Pluie.
Exercice Pongien.
La pluie est d’abord un son,
sans doute parce que ma chambre se situe sous un toit de zinc. Ainsi
est-elle associée à la nuit. Lorsque je vais me coucher un soir de pluie,
je ressens la même sensation que ce que l’on peut éprouver dans une salle
de concert, avant l’entrée des musiciens. Une sorte de frémissement
s’empare des spectateurs, auxquels on se sent totalement relié dans
l’exacerbation de l’attente.
La pluie et la nuit restent
étroitement associées. Il faut en effet une certaine dose de silence que
propose la venue de la nuit urbaine, en même temps qu’une adhésion de tout
le corps au bruit de la pluie. Aucun autre moment de la journée ne permet
un semblable abandon. La pluie de jour trouble totalement l’écoute. Pire,
elle agace en cela qu’elle perturbe toute action, dont celle d’ouvrir un
parapluie n’est pas des moindres. De plus elle salit les carreaux !
Il pleut enfin ce soir. La nuit
est dense. Je m’allonge, consciente que chacun de mes gestes, à cet
instant, s’accorde. J’écoute. La pluie peut s’annoncer par un staccato
discret sur le toit ou bien par le glissando sur les vitres. Elle obéit
progressivement à toutes les nuances de l’orchestration, selon que le vent
impulse un crescendo ou impose un pianissimo.
Cerner l’essence profonde de la
pluie suppose de rester d’une extrême vigilance. La pluie, comme la nuit,
exige de nous un état de conscience démultipliée. Comme on tente, à l’état
de veille, de discerner dans la nuit, le glissement des ombres, de la même
façon, il convient de distinguer dans la pluie, le caractère spectral de la
musique. Ce moment où les harmoniques transcendent la perception pour nous
égarer, non pas dans l’obscurité nocturne mais dans la lumière indécise et
infinie.
Ne voudrait-on pas que la nuit
et la pluie ordonnent le monde ? Sans aucun doute.
Nous disposons pour cela, les nuits
de pluie, des moments précieux de l’insomnie.
©Mireille Diaz-Florian
Janvier
2021
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