MON
CŒUR MON ATELIER.
LA
RONDE DE NUIT*
À
quoi servira cette clarté limpide ?
Marc Chagall
Nous
possédons cette force qui se porte à la poitrine.
Roger Des Roches
Radieuse.
Tu
fais signe. Dis j’apparais.
Ton
dernier regard écartant le drapé de l’obscur.
Tes
aimés. Dans l’antichambre de ta mort.
Cœurs en cortège. Comme s’ils étaient des
fleurs.
Une
constellation lente te borde.
Toi.
À chaque vie aérienne.
°
Au
loin j’ose.
Tu ne
devais pas t’engager si tôt dans ce maillage d’ombres.
Shéhérazade
plurielle à tes côtés.
Des voix
défient tes fuites.
Racontent
Noirs et du jour même l’éclat
futur.
Capturent
posent répandent respirs et roses.
Déraisonnables.
Entre
un lit d’emprunt et nulle part.
Au
loin tes nuits d’envol et les paupières
de
toutes tes chances s’emmêlent.
On
les devine en train de se noyer. Qu’elles attendent.
Qu’on
les stoppe – paupières et chances.
°
J’entre
dans la ronde. Me refuse pietà. Seule.
Ramène
Rembrandt au cœur de la phrase.
Tu en
reconnaîtrais les étoiles sur fond indigo.
Loin
de La leçon d’anatomie.
Suaires
et sifflements percent. Billes DEL en cercle.

J’ose.
J’ouvre. Attends-moi.
Refuse
verrous. Privilégie l’indéfini.
Une
forme à nous donner.
Rhizomes
et nageoires amoureuses – frayant fragments de cœur.
°
Pardonnerons-nous
à la vie de s’achever déchirure ?
Lui
pardonnerons-nous de continuer – sans toi ?
°
Vois.
On se retrouve loin devant – cœur
au travail.
Le
ciel creuse.
Nous
avions dit mains.
Quatre
plus une et l’ensemble de nos doigts.
On
appuierait fort. On veillerait tout du monde sans compromission.
Vois.
On en rêve encore.

Cœur avec ronces aiguilles flèches
couronnes billes – rouges.
La
forme qu’il nous faudra.
Saint
Sébastien ou poupée vaudou.
Surtout
en chasser l’épouvante devant les
autres endormies**.
Rappelle-toi
Radieuse cette haute dentelle
de
musique et de voix pour mères et fils enlacés.
Une
soif tressée ardente en nous – faire durer la beauté.
Partout.
Près des petits et grands vivants fuyant fuyant.
Proies.
La mort les encercle.
°
Vagabondes.
Rebelles.
On
dit cœur.
Cœur.
On ne
l’accolerait plus jamais à mourir.
La
note a tenu. Tenu. Puis cédé.
Choisi
l’autrement l’hors d’ici l’ailleurs. Le puits de cendres.
Ton
masque de vivante. Notre rage muette.
Une
forme bienveillante à nous donner.
°
C’est
là Radieuse parmi tes tables et tes cahiers
d’atelier
que
ça se passe. Là. Le grenier où tu te déposes.
Où tu
nous attends.
Où
notre douleur se déplie.
Nos
mains déposées les unes sur les autres.
Et
sur ton crâne fragile d’infini.
°
À
chaque phrase réinventer le cœur
et son battement.
Dernière
dentelle. Volubile.
(*) En référence à l’œuvre de Rembrandt, La ronde de nuit (La
Compagnie de Frans Banning Cocq
et Willem van Ruytenburch, huile sur
toile, 1642) et à Mon cœur mon
atelier, œuvre de Sylvie Cotton (encre
et crayon sur papier, 2011, photo : Guy L’Heureux), reproduites
ci-dessus.
(**) Mots empruntés à
la poète France Mongeau.
Poèmes
inédits en volume,
parus
dans Lettres québécoises
(numéro 171, automne 2018)
* * *
Sylvie Cotton est une artiste interdisciplinaire vivant à
Montréal, au Québec. Sa recherche, amorcée en 1997, est liée aux pratiques
de la performance, de l’art action, du dessin et de l’écriture, bien
qu’elle fasse aussi régulièrement appel aux formes installatives pour la
réalisation de projets d’exposition. Ses œuvres s’ouvrent sur la création
de situations menant à l’instauration d’un rapport avec l’autre ou à une
infiltration dans le monde de l’autre. (extrait de l’article Sylvie
Cotton : Le feu sacré : la pratique in
spiritu, suivi de reproduction de ses œuvres et de
quelques-uns de ses écrits ; voir aussi son site et en particulier,
pour ses œuvres : http://www.sylviecotton.ca/boutique).

Image
de l’atelier de Sylvie Cotton (d’après son site).
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