| Le Salon de lecture Découverte d'auteurs au hasard de nos rencontres | *** | 
| SALON DE LECTURE Été 2024 Jean-Luc Aribaud :
   « cela
  dans le silence achevé ». Poèmes édits et inédits (*) Jean-Luc Aribaud,
  photographie du périple La traversée de la ville | |
| En cela(éd. Abordo, 2023, extraits) mais à force
  de voir sables et
  limons écrire leurs
  géographies précipitées à force
  d'entendre criquets et
  sauterelles s'offrir des
  albâtres de nuit et des chants à faire
  revenir Orphée les yeux
  bandés de souvenirs nous avons
  cru en cela nous des
  vacuités originelles nous des
  enfances figées au fond des veines en cela qui le temps
  d'un grain exotique nous verrait
  confondus intriqués
  jusqu'aux os la fable
  en nous et nous en elle haletants comme
  des chiens ……………………………………; je te
  connais abondance de
  robes Amériques jardins aux
  crépuscules griffés de
  promesses lilas ô mes
  armoires mes
  biographies aux linges mités que se
  rompent vos serrures millénaires que
  s'entrouvrent vos portes archaïques sur les
  terres promises de l'illusion je me
  découvre ainsi prophète le verbe
  lancé en colonnes puériles juif grec
  arabe qu'importe en
  attendant que grincent les gonds de mon âme
  mal huilée cela dans le silence achevé qui très
  banalement déchire mon
  éternité ……………………………………………….. ce refus
  obstiné de l'été à nous
  prendre dans ses
  grésillements nocturnes et ses
  vapeurs romaines ruine nos
  certitudes voilà que
  s'inversent le temps rassurant
  du sablier l'ordre des
  matins qui
  édifiait tant de je héraldiques et de tu
  aux franges troubles des miroirs mouillés mâchés
  comme papiers par des
  langues obscènes nous
  attendons le jet salace l'élan vil qui nous
  posera là sur une
  ardoise morne où nul
  signe se s'est
  encore déclaré ………………………………………………………; l'usage vaut son pesant
  de crasse et de vulgaire peut-être mais
  convenez que ce refus de l'été à de quoi lézarder la plus
  belle des cathédrales je parle
  de l'humain langage ce dernier
  refuge des fulgurances
  enfantines et du
  cristal de l'âme aussi dont on
  connaît un peu le reflet mais jamais
  la distance qui le
  sépare des mots hurlés dans les
  ténèbres de toujours ……………………………………………………; ainsi dans ce
  refus soit-il celui-là qui ne fut
  pas élu mais dut
  attendre son heure son
  éblouissement de figures
  et de paroles ainsi soit-il celui-là nu et
  couché sans nom
  sans forme et qui dut
  attendre que quelque
  chose cela une nuit au
  dépourvu tout à coup
  le prenne ……………………………………………………….. souviens toi rouge ce flamboiement sur les
  côtes crépusculaires de tes songes un oiseau
  en exil y
  crachait sa partition ordinaire comme les
  dernières notes d'une flûte
  désenchantée de quoi
  tenir une nuit ou deux aux bords
  des laves dévorantes | |
| La traversée de la ville(inédit, extrait) Jean-Luc Aribaud,
  photographie de La traversée de la ville Pourquoi a-t-il fallu, cette nuit-là, que nous
  contemplions par-dessous
  l’arche éclairée du pont le fleuve
  murmurant d’inquiétude comme une
  bête instruite de quelque déchirant secret? Mouvements d’enseignes, palpitations
  furtives d’une ville accoudée comme
  nous à l’improbable songe... Souvenirs épars sous la juste lumière
  d’une lampe, cercle tracé à
  l’encre mauve des imaginaires... Et puis la figure esseulée d’un ogre
  posée sur notre traversin, la bouche refermée
  sur l’ombre grotesque du peuplier: effroyable vison
  que nulle certitude n’avait su démembrer! Il y avait, cette nuit-là, l’insistance de la
  pluie fine sur nos visages, une main –
  qui n’était pas mienne – accrochée à
  l’entaille de fer, et puis
  nos souliers soudés au macadam comme pour
  admettre le poids de toutes choses... ... Et après... Ce qu’il nous manquait, c’était des mots. Il nous manquait des mots dans cette
  langue. Nous aurions tant voulu désigner
  l’échancrure noire, l’absence
  soudaine de berge et d’eau, là,
  au-dessous de nos corps livrés à l’ineffable.  L’un d’entre nous, naïvement, proposa ses
  feuilles et son fusain... Au loin, sous la lumière envoûtante de
  la lune, le fleuve
  s’élargissait. Nos yeux déjà recueillaient la cendre
  d’une autre histoire. Nous cheminions à travers les ombres
  enchevêtrées du parc, soumis au
  quadrillage rigoureux des pelouses interdites. Déplacements silencieux de chairs et
  d’âmes, de
  mémoires et d’enfances porteuses de collines. Nous avancions tête basse, une pointe
  de plomb engoncée entre
  nos vies défaites et nos cœurs à l’agonie. A peine,
  ce soir-là, si l’eau rageuse de la fontaine éveilla nos soupçons. Nous marchions, nous marchions, c’est
  tout, l’oeil perplexe, la figure embarrassée d’un
  masque qui peu à
  peu effaçait nos derniers traits d’innocence. Derrière nous, l’histoire ne faisait
  aucun bruit. Le peuple usurier des rongeurs dévorait
  lentement les mots
  d’amour tombés de nos poches, les
  serpents efficaces balayaient le bleu poussiéreux de nos pas. L’esquisse soudaine d’un cyprès dans la
  nuit nous jeta
  brusquement à la face du hasard: et comme
  si nous échappions soudain à la
  gravitation d’un ciel noir, au gel qui
  happe et fige la langue dans la
  continuité légendaire de la mort. Autour de nous, la nuit lente inversait
  ses signes. Nous contemplions la houle des stèles
  gravées, les dates
  par paires lutant contre l’usure et la rouille. Et puis nos mains tendues, tremblantes
  comme celles des pauvres se
  refermaient peu à peu sur les flocons montés de la terre. Et souvent nos mains n’étreignaient que
  le vide. Le train de l’aube à chaque passage enroulait une mer
  dérisoire autour de nos
  poignets. Et nous étions de ce voyage sans fin, un poème
  flambé au travers de la gorge. Nous aurions pu crier: « Voilà, regardez comme tout nous
  appartient, le petit
  sac rouge oublié sur la banquette de cuir, le journal
  du matin que personne ne feuillettera, et contre la
  vitre froide tapissée de brume la joue
  mouillée de celui que l’hiver déshabille. » La clarté du jour sur les toits de la
  ville nous
  surprenait toujours ainsi, des arbres
  dans les cheveux, les yeux
  cherchant des trajectoires posthumes dans le
  froissement clandestin des draps. Nous attendions là, dans la
  chambre du souvenir, chassés comme
  des bêtes du paradis d’aimer. Et devant le bol de café fumant le
  soliloque demeurait immuable: « Il n’y a rien au-delà de ces
  fenêtres, où
  s’efface la ville s’efface ce train de nulle part. Il n’y a rien, et il n’y a jamais rien
  eu, comme si
  l’immobile brouillait les attentes, ramenait chaque
  avancée au rivage, chaque regard
  à la division infini du sable. Il n’y a rien, et il n’y a jamais rien
  eu, comme si la
  voix même de l’absence te disait: oublie, oublie
  vite cet archipel d’étoiles rêvées qui chaque jour t’affame un peu
  plus ». ©Jean-Luc
  Aribaud Jean-Luc Aribaud,
  photographie de La traversée de la ville | |
| (*) 
 Il a également bénéficié d’une bourse
  internationale de l’Association Française d’Action Artistique (AFAA) pour
  travailler sur la ville de Lisbonne (ce qui a donné le livre inédit La
  traversée de la ville, dont est extrait le fragment ci-dessus). Pour
  cette exposition particulière, il est représenté par la Galerie du Château
  d’Eau à Toulouse.  Depuis une trentaine d'années, il
  enseigne la photographie, dans le cadre de pratiques amateurs, ainsi qu'à
  l'école de photographie de Toulouse (ETPA).  Pour faire plus ample connaissance avec
  ce poète exigeant et trop peu connu, consulter sa bibliographie (non
  exhaustive mais à jour) sur le site occitanielivre.fr,
  où figurent une bonne douzaine de recueils de poésie et presque tout autant
  de beaux-livres (avec ses photos), et lire des extraits de
  ses derniers recueils parus
  sur le site de Terre
  à ciel, 13 avril 2024.  Quelques références critiques : - Patrick Cintas, sur En cela (Le
  chasseur abstrait, 17 mars 2024),  - Philippe Ségur, sur En cela (dans
  la revue Mare
  Nostrum du 23 octobre 2023), - Gil
  Pressnitzer (Le jeu du double ou la
  brûlure fuyante, avec un choix de textes, sur le site
  Esprits
  nomades, non daté),  - Michel
  Baglin (Jean-Luc Aribaud, une
  quête de mots et d'images, sur son
  blog, 2009).  Qu’il nous soit
  permis, en guise d’esquisse d’un portrait, de citer Philippe Ségur (article
  susmentionné) : « À
  l’heure où la poésie, si peu lue, ne donne prise au débat public que par
  d’absurdes polémiques, il importe pourtant de rappeler l’existence de poètes
  qui tracent leur chemin avec ténacité et patience, qui cisellent une œuvre
  pleine d’humilité et qui pourtant éclate dans le retentissant silence des
  mots, dans un mutisme terré au fond de leur vacarme. Jean-Luc Aribaud est de ceux-là. En plus de vingt recueils,
  plusieurs fois primés, il a tracé un sillon neuf au soc de sa plume et à
  chacune de ses avancées, à chacune de ses percées, c’est
  à la fois des retrouvailles, une familiarité avec sa façon singulière
  d’écrire, et la surprise, le choc, l’effarement. On ne lit pas Aribaud pour faire le plein de joliesses décoratives ou
  de citations pour effets rhétoriques. Il ne nous en laisse pas le temps. Au
  détour d’une de ces collisions verbales dont il a le secret, à la pointe
  d’une de ses virgules, à l’espace blanc qui suit un précipité de sens, on
  demeure transi, estomaqué. On redécouvre chacun pour soi et avec lui ce qui
  se tient là et au-delà. On se trouve confronté à cette immensité brute,
  omniprésente, première, que masque l’écran fumigène d’une langue qu’on manie,
  mais qu’on ne sait pas ou qu’on ne sait plus. On est face à cela qui est au cœur de son livre, cela au centre de tout et
  partout, cela d’abord en nous, en amont de
  nous, avant même la pensée. Oserions-nous dire qu’il rejoint par la force de
  l’impensé poétique ce que l’Inde par d’autres chemins a énoncé dans ses Upanishads ? Tat twam asi : “Tu es cela.” » | |
| Jean-Luc Aribaud Francopolis, Été 2024 Recherche Dana
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