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SALON DE LECTURE

 

Septembre-octobre 2022

 

 

 

Alix Lerman Enriquez :

« lorsque les oiseaux mordent la lune… »

Poèmes inédits

 

Photos par l’auteure

 

Pulsations

Marché le long de l’eau.

         La mer était d’huile,

lisse comme une toile bleue

traquée de nuit,

trouée d’ocelles de soleil.

 

J’ai marché longtemps

sur le sable avec l’enfant sur le dos.

Plus loin, les vagues mouraient sur la plage

et les galets qui s’égrenaient sur la grève

s’entrechoquaient comme des osselets,

mordaient la mer et mes empreintes

de pas sur le sol meuble.

 

Sur mes épaules, l’enfant dormait toujours

et le battement régulier de son cœur résonnait

en écho au roulis des vagues folles,

avec l’écume qui tissait sa dentelle à mes pieds.

 

Au loin, les falaises de craie blanche

et leur ombre portée sur mes mains,

sur le visage de l’enfant quadrillé de lumière.

Au loin, à l’aurore, le phare pourpre

qui battait, en résonnance avec nos corps,

la pulsation du jour à peine levé.     

 

 

Consolation

Les fleurs naissent et meurent

dans l'eau vive,

écartelées par l'échancrure du soleil,

par la blessure vive de l'eau

dans le ciel rougi d'aurore

tatoué du silence des étoiles

mortes la veille,

chaque fois ressuscitées,

lorsque vient la nuit sombre,

 

lorsque les oiseaux mordent la lune,

cette proie d'or de l'ombre,

son écume blonde qui chuchote

dans la ronde du ciel

lorsque la nuit me console

des orgies folles,

des orgies ignées du jour bleu.

 

Coquelicot

Un coquelicot perce

la voûte cendrée du ciel,

chiffon de soie rouge,

météore dans la nuit éclair.

 

Coquelicot ou rose rouge,

braise dans la nuit, lieu de luxure,

femme nue offerte, endormie.

 

Son corps mûr

s’effeuille dans le couchant,

étoile d’or désarticulée

dont la chair blanche jouit du soir,

dont le jour bleu se meurt,

saphir dans la nuit solitaire.

 

 

Café du matin

Un soleil immense dans ma main

reflète le silence du ciel

comme l’arête d'un astre tremblant.

 

Un quartier d’orange luit sur la table

comme un croissant de lune à l’aube,

un voilier évanescent qui s'ignore,

qui s’engouffre intense

dans les volutes de vapeur

au-dessus de ma tasse de café

 

où se pose le reflet rose

de mes doigts gantés de lumière,

où se pose ma bouche rouge de plaisir

lorsque je bois ce breuvage noir

qui colorie ce jour de joie.

 

 

Ivresse

Je marche le long du chemin de broussaille.

Me guide la tête auguste des chardons violets

dans mon périple qu'assaille

la piqûre éraflée des guêpes,

la figure âpre des nuages en suspension.

 

Le ciel est d’azur et les feuillages coruscants

des arbres à l'aube reflètent 

cette lumière vif-argent sur le lac,

dessinent un phare sur l'eau,

près des nénuphars à la dérive

ivres de soleil, de gorgées du jour bleu.

 

 

Une feuille après la pluie

Une feuille d'été après la pluie

glisse sur la pierre blanche,

trophée du ciel ou de l'arbre,

 

feuille en suspension qui se pose,

marque de son empreinte,

de son ombre rose, fertile,

 

la terre herbue et bleue,

la terre hostile à l’obscurité

la terre fossile semée

de souvenirs d'enfance et d'été.

 

Été

Un doigt s’est posé sur la rainure du ciel,

sur l’échancrure de sa fenêtre,

ouverte sur l’été.

 

Un oiseau a crié mon nom à l’aube.

Il souhaitait que je le rejoigne

au-dessus des nuées.

 

Le soleil rose crissait

comme les oiseaux rayant l’azur,

au-dessus de la mêlée des mouettes,

de l’éternité des choses.

 

Mais l’éternité éloigne la vacuité

des jours bleus étendus au soleil

comme des linges d’été

séchant sur une corde du ciel

 

jetés en pâture aux oiseaux,

ouverts à la vanité de toute chose,

à la vanité de l’été,

à la fragilité des roses.  

 

 

Oripeaux

Du linge étendu au balcon.

Oripeaux de soleil et de solitude

flottent au vent

comme les voiles bariolées

de notre destinée.

 

Nos pas s'élancent dans le sable

et nos mains dans le tissu rêche

des guenilles du passé.

 

Pluie de teintes chaudes sur nos mains.

Patchwork de couleurs vives

qui déteignent sur nos corps

auréolés de lumière.

 

Les vêtements de l'enfance

ont laissé place

aux loques du passé.

 

 

 

(*)

Photo-portrait par Yves Trotzier.

Alix Lerman Enriquez est née à Paris le 5 mai 1972. Depuis très longtemps, elle s’adonne à l’écriture poétique et, à ce titre, a déjà publié plusieurs recueils de poésie :

Météores (2005) aux éditions La Bartavelle,

Les territoires de la nuit pourpre (2012), chez Do Bentzinger Editeur,

A-Contre-jour (2013) chez Hervé Roth Editeur,

Les fruits blets de ma solitude (2014),

Au-delà de la nuit (Edition Les poètes français, 2016),

Herbier d’errances (2016),

Tessons et miroirs (éditions Vox Scriba) (2017), 

Estuaire de l’espoir (2018) aux éditions Flammes Vives,

La morsure du jour sur la mer, (Editions Les poètes français 2018), 

Bribes du jour, éclats de nuit (Stellamaris 2019),

Solstices et saisons (Stellamaris 2020) ainsi que

Tombée du ciel (Editions les Poètes français 2021).

Membre de l’Union des poètes et Compagnie, elle est lauréate du prix de poésie Jean Rivet 2017 pour son recueil Lever l’ancre. Flamme d’argent du prix Pierre de Ronsard du concours des flammes Vives 2018, elle a en outre reçu la même année un diplôme d’honneur de la Société des poètes français pour son recueil La morsure du jour sur la mer.

Alix Lerman Enriquez a également collaboré à plusieurs anthologies de la Société des poètes français dont elle est correspondante du Bas-Rhin depuis décembre 2018. Elle a également collaboré aux ouvrages collectifs de l’association Flammes vives et aux florilèges de la Société des auteurs et poètes de la francophonie (SAPF).

Certains de ses poèmes ont été publiés dans les revues Xéro, Portulan bleu, Portique, L’Etrave, Libelle, Interventions à haute Voix, les revues Cairns, Cabaret, La Revue alsacienne de littérature ainsi qu’à Poésie sur Seine. Par ailleurs, elle écrit des poèmes dans les revues poétiques en ligne : La Cause littéraire, Le Capital des mots, La toile de l’un, Infusion, Recours au Poème et Lichen, ainsi que sur le site Poética.

En outre, elle écrit des proses poétiques sur le site de l’éditeur Hervé Roth et nourrit son propre blog Perles de poésie à l’aide de petits billets d’humeur teintés d’humour et de rêverie. Enfin, elle est également l’auteur d’un autre site poétique : Aphorismes et petits riens, regroupant ses micro-poèmes écrits et postés sur les réseaux sociaux.

 

 

Alix Lerman Enriquez 

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Créé le 1 mars 2002