vingt poètes et traducteurs hongrois et français ont
travaillé sur l’adaptation française des poèmes du Nemes Nagy, quelques
poèmes ont fait l’objet de plusieurs traductions. Certaines de ces
traductions seront publiées pour la première fois. Une deuxième partie des
traductions a déjà paru dans diverses revues et anthologies. La troisième
partie a été préparée pour cette édition par Guillaume Métayer. 13.
Quels sont tes projets littéraires et de vie pour les dix années
suivantes ? Je
voudrais continuer la recherche concernant les relations littéraires franco-hongroises du XXe siècle, publier
une anthologie de François Gachot, explorer de nouvelles sources. Je voudrais
continuer la série des colloques. Et j’aimerais avoir autant d’occasions que
possible d’admirer la nature. |
On
mentionnera ici, de sa bibliographie (riche d’environ 200 titres), uniquement
des ouvrages visant les sujets évoqués dans l’entretien : Anna Tüskés, « Image of the 1950s
Hungary in the novel Journey Into the
Blue by Gusztáv Rab », dans Wilhelm Kühlmann,
Gábor Tüskés, Réka Lengyel, Ladislaus Ludescher (éd.), Ungarn als Gegenstand und Problem der fiktionalen Literatur (ca.
1550–2000), Heidelberg, Universitätsverlag Winter, 2020, 499-514. Les relations littéraires entre la France et la Hongrie au XXe
siècle: Actes du colloque international organisé par l’Institut d’Études
Littéraires de l’Académie Hongroise des Sciences, l’Institut français de
Budapest et le Centre Interuniversitaire d’Études Françaises de l’Université
Eötvös Loránd Budapest, 5–7 Décembre 2018, sous la direction de Anna Tüskés, Elisabeth Cottier-Fábián, Bénédicte Williams et Dávid Szabó, Budapest, ELTE CIEF – BTK ITI,
2019. http://real.mtak.hu/102095
Anna Tüskés, « François Gachot et son
illustrateur, Ilona Tallós : Quarante ans d’amitié », Les relations littéraires entre la France
et la Hongrie au XXe siècle: Actes du colloque international organisé par
l’Institut d’Études Littéraires de l’Académie Hongroise des Sciences,
l’Institut français de Budapest et le Centre Interuniversitaire d’Études
Françaises de l’Université Eötvös Loránd Budapest, 5–7 Décembre 2018,
sous la direction de Anna Tüskés,
Elisabeth Cottier-Fábián,
Bénédicte Williams et Dávid Szabó, Budapest, ELTE CIEF – BTK ITI,
2019, 161-168. http://real.mtak.hu/102096/1/2.120Revue2019_corr-162-169.pdf
Anna Tüskés,
« « Citron, orange et grenade / grâce à toi, mon beau jardin est
plein de beautés », Luxe dans les jardins seigneuriaux au XVIIIe siècle »,
dans Les dynamiques du changement dans
l’Europe des Lumières, sous la direction de Maciej Forycki, Agnieszka Jakuboszczak et Teresa Malinowska, Poznań-Paris,
Académie Polonaise des Sciences – Centre Scientifique à Paris, 2018, 197-206.
http://real.mtak.hu/88390/1/2.110%20citron.pdf
Christophe Dauphin – Anna Tüskés, Les Orphées du Danube: Jean
Rousselot, Gyula Illyés et Ladislas Gara. Suivi de Lettres à Gyula Illyés,
par Jean Rousselot, Rafael de Surtis/Editinter, 2015. Anna Tüskés, « Jean Rousselot et Gyula
Illyés au miroir de leur correspondance (1956–1983) », dans Revue d'Études Françaises. Mélanges
littéraires offerts a Judit Karafiáth pour ses 70 ans. N° hors série 2013,
79-89. http://real.mtak.hu/7464/1/2.052.pdf Hungary in Context : Studies on Art and Architecture, ed. by Anna Tüskés, Áron Tóth, Miklós Székely,
Budapest, CentrArt, 2013. http://real.mtak.hu/7462/1/1.2.3.pdf |
Maria
Mailat – entretien avec Anna Tüskés Francopolis
– Mai-Juin 2021 Recherche :
Dana Shishmanian |
Créé le 1 mars 2002