PLACE
DE LA BASTILLE
Je me souviens de la place de
la Bastille
Ses flonflons du
14 juillet, son bal musette,
Ses accordéons, ses rires, les
filles et leurs
Robes légères, les pétards, la
joie de vivre, quoi.
Aujourd’hui, c’est nuit chez
soi, la peur de s’amuser,
d’être ensemble, insouciants
(l’insouciance
est devenue une maladie honteuse).
Si Dieu existe qu’il pense à
nous redonner
La joie d’être ensemble à
s’amuser.
À redevenir nous-mêmes, tout
simplement.
À nous retirer à jamais la peur
qui nous tenaille.
« Redonnez-nous
l’insouciance ! »
C’est la prière qu’il nous faut
faire chaque jour
SAINT-GERMAIN
L’AUXERROIS
Appuyé sur la grille,
Assis par terre
À côté de moi deux clochards
Rougissent entre vin et soleil
Pour moi, je me contente
Du soleil, je leur laisse la vinasse
Je n’ai pas le gosier adéquat.
Une dame passe et leur jette
À chacun un euro et pour moi de même.
Elle me prend pour un des leurs,
Je lui souris et glisse cette pièce
Dans la gamelle de l’un d’eux.
Bienfaiteur par délégation…
SQUARES
POUR MIGRANTS
L’herbe était verte au jardin public,
Mais il était interdit de s’y promener.
Les vitrines sur les grands boulevards
Étaient garnis des plus beaux cadeaux
Qui soient. Mais attention pas touche, sinon les
Flics.
Tu veux apaiser ta soif ? Seule la fontaine
Wallace peut t’offrir un gobelet d’eau fraîche.
Tu es fatigué, tu veux prendre le métro ?
Sans monnaie, tu marcheras.
Paris est ainsi.
Il ne te reste que le ciel bleu ou gris,
C’est selon, le rire des jeunes filles flânant
Devant les bouquinistes, les mendiants qui
Tendent la main, ceux-là qui viennent chez
Nous de l’autre bout de la planète.
Comme toi.
Ne te sens pas rejeté, mais seulement
Spectateur d’un monde qui ne t’est
pas offert.
Il te reste l’espoir de partir, de tout quitter,
D’aller en face, de l’autre côté de la mer,
Dans des pays qu’on ne connaît pas, ailleurs,
dans des pays inconnus,
la vie est assurément plus belle, c’est sûr…
Frères humains, que sommes-nous devenus ?
Les squares restent des poèmes dédiés à nous
tous.
LES
GARES
Les gares, toutes les gares, portent en elles
Ce charme, cette poésie qui nous enchante tant,
Elles créent l’envie de partir, tout quitter, les
valises à la main, la tête légère, la gare nous incite à devenir insouciants,
subitement…
Partir est un second souffle, on aspire à devenir
un autre dans une nouvelle vie, différente de tout ce qu’on a connu… Rêve
éveillé !
Mais il est si bon de rêver, éveillé ou
non !
LES
AÉROPORTS
Nous voilà assis à attendre l’heure tellement
désirée de monter à bord, d’être salué par les hôtesses et le pilote comme
si nous étions des personnes importantes…
Le siège est trouvé, nos affaires placées au-dessous
ou au-dessus de nous, n’importe ! Le temps semble s’éterniser, mais
non, subitement il se précipite, l’avion va décoller, il se promène sur des
pistes longues comme le jour, il s’arrête, le temps s’égrène, les moteurs
vrombissent, montrent les muscles, puis toute la carcasse s’ébroue,
commence à rouler doucement, prend de la vitesse et de plus en plus vite,
se détache du sol, prend de la hauteur, un bruit sourd se fait entendre, on
rentre les pneus, nous voici tout nu, voler ou capoter, on n’a pas
l’embarras du choix, le ciel s’ouvre à nous, j’allonge les jambes et débute
le rêve esquissé et que je vais réaliser, enfin, vivre –
L’ailleurs !
©Michel Ostertag
Novembre 2021
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