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Pieds des Mots : Archives

 

PIEDS DES MOTS

Où les mots quittent l'abstrait pour s'ancrer dans un lieu, un personnage, une rencontre, un objet de la nature ou de l’art...

Le principe des Pieds des mots est de nous partager l'âme d'un lieu, réel ou imaginaire, où votre cœur est ancré...

 

Mai-Juin 2022

 

Poèmes inédits de Dominique Zinenberg

 

Une image contenant arbre, herbe, extérieur, plante

Description générée automatiquement

 

Sous-bois

 

Moi qui restais derrière à rêver dans les mots,

Je sentais la forêt si proche qui dansait :

Clairière au cœur plein de candeur

Qui mousse aux rayons diffractés

Je t’aimais tant que je t’inventais des offrandes :

Elles s’appelaient crissements sous mes sandales,

Se faisaient fugue au vent froissant tout le feuillage,

Brame de cerf jusqu’aux cimes des hêtres

Et oboles de faines crescendo dans le refrain du

Crépuscule.

 

Dans la rondeur de ton cercle, les orgues fusaient

Graves et beaux. Les oiseaux n’étaient pas en reste

à donner leur écuelle de voix, leur parfaite

Cantate à livrer sans délai en chœur à l’unisson.

 

Moi qui restais derrière à rêver dans les mots

Je te prenais dans la musique de tes bras

Humant tous tes reflets d’écorces et de lumière,

Et j’attendais dans ta fraîcheur de fougères

Que monte un conte aux confins de la joie.

 

 

Dessin d’enfant

 

C’est le dessin d’un enfant : un désert, des dunes façon dacquoise, un dromadaire à tête de dragon, et au centre de la page, un fabuleux diamant, objet de tous les désirs.

Le conte est étalé sur la page dans des tonalités réalistes allant du grège au marron en passant par le mordoré. C’est le sable fin et cabossé du désert. Il y aurait eu, s’il avait eu le temps de l’achever, à droite, et dans le lointain, l’esquisse d’un palmier, suggérant la proximité bienfaitrice et douce d’une oasis.

On sait bien que le dromadaire à tête de dragon est le gardien du diamant. Sa langue orange de diable et toute dentelée a quelque chose du Cerbère des Enfers. Ce qui saisit c’est de se sentir si fort en danger car les yeux jaunes et noirs lancent des éclairs à vous donner la chair de poule.

Très vite l’on se dit : Qui vaincra le dromadaire-dragon ? Qui emportera le diamant ? Et à quelle princesse divine sera-t-il offert ?

Il y a un enjeu d’amour dans l’air. Mais sur l’esquisse, on ne voit nul prince, on ne voit nulle princesse. C’est peut-être que pour l’enfant le héros c’est le fascinant personnage du monstre et le cadre étrange du désert. Un détail cependant l’a suffisamment intéressé pour qu’il l’ait élaboré avec soin, c’est le diamant, se détachant du sable, juste au milieu du papier : très blanc, vaguement bleu, irisé de paillettes : du désir à l’état pur !

Il va de soi que l’enfant n’explique rien. Il va falloir se débrouiller, se dépatouiller avec les éléments en présence et proposer un déroulement et un dénouement dignes des Contes des Mille et une Nuits, et ça, bien sûr, c’est désormais le défi à relever !

 

Une image contenant extérieur, herbe, arbre, ciel

Description générée automatiquement

 

Enluminures d’octobre

 

Les ors des arbres ou leurs rouilles

Une palette fauve, un nuancier de verts

Une cascade de pourpres et de mauves

Et la lumière bleue du fleuve, du ciel

 

Le nacre du nuage pareil au cygne

Les parterres de glaïeuls en faisceaux irisés : rayons d’asters et chrysanthèmes

 

L’azur jusqu’aux confins du soir

Métissant le couchant rose de veines violacées, de picotements jaunes

Sans que la lune argentée,

A peine auréolée d’ombres grises

Ou de vibrisses poivre et sel

S’en offusque dans sa majesté d’astre

Régnant seule

Sur l’horizon                     noir.

 

 

Lueurs des chemins

 

Nous avançons dans l’aura des chemins                  

                  Dans la valse des verts

                  Valse des verts

 

On danse encore au milieu des brouillards

                  Oubliant les ornières

                  Ô les ornières

 

Nous avançons dans l’aura des futaies                

                   Et dans les ronces amères

                   Les ronces amères

 

On danse encore dans les talus spongieux              

                  Près des fossés en fleur

                  Fossés en fleur

 

Nous avançons loin des cyprès tragiques              

                  Fuyant la ville rauque

                  La ville rauque               

 

On danse encore dans le matin précaire

                  Matin précaire

 

Nous avançons si près de nos vertiges

                 De nos vertiges

 

D’un pas de cendre,                  d’un pas d’exil

 

Une image contenant herbe, extérieur, ciel, champ

Description générée automatiquement

 

 

Quelques vers pour Baudelaire

 

Qui oserait l’absinthe ou l’opium dans la nuit de Paris

Qui l’encensoir, le glas, la danse macabre dans la morsure de l’hiver

Qui verrait l’or de la boue, la fange des dentelles

Les soleils et chevelures déversant les muscs et les vins

Et l’enfant de naguère captant le chant majeur de la vie ?

 

Le vent, la mer, le nuage invitent aux voyages

Et les épices un précipice de voluptés et de ferveurs

Où geint le spleen amer, et boite l’albatros

Au milieu des misères des luxures ou du luxe

Ton œil ô Baudelaire voit par-delà le voir !

 

 

Rêver à La Fontaine

 

Ésope sans la forêt ne t’eût servi à rien

Et ton nom même – La Fontaine – est source, rythme, rêverie

Tu marches dans l’écho des voix, des soupirs, des murmures

Et par tes fables, heureux poète, tu chasses les soucis, les ennuis et les peines.

 

Ta bonhomie éclaire, réjouit, désaltère.

Ce que tu touches vit, ce que tu vois s’anime.

C’est le présent parfait tapi dans tes récits

C’est la langue alliant la litote au baroque.

 

Faune, flore, éléments, dieux, déesses ou humains

Tout te sied, tout est délices et malices.

Ton goût de vivre tout ou d’être heureux d’un rien

Est ta morale la plus humble, toi, ami, à jamais !

 

 

©Dominique Zinenberg

 

« Ces poèmes ont été écrits en fin d’année 2021. Les deux derniers célébraient les poètes nés en 21 : 1821 pour Baudelaire; 1621 pour La Fontaine. »

 

 

Dominique Zinenberg

Francopolis, mai-juin 2022

 

 

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Créé le 1 mars 2002