Le Salon de lecture

Découverte d'auteurs au hasard de nos rencontres

ACCUEIL

***

ARCHIVES SALON

 

SALON DE LECTURE

 

Septembre-Octobre 2021

 

 

 

Invitée : France Burghelle-Rey

 

« seule importe la porte »

 

Poèmes inédits

 

 

 

Alphonse Osbert, Soir antique, 1908

(reproduit d’après Open Art Images)

 

 

Je te donne aujourd’hui ma place et mon carnet

pour que tu sois le maître du poème

Mais seul un cri transperce la feuille

où tes doigts ont peur de courir

Au mouvement de tes lèvres j’ai reconnu la vie

et n’ai pas vu de mots sur les lignes des pages

Tu es mon ami de l’esprit, je te pardonne la lettre,

mon ami innocent et coupable

mort dans l’imaginaire

 

***

 

Elle n'arrête pas la houle du temps

 

Sur les rivages

savent se poser les souvenirs

Quand hurle le passé

ah ! l'odeur de la mer

 

Mais les galets sont autant de babels

 

et je suis ce prêtre qui cherche

une langue au souffle immense

pour offrir leurs noces aux mots

 

Tant pis si l'avenir promet des ruines

 

Les portes du présent sont une merveille

du monde et j'y écris mon nom

 

***

 

cette pauvre lumière

colore le vide

je m’empresse de vivre

et compose ma tristesse

mode mineur

pour une chanson grise

je suis là toujours là

cette fois c’est fini

plus là pour toi-lui

l’air est léger trop léger

l’âme n’est plus décoiffée

et l’esprit en bataille

j’arrive à voir enfin

le contour des nuages

 

***

 

les mots sont morts

il reste la musique

qui excuse le chant

à l’aube de la fin

ô solitude muette !

si proche

l’horizon noir

si loin l’enfance

son temps

son espace

si longs

tes doigts

ils courent sur les touches

de ta vie

 

***

 

il n’y a pas de temps

seule importe la porte

avec tous ses visages

dedans dehors

et les fenêtres vivantes

tu sors tu rentres

et tu regardes

ton cœur est vertical

ta chair à vif

l’avenir existe

si mémoire

et si lieu de magie

ton regard dans le miroir

défie le noir de l’âge

 

***

 

je n'ai pas parlé
de l'enfant
j'ai même omis
l'originel
au profit des deuils
et des crépuscules
mais ce matin face à la mer
à ce loin trait de bleu
c'est Venise 
qui brille
Aschenbach 
qui pleure
et je dessine sur le sable

le visage de l'ange

 

***

 

dans l'or bleu du soir où

reste une espérance quand

est mort le Poète

avec ces mille silences

je salue de ma voix

son départ et à la fois

la naissance

aujourd'hui ou demain

d'un autre enfant-orphée

car bientôt dans

le ciel rose du matin

s'élèvera son chant

 

***

 

je sens comme une frontière mince

entre la vie et le vide

un duvet que je n'ose caresser

lame qui pourrait s'y cacher

et mon corps que je couvre

est nu sans sa mémoire

je sens comme une lumière faible

quelques miettes de paix

et l'ouverture d'un ciel

 

***

 

attente à la fois douloureuse et

exaltante le cœur sans pitié

saigne se purifie quand

rien ne se perd

 

j'affronte seul

la peur à la hauteur de

ma désespérance

 

il reste la marche et

ce souffle contre

le vent de l'été qui se meurt

 

chaque épreuve me rapproche

d'une place à échoir

 

***

 

ma campagne a cette éternité

teintée de bleu de jaune

qui aveuglent la nuit

 

rêves du soir

dans ma ville

vêtue de gris

amie de longue date

toits offerts

aux rires d'enfants

qui ne sont plus

aux rires d'enfants

qui sont à naître  

 

***

 

entre ciel et mer

j'ai trouvé mon lieu

couleur de nuages

sans douleurs et sans larmes

 

avec pour exil

les psaumes du silence

comme preuve de présence

au monde que je cherche

 

unique reflet

dans l'entre-deux

où le vent m'a conduit

ivre encore d'un rien

 

***

 

le jour est couleur de poussière   il aveugle mon ouvrage   et j'ai peur que le feu ne s'éteigne

 

que ne cesse ma danse

 

mais au milieu du brasier

intact

se dresse le bâton de Rose

j'écarte les ronces pour marcher vers le lac chante un nouveau jour et la poussière s'efface

 

il faut prendre le risque de ne rien faire

                                                   et celui d'espérer !

 

***

 

mais ce soir la pluie est tombée et je n'y comprends rien    quelque chose peut-être est

est mort de l'autre côté de la plaine

 

lui d'où vient toute explication

il viendra me le dire et nous boirons le vin doré

comme au temps du départ de père.  

je me souviens des rires d'enfants qui faisaient vibrer

les verres au milieu du salon noir dans l'éclat de nos voix réunies

 

hors des murs, Poète, et tout ici ressemblera à une fête !

 

 

© France Burghelle Rey

 

 

France Burghelle Rey est née à Paris, a enseigné les Lettres classiques et vit actuellement à Paris où elle écrit et pratique la critique littéraire. Elle est membre de l'Association des Amis de Jean Cocteau et du P.E.N. Club français.

Plus de cent textes parus dans de nombreuses revues et anthologies ainsi que plus de cent notes critiques (Nouvelle Quinzaine littéraire, Poezibao, Europe, Place de la Sorbonne, CCP, Recours au poème, Temporel etc.).

Elle a écrit une quinzaine de recueils dont Lyre en double paru aux éditions Interventions à Haute voix en 2010, puis Révolution en 2013 chez La Porte, suivi de Comme un chapitre d'Histoire en 2014 et de Révolution II en 2016. Le Chant de l'enfance (un prix Blaise Cendrars adultes) a été publié aux éditions du Cygne en juillet 2015, Petite anthologie (Confiance, Patiences et Les Tesselles du jour) chez Unicité en 2017 et Après la foudre chez Bleu d'encre en 2018. 

Les textes suivants augmentés de L'Enfant et le drapeau (à paraître chez Vagamundo), naissance rédemptrice d'un "ange" dans un monde en désolation, veulent exprimer l’urgence d'une nécessaire présence au monde en souffrance.

Nouveaux textes inédits : Instantanés puis Jardin, je me souviens, Raisons secrètes Fragments II

Parution aux éditions Unicité en 2020 de Lieu en trois temps suivi de L'Un contre l'autre : Gegenüber, en finale nationale du prix Max-Pol Fouchet 2010.

L'un de ses romans, le premier, L'Aventure, est publié aux Éditions Unicité au printemps 2018.

La Maison loin de la mer Fragments I, éditions Douro, juin 2021. Fragments II-III et IV en cours de rédaction.

Elle a collaboré avec des peintres (Georges Badin) et la graveur Hélène Baumel pour un certain nombre de livres d'artistes.

http://france.burghellerey.over-blog.com/# : Un blog de 31.000 pages vues, où l’on trouve aussi une biobibliographie complète.

Sur La maison loin de la mer, lire une belle chronique de Dominique Zinenberg dans Recours au poème.

 

 

 

France Burghelle-Rey

 

      Francopolis septembre-octobre 2021 
recherche Dominique Zinenberg 

 

Accueil  ~  Comité Francopolis  ~  Sites Partenaires  ~  La charte  ~  Contacts

 

 

Créé le 1 mars 2002