Ode à la vague avec Virginia Woolf

Photo
de Mireille Diaz-Florian
I
Comme un dormeur
dont le souffle pareil au soupir
va et vient doucement
La vague
qui se brise
Balafre et cerne commotion râle
agonie
sur le rivage
Roulis d’embruns roulis d’un bleu profond
Vague
ondulant comme
ondulent les muscles sur le dos des grands
chevaux qui vont
Vaste
échine
La
vague se ramasse se courbe bondit et tonne comme
le piaffement sourd d’une énorme bête
et se brise
Comme un fier cheval éperonné ou retenu
Le désir de la vague revient
tour à tour tambour sur le rivage
guerriers en turbans
dans un élan d’écume et d’oiseaux effarés
avant qu’elle ne se brise
C’est un chant un continuum cette obscurité qui roule et bat se
brise bondit ondule s’enfle balaie se brise et se retire en soupirant
sur le rivage
Va et vient
sans répit de vagues qui se brisent
II
Et voilà que
à mesure
les vagues s’enroulant au sable
ourlées d’obscurité et
captant le motif de lumière piqueté de
diamants
balaient tout le rivage jusqu’au mourir
en flaques sur la grève.
Voilà que le vif éventail en camaïeu de bleus, de verts
s’agite, se tord, gesticule
à mesure que le cerne noir de la vague
approche et se dissout en un soupir
sur le sable.
Voilà que des rondins tombent sur le rivage et laissent
à mesure
un scintillement
de porcelaine, un éclat de couteau, le turban d’un
guerrier.
Voilà que,
à mesure,
les vagues de la mer baignent les flancs
d’un navire englouti
comme l’obscurité avale maisons, arbres,
collines
et amants enlacés effacés par la nuit.
III
C’est la nuit de la vague
son saccage obscur qui avance bombardant
maisons, arbres, parois d’abris, grotte
dans un tapage pulvérisant l’écume.
C’est la nuit de la vague
piaffement sourd d’une énorme bête
rondins brisant, pulvérisant
des silhouettes isolées, des amants enlacés
balayés par la nuit de la vague,
par les sagaies empoisonnées
coquille vide, la ville engloutie,
éclats de porcelaine, balafre de chiffons
déchiquetés
commotion, jets de pierre, chemin herbeux,
buisson d’épines, cratère là où
la vie naguère avait palpité – cerne
noir de l’effroi – crevasse
effondrement, tas de ruine en poussière d’écume
averse obscure des bombes comme rochers
écrasant les navires, les enfants qui jouaient avec le sable, la flaque,
les blancs moutons.
©Dominique Zinenberg
Mars 2022
(*)
Ci-dessus, d’abord, « une page
d’extraits de Vagues de Virginia Woolf, à partir de laquelle j’ai
composé 3 poèmes que j’ai intitulés Ode à la vague avec Virginia Woolf.
L’occasion de ce travail m’a été donné grâce au Buffet littéraire de mars
dont le thème était le mot "vague" ». D.Z.
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