[Poésie
et Vérité…]
(*)
On le cherche tous : LE texte qui tarira le verbe.
LE texte qui dit tout et qui suggère le reste.
LE texte complet, ne demandant plus d'ajouts.
Le texte où tous les contraires se rejoindraient. Où se
réuniraient aussi toutes les ressemblances.
Le texte-noyau, doté du compact ultime ; aussi dense,
ramassé qu'une étoile à neutrons. Le texte-espace, élan qui embrasse
l'infini.
Le texte-fleuve qui ne tiendrait qu'en un point. Ou en quelques
points de suspension, à la rigueur.
Le texte absolu : qui contiendrait tous les textes,
toutes les probabilités, tous les choix textuels.
LE texte en son non-dit et en son expression.
Le texte introverti et le texte mort-né. Le texte
extraverti, oui mais zébré de fêlures. Le texte immatériel et le texte
fantôme. Le texte avant, pendant et après son parcours.
Le texte en sa part d'abysses dessous la peau, comme en
celle qui, le moment venu, la crèvera, la fracturera comme fait le monstre
du film "Alien" pour s'élancer, entamer l'énorme mouvement
d'engouffrement mimeur d'expansion sidérale.
CE texte-là. Nous le voulons. Pour en finir avec tout texte.
Pour colmater toutes les brèches qui se muent en appels à
mots. Pour cesser, peut-être, de ressentir ce besoin de se compléter par
des lignes d'encre. Pour cesser, peut-être, de courir après l'eau des puits
qui ne sont, en fait, que des gouffres ?...
Toujours est-il que, si l'on accepte la plénitude de la
vérité (dont on devrait admettre que nous la devons autant à nous-mêmes
qu'aux autres/semblables), c'est CE texte qui est le mobile, le moteur (le
Graal ?) de notre écriture ; de toute écriture en ce bas monde.
C'est LUI. C'est le texte-univers. C'est le texte
dé-fi-ni-tif. Dont nul n'a la définition.
Que nous pressentons.
Quelque part. En nous.
©Patricia
Laranco
(16
mars 2021, sur FB)
Même si la vérité est plus dure qu'un sentier de cailloux,
même si, quand on la regarde en face, elle nous pétrifie
comme une Gorgone, un soleil qui vous aveugle à son zénith,
je ne désire pas que la peur ait raison
de ma raison.
C'est en regardant bien en face les choses ainsi qu'elles
sont,
ainsi que le recommande Dieu dans la Bhagavad-Gitâ
que j'ai projet de vieillir, d'atteindre le terme de mes
jours
sans me soustraire à un atome, une plume de vérité ;
pour moi, la vérité n'est pas soustraction, mais addition,
je l'ai appris, et voilà qui ne fut
que pour me fortifier.
Même si je sais que la vraie vérité m'échappera toujours,
je dois, du moins, me fier à ce que j'en sais, ce que j'en
perçois.
Le réel est pareil au taureau fonçant sur le matador
pas question de faire l'autruche, il me faut l'affronter tel
quel
et à nu, peu importe qu'il ne fasse guère de cadeau.
Je ne me mentirai jamais
car le déni
est une fuite.
©Patricia
Laranco
(11
mars 2021, sur FB)
Sous la peau des choses, le poète sent vibrer un
réel invisible, plein de veinules, plein de nervures, plein de filons où
courent sève, sang, lymphe. Il consacrera toute sa vie à tenter de
l'exprimer, cahin-caha, en se servant de la langue qui, par hasard, lui a
été donnée. Il en fera (s'il peut) une sorte de contournement oblique du
visible. Sans cesse, il lancera, en quête de cette pulsation qui semble lui
lancer des appels, ses sondes verbales. Et toujours, il sera dépité de son
approche approximative. Il multipliera alors ses vaines prières au dieu du
silence.
©Patricia
Laranco (juin 2016)
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