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  DE LECTURE Été 2025 Marie-Agnès Salehzada « Être la musique de l’être » Entretien et poèmes (*) | |
| ENTRETIEN (24
  mai – 2 juin 2025) Marie-Agnès, ton dernier livre, intitulé
  « L’or du Gingko Biloba » est un chant d’amour adressé à l’autre, l’étranger
  comme le voisin, l’humain comme l’animal, le végétal comme le minéral. Chaque
  poème y est une main tendue avec bienveillance vers le monde. Tu écris ainsi
  dans le poème intitulé « Être la musique de l’être » :
  « Félicité d’une rencontre / Ravissement d’un visage / Résurgence
  d’écriture / Remontée des eaux de la confiance / retour d’enthousiasme / Oui…
  CROIRE ». Beaucoup de mots-clés de ton univers poétique dans ces
  quelques vers ! Et d’abord ce très beau titre : « L’or du
  Gingko Biloba », peux-tu nous en dire davantage sur sa
  signification ? Tu t’es mise à l’écriture poétique relativement tard
  dans ta vie. On aurait envie de dire que tu l’as fait pour matérialiser, et
  libérer, cet élan vers l’autre qui est en toi. Qu’en est-il exactement ?
  Comment es-tu venue à l’écriture ? Pourquoi écris-tu, au fond ? Comment j’en suis venue à l’écriture ?
  Je,
  et sans prétention aucune, portais en moi la poésie qui se révélait de façon
  très inattendue par exemple à l’occasion des magnifiques teintes du couchant
  que je souhaitais faire admirer à mes collègues présentes, alors que je les
  entraînais vers les baies vitrées et la somptueuse vue sur la ville de
  Montpellier, la promenade du Peyrou et la cathédrale, ce qui leur faisait
  déclarer : « Marie, elle est poète ! »  Ceci et quelques timides tentatives qui échouèrent
  sur la grève du temps. Puis survint un sentiment amoureux qui me submergea,
  un de ceux, tellement inattendu, qu’il bouleversa mon existence. Ce ‘grand chambardement’ m’immobilisa à domicile et
  dans la solitude de ma maison je commençai à dessiner au crayon le portrait
  de la personne qui m’avait tant émue, puis le trouvant suffisamment
  ressemblant, je me mis à tracer les qualificatifs qui encadrèrent son visage. Prenant un peu de recul, je réalisai alors que les
  mots espiègles me tendaient un poème… Sidérée par l’aventure, je décidai de vérifier et
  du crayon jaillit la poésie, au début une poésie très conventionnelle telle
  que celle que l’on étudiait à l’école, puis les mots prirent leur envol et
  réclamèrent leur liberté ! Ceci, c’était il y a une vingtaine d’années, depuis
  les mots et le poème m’accompagnent où que j’aille… « Mon carnet étoilé, tu es encore noué aux lacets
  de mes souliers, partout où je vais, TU ES ! » Sur la question de savoir pourquoi j’écris de
  la poésie, c’est l’art dont j’ai découvert que je pouvais en modeler la
  matière, cela aurait pu prendre la forme de la peinture ou du graphisme, ou
  d’une autre forme d’expression artistique, mais c’est sous forme de poésie
  que je suis parvenue à exprimer ce qui était de tout temps muselé, retenu à
  l’intérieur.  Cela a été d’abord une libération, puis la
  chrysalide s’est épanouie et a donné naissance au plus beau des papillons,
  encore à ma grande surprise … « Papillon des jours d’automne »
  est le titre de mon précédent recueil de poèmes. Maintenant que j’ai apprivoisé la poésie, cette
  compagne ; j’écris pour remercier l’autre de ce qu’il est, celui
  rencontré lors de mes voyages, celui ou celle qui m’offre son amitié, un
  regard de tendresse, des paroles d’encouragement, cet amour se tourne très
  souvent avec gratitude du côté du paysage et de la nature environnante dont
  je ne me lasse pas de la générosité. « Merci belle nature/ Tu nous portes en ton
  sein/ Comme le chant de l’été/ Souple Altruiste/ ALLEGRESSE » De plus, j’aime le partage instauré avec l’autre et
  le dialogue qui découle de la rencontre. Concernant ce titre : « L’Or du Gingko
  Biloba », il faut savoir que le Gingko Biloba est un arbre somptueux,
  dont la résilience est unique, qui étoile de sa splendeur plusieurs parcs de
  la ville de Montpellier, dont la couleur des feuilles se met à rutiler sous
  la caresse de l’automne. Ce titre évoque le poème éponyme qui clôt le
  recueil, cet ‘Or’ m’a donné la clé qui m’a permis d’en agencer la trame et de
  tresser l’Or de la rencontre avec l’Or du regard, puis feu d’artifice ultime
  à l’Or du Ginkgo Biloba, qui renoue avec la richesse du sentiment. Tu
  t’intéresses depuis de nombreuses années à la poésie persane. Il y a quelques
  jours, dans le cadre de « L’écho littéraire au jardin », un
  festival annuel de poésie porté à Balaruc-les-Bains par l’association
  « Voix de l’extrême – Poésie et Culture », tu assurais la
  traduction française d’une lecture en persan de poèmes d’auteur(e)s iranien
  et afghan. D’où te vient ton intérêt pour cette poésie ? La poésie est
  réputée être très présente dans le quotidien des iraniens, une poésie donc du
  partage et de l’ouverture au monde, dont l’esprit semble proche de celui qui
  anime ta propre poésie. Y a-t-il une filiation ? Ta sensibilité poétique
  doit-elle quelque chose à la lecture des poètes persans ? Dit autrement,
  cette proximité est-elle pour toi source d’inspiration ? C’est presqu’une histoire ancienne, tout du moins
  une culture avec laquelle j’ai grandi depuis la rencontre lorsque
  j’avais vingt ans, avec celui qui est devenu le père de mes enfants. Étant éprise d’un afghan, je me suis tout
  naturellement tournée vers cette culture persane et aussi vers l’histoire qui
  se déployait dans cette partie du monde. J’ai ainsi fait connaissance avec
  l’esprit des films de Satyajit Ray et la sitar de Ravi Shankar. La belle
  famille était passionnée de culture, par la poésie de Hafez, entre autres.
  Les soirées étaient accompagnées par le chant, le jeu du tabla et de
  l’harmonium et aussi par l’univers des miniatures persanes et les quatrains
  d’Omar Khayyâm dont l’esprit continue à m’enthousiasmer. J’ai eu l’occasion de me rendre en Afghanistan dans
  lequel régnait encore la paix, en 1977. Pendant ce voyage, j’ai consolidé mon
  désir de parler la langue et par la suite pris des cours à l’université à
  Lyon avec d’autres françaises qui étaient en couple avec des afghans. Lors de
  mon voyage, j’ai visité la ville de Balkh, ‘Mère d’entre les villes’ et j’ai
  eu la chance de faire une halte poétique dans le jardin dans lequel repose
  Rabia e Balkhi, la plus ancienne poétesse, dit-on, écrivant en persan qui vivait
  au 10e siècle et dont la renommée est parvenue jusqu’à nous.  Rabia e Balkhi- extrait- 2005 … « Ces mots tracés avec mon sang Où mon amour se heurte à la raison, S’y trouve scellé en prison Décrivent l’essentiel de mon présent ! » … L’attachement que j’ai nourri envers le peuple
  d’Afghanistan et sa dramatique histoire contemporaine a nourri certaines de
  mes lignes : Les
  sentes de l’exil- 2014- extrait … Dans
  l’arrière souvenir d’un passé prestigieux De
  conquérants glorieux D’un
  peuple de fontaines, de roses et de rossignols De
  rossignols et de sages Passé,
  de loin tu nous es revenu,  Sur
  les mélodies du tabla, de l’harmonium et des chants Mais,
  la musique interdite, restent les pierres pour lapider Les
  pierres sur les sentes de l’exil Mon
  douloureux pays, un jour je te reviendrai Je
  viendrai dans ma terre gésir Tout
  près d’Hadji Amir Je
  reviens, me voici … … Cette poésie, cette culture ainsi que l’univers des
  miniatures persanes naviguent dans mes paysages poétiques, c’est un univers
  qui s’exprime en filigrane du poème et qui parfois jaillit au détour
  d’une émotion, ainsi : Vois comme la lumière est belle - 2011- Tu
  me dis : « Ton jardin est un jardin persan Regarde,
  Rumi est assis sur ton banc A
  légèrement dénoué son turban, Tu
  peux fermer doucement les paupières, L’entendras
  te réciter des vers. Là-bas
  une volière, à l’orée de la clairière Des
  pics épeiches, des ramiers Dessinent
  des trajets chaloupés Se
  perchent au-dessus de la volière S’en
  font comme un perchoir, Picorent
  dans la mangeoire ! Et
  tous ces rosiers qui respirent la douceur de l’air Un
  trajet de gravier, des petits pas japonais Et
  juste une tonnelle abritée sous le chêne, Des
  invités qui lisent des poèmes, Vois,
  comme la lumière est belle ! » Effectivement, maintenant que tu l’explicites, on
  sent bien cette interpénétration de l’esprit de la poésie persane et de ta
  sensibilité poétique. Je crois comprendre, à la lecture de la première partie
  de « L’Or du Ginkgo Biloba » (« L’or de la rencontre »)
  que tu as séjourné au Sénégal. Tu évoques d’ailleurs, à propos de ton
  recueil, « un chant qui tend des ponts au-dessus de la Méditerranée et
  d’ailleurs, là où le paysage et l’amitié entre les peuples ne connaissent pas
  de frontières ». Cela n’est probablement pas un hasard si ton dernier
  livre est édité par Marcel Camill’, un poète congolais qui a connu toutes les
  difficultés de l’intégration en France, et qui se montre très actif dans la
  transmission de la poésie sur Montpellier. Peux-tu nous en dire plus sur ton
  voyage africain, ses motivations, le possible lien avec ton engagement
  en poésie ? La poésie comme acte de résistance ? Le voyage africain et la poésie acte de résistance… Même si cela ne transparaît pas de prime abord,
  j’ai des liens avec ce territoire africain. Une maman née à Relizane en 1927, on la retrouve
  dans le poème …Là-bas… Algérie où j’ai assisté au mariage de ma tante lorsque
  j’avais 5 ans…un peu loin, n’est-ce pas ! Un grand-oncle qui a travaillé à Tombouctou et dans
  d’autres villes africaines dont l’évocation a bercé mon enfance. Puis il a fallu attendre 2020 pour que je renoue
  avec mon histoire africaine par l’intermédiaire d’un voyage au Sénégal et un
  peu plus tard encore, fin 2022 pour que je retrouve la terre d’Afrique du
  Nord avec un voyage en Tunisie. Lors de ces deux voyages, j’ai été émerveillée par
  la gentillesse des hôtes et par leur fierté à partager, faire découvrir leur
  patrimoine. En Tunisie alors que j’étais seule, toutes et tous,
  dont des adolescentes, m’ont prise sous leur protection affectueuse, j’en
  garde des souvenirs éblouis… tant de générosité ! Au Sénégal, là aussi, même constat, un accueil
  fabuleux et des paroles d’amitié qui nourrissent le chemin. J’en étais
  stupéfaite, une terre colonisée, meurtrie par les trafics de l’esclavage -
  1 500 000 africains partis avec des armateurs français de Nantes,
  Bordeaux etc. Et m’entendre dire : « Les français, on vous aime,
  vous êtes un peuple frère ! » De plus je me sens redevable à cette terre
  africaine, en particulier, je pense aux tirailleurs sénégalais qui ont
  défendu la France avec tant de courage et pour ceux repartis, reçus par la
  puissance coloniale - la France - avec une ingratitude sans pareille - voir
  le massacre de Thiaroye -. Que dire de plus, la colonisation est
  officiellement terminée mais comment agissons-nous là-bas ? J’ai grand honte… J’ai fait la connaissance au
  Sénégal avec celui, devenu ami, avec qui je corresponds sur Internet, il
  interagit à chacun de mes envois avec enthousiasme, un sérère du désert de
  Lompoul ; il travaillait comme boulanger dans un écolodge, de plus il a
  eu le courage d’installer à proximité sa concession agricole et cultivait une
  terre courageusement arrachée au désert avec les moyens qui étaient les
  siens ; alors pourquoi utiliser l’imparfait ?  Il se trouve que les habitants de cette contrée ont
  été expropriés pour installer… par une entreprise française… une exploitation
  du zirconium…. L’impuissance à empêcher cela, me fait hurler de rage ! Et qu’en est-il du reste de l’Afrique ? Les
  dérives de la ‘fast fashion’ dont les invendus échouent et constituent des
  tumulus de vêtements abandonnés, sur lesquels broutent des vaches, ou rejetés
  par le jusant venant lécher les côtes africaines. Des territoires confisqués par les exploitations
  minières au Congo ou ailleurs, tout cela pour en extraire les minéraux rares
  qui composent nos téléphones portables, nos batteries, nos télévisions ! Différentes situations qui mènent à la colère,
  l’alimentation du trafic d’armes et la guerre ! Alors, qu’on ne vienne pas me dire que nous ne
  sommes pas responsables… Danse
  du taureau – extrait - La mémoire du pré - M’écrie : «
  Qui est ce taureau ? » Afrique,
  mon Afrique disait David Diop, Est-ce
  le taureau de l’Afrique ? Afrique
  des derniers Massaïs, De leur
  altière course dans le désert ? L’Afrique
  du Wolof, L’Afrique
  des famines, de l’exode, Celle
  des sanglants conflits, L’Afrique
  des massacres, De
  l’apartheid, de l’enfant errant,  Township
  de poussière pour pieds nus. Afrique
  du Sida,  Afrique
  de l’orphelin ! ... Les poèmes qui ont été publiés dans L’or du
  Ginkgo-Biloba rendent hommage au courage de l’Afrique et expriment ma
  gratitude, en particulier dans le poème qui ouvre le recueil ‘Éphémère est
  la rencontre…’ Lorsque mes amies de voyage m’ont réclamé un poème
  autour du Sénégal, il se trouve que c’était l’année où le thème du Printemps
  de Poètes était Courage, il m’est apparu comme une évidence qu’au travers du
  courage, je souhaitais honorer celles et ceux qui en font tant preuve pour se
  maintenir en vie ! L’engagement ? La poésie se doit de dire
  l’indicible… Merci Marie-Agnès pour ces explications si essentielles
  pour mieux comprendre ta démarche et ton univers poétique. J’en viens à
  l’émission radiophonique de poésie « Jardin d’Isis » que tu
  réalises sur Radio FM-plus 91 FM à Montpellier depuis 2006, à raison de
  typiquement deux émissions d’une heure par mois. Les podcasts en sont
  accessibles sur le lien : https://www.radiofmplus.org/?s=jardin+d%27isis. Tu as obtenu en 2013 pour cette émission le prix
  de l’émission radiophonique attribué par la Société des Poètes Français.
  Peux-tu nous en dire plus sur la genèse de la mise en place de cette
  émission, sur tes motivations, sur les objectifs poursuivis ?
  J’ajouterai, pour dresser un tableau complet de ton activité de passeuse de
  poésie, que tu es membre de l’équipe d’animation du festival « L’écho
  littéraire au jardin » que j’ai déjà évoqué. Transmettre la poésie, un
  bien bel engagement dans ce monde troublé ! Comment définirais-tu en
  quelques mots le rôle que tu assignes à la poésie dans la résistance à la
  violence de l’époque, si tant est qu’elle puisse jouer le moindre rôle ? À propos de la genèse du Jardin d’Isis, j’ai eu la
  chance d’être présentée au directeur de radiofmplus par un ami qui croyait en
  mes capacités poétiques. Une émission d’une demi-heure par mois m’a été
  proposée, j’ai accepté avec beaucoup d’enthousiasme mêlé de crainte, car je
  naviguais dans des eaux inconnues ! Ceci, c’était en novembre 2006, j’ai commencé par
  explorer les thèmes poétiques, puis j’ai entrepris de voyager à la recherche
  des poètes au travers des pays et des différents continents et c’est en
  décembre 2012 que je me suis acheminée vers la forme actuelle de mes
  émissions, à savoir l’invitation de poètes en studio afin qu’ils présentent
  leur poésie et défendent leurs engagements dans le monde associatif
  principalement. Mes deux premiers invités d’ailleurs ne sont plus, ce qui
  entre autres, est une motivation pour moi à persévérer dans cette voie :
  la voix, témoignage vivant, reste ! Il m’est de plus en plus apparu évident, qu’ayant
  reçu cette immense chance de pouvoir créer une émission et diffuser sur les
  ondes de la poésie, je me devais de partager ce privilège avec les poètes
  rencontrés sur ma route dont la lumière de la poésie transfusait jusque dans
  leur comportement. Depuis je n’ai qu’à m’en féliciter : que de
  belle poésie partagée, d’histoires d’amitié qui se tissent, de retours emplis
  de gratitude et pour moi, l’occasion de puiser de nouvelles forces de vie au
  travers des différents témoignages d’amitié. J’ai aussi le privilège de découvrir l’univers
  poétique de mes hôtes, souvent, je repars de l’enregistrement transportée par
  l’aventure radiophonique ! On perçoit combien je me nourris également de
  l’aventure ! Je construis au préalable solidement l’entretien,
  ceci reconnu spontanément par mes invités. Un des témoignages des plus touchants, fut lorsque
  je reçus une poète performeuse et danseuse passionnée à ce point par
  l’aventure qu’elle y consacre toute son énergie professionnelle, je remarque
  qu’elle n’est pas la seule à avoir abandonné la sécurité d’un emploi pour se
  réorienter exclusivement vers la transmission du poème.  Alors qu’elle me demandait quelle profession
  j’exerçais et que je lui répondais que j’avais été infirmière pendant toute
  ma carrière professionnelle, elle me rétorqua très spontanément :  « Mais au travers de ce que tu fais actuellement,
  tu continues de soigner ! » Un ami musicien poète, m’a lui aussi attribué le
  qualificatif de « Guérisseuse d’âme ». Juste un mot autour de Jardin d’Isis et
  pourquoi ? Tout simplement car Isis, en plus d’être un symbole de la
  féminité, est une guérisseuse, elle a recousu le corps de son mari ; il
  y a aussi la passion du jardin qui est un domaine que je chéris, source
  d’inspiration poétique ! Un autre ami ne tarissait pas d’éloges autour de
  mon accueil et poursuivit par « Mais qui recevra à son tour
  Marie-Agnès ? » Je crois bien que c’est chose faite, un grand merci
  à Eric Chassefière et Catherine Bruneau pour cette interview à paraître dans
  la revue Francopolis ! La poésie, une résistante ? Mais bien entendu,
  chère poésie, que tu es résistance, tu es courroie de transmission, tu
  touches les esprits et les âmes, tu es vecteur de tolérance et d’amitié entre
  les peuples, avec la culture, un des derniers rouages qu’il nous reste pour
  lutter contre les égoïsmes, l’obscurantisme, l’extinction de la pensée et la
  barbarie. De plus tu déploies ta tendresse sur l’humain afin de le protéger
  de la désespérance et de l’oubli de l’histoire, tu lui conserves cette
  lucarne ouverte sur l’avenir qui se nomme espoir ; partagée, diffusée
  auprès des générations montantes, tu es celle qui peut offrir de lumineux
  destins en devenir ! Quand Federico Garcia Lorca voue sa tendresse aux
  peuples des opprimés, quand il loue l’amour pour un ami disparu – Âme absente –, il fait plus qu’écrire
  un poème, il engage sa voix, sa vie… et il meurt sous les coups d’une milice
  assassine ! Au travers de sa poésie et de son théâtre, il lègue aux
  générations futures un témoignage puissant et une ouverture d’esprit qu’il
  pérennise. Et puis, quand bien même ne s’agirait-il que de
  graines lancées au vent, ne déclare-t-on pas que l’océan est composé de
  gouttes d’eau, alors, continuons à semer et irriguer la pensée avec les
  messages humanistes portés par la poésie !  … Mais, qu’avons-nous fait de nos
  vies ? À cultiver nos égoïsmes ! À nier l’oublié sous sa porte
  cochère ! Lutter contre la géhenne, La bête atroce, Cesser de se réfugier derrière des
  mégalos, De déclarations grandiloquentes, Cueillir une poussée d’altruisme Pour la mener vers l’autre, Déjà un pas vers l’espoir ! Si l’espoir n’est plus, Alors… toutes les dérives sont
  possibles !  La mémoire
  du pré - extrait Merci Marie-Agnès de nous avoir fait ainsi partager
  ta passion pour la poésie, dont on sent à quel point elle représente pour toi
  l’engagement de toute une vie. Cette fonction de résistance que tu assignes à
  la poésie, elle en est je crois le principal ferment dans cette époque de
  régression généralisée des valeurs d’humanisme et de culture, régression
  qu’il nous faut combattre par tous les moyens. Tu as mentionné Garcia Lorca
  comme un modèle d’engagement en poésie. Peux-tu nous citer quelques autres poètes,
  poètes résistants, poètes d’ouverture, poètes semeurs de graines, qui t’ont
  inspirée tout au long de ton parcours d’écriture ? Difficile
  de citer un plutôt que l’autre tellement j’aime de poètes, mais je vais
  essayer de répondre, en respectant la parité, parce qu’il y a Lui mais il y a
  Elle aussi ! D’abord
  comment ne pas citer Jacques Prévert qui écrit des poésies étudiées par les
  enfants à l’école tout comme Maurice Carême et bien d’autres qui sont semeurs
  de poésie pour nos petites têtes blondes ou brunes. Le recueil Paroles
  est, il me semble, le livre de poèmes le plus vendu en France. Bien
  entendu, notre ami Prévert est un poète d’engagement, il dénonce à tour de
  bras la bêtise et la violence… « Notre père qui êtes aux cieux/
  Restez-y/ Et nous nous resterons sur la terre/ Qui est parfois si
  jolie…. » (Pater noster) - « Les gens ne viennent pas au concert/Pour
  entendre hurler à la mort/ Et cette chanson de la fourrière/ Nous a causé le
  plus grand tort ! » (Le concert n’a pas été réussi – Paroles). Marie
  Noël, poète de l’amour et de la douleur, nous a offert de si touchants poèmes
  – « Quand il est entré dans mon logis clos, j’ourlais un drap lourd près
  de la fenêtre… » (Chanson) – Lorsqu’on
  me parle de poètes que je chéris particulièrement, me viennent d’emblée les
  noms d’Hélène et René Guy Cadou, un sacré tandem ! Poètes engagés tous
  les deux, lui consacre un chapitre d’écriture aux fusillés de Chateaubriant
  et il excelle dans la voie des poèmes d’amour écrits pour Hélène.
  Réciproquement Hélène écrit aussi l’amour pour son mari disparu très jeune en
  1951 alors qu’elle vivra jusqu’en 2014. Pendant toutes ces décennies, elle
  n’aura de cesse de sauver la poésie de René Guy de l’oubli, elle y consacrera
  la majeure partie de son énergie, quitte à reléguer sa poésie de côté, elle
  est aussi l’auteure d’une grande œuvre poétique. Je vous l’avais dit, c’est
  une superbe histoire d’amour !  Ensuite
  les poètes que je porte le plus en mon cœur sont en partie ceux dont je
  retrouve une correspondance avec ma trajectoire de vie. Guillaume
  Apollinaire, merveilleux poète de l’amour dédié à Lou. Il élève son chant
  d’amour par-dessus les tranchées - Si je mourais là-bas. J’associe
  Apollinaire au souvenir de mon grand-père ayant combattu dans les tranchées,
  Apollinaire parle de Baratier et j’ai aussi des attaches avec Baratier qui
  n’est peut-être pas celui d’Apollinaire… Ensuite je suis née un 9 novembre et
  Apollinaire décède un 9 novembre, voilà pour les coïncidences ! Je porte
  en affection Marceline Desbordes-Valmore car elle vécut à Lyon, ville qui m’a
  accueillie pendant 25 ans et c’était durant mes années jeunesse, celles qui
  marquent de leur empreinte toute une existence. Son engagement était profond,
  lorsqu’elle écrivit au moment de la deuxième révolte des canuts en 1834 et de
  sa répression - « Nous n’avons plus d’argent pour enterrer nos
  morts » - Dans la rue -, hurle-t-elle !  Mes
  parents qui ont de nombreuses racines en Haute-Marne m’ont fait connaître
  Bernard Dimey et je les remercie d’avoir mis entre mes mains un recueil de
  l’auteur d’une si belle poésie. Lui se bat aussi contre le regard de l’autre
  et il proclame « Ivrogne et pourquoi pas… » Il a
  trois amis et dit-il « Il est assez mal vu de nos jours par ici/ D’avoir
  pour compagnons des gens qui sont sous terre ! » Une
  autre haut-marnaise d’origine est la grande Louise Michel, une institutrice
  et figure de la commune – 1871 – exilée pour cela en Nouvelle-Calédonie, où
  elle continua à réclamer des lieux de détention parmi les plus rudes, par
  solidarité avec ses compagnons de misère et où elle poursuivit sa tâche en
  gravant dans le marbre les récits du peuple canaque issus de l’oralité ! Je
  retrouve sur les chemins de ma vie, de plus en plus Robert Desnos, lui qui
  s’engagea dans la résistance et mourut en déportation – 1945 –, sa poésie est
  si belle, si tendre parfois. 
  « Jamais d’autre que toi ! » - Avec « J’ai tant rêvé de
  toi », on touche les étoiles ! Des
  poètes femmes dont la vie dans les camps s’est profondément incrustée sur la
  trajectoire de leur vie il y en a beaucoup, je citerai la grande Anna
  Akhmatova, punie dans sa chair alors qu’on n’ose pas s’en prendre à elle à
  cause de sa popularité, mais que c’est son fils Lev qui sera déporté !
  Son écriture crie la souffrance du peuple d’Union Soviétique sous l’époque
  stalinienne.  Joë
  Bousquet qui vécut cloitré à Carcassonne dont on peut visiter la maison
  transformée en musée, nous a offert de merveilleux poèmes et si je devais
  trouver une femme poète qui lui réponde, je citerais peut-être Emily
  Dickinson, elle qui refusait de rencontrer quiconque pendant les dernières
  années de sa vie. Je
  voudrais parler de Jean Joubert, il nous a offert de sublimes poèmes autour
  de la région et d’ailleurs, il regarde souvent en arrière vers le pays de son
  enfance - Le Loiret -. Il témoigne, je retiens son oncle sabotier et
  anarchiste et d’autres personnages familiaux qui ont contribué à forger sa
  richesse d’écriture. Albertine
  Sarrazin, elle aussi chère au cœur des montpelliérains et qui partit si vite
  – 1967 – suite à une erreur médicale, elle raconte sa vie tourmentée, ses
  années de prison et son amour pour Julien.  Boris
  Vian, dont je chante « La rue traversière » avec mes petits-enfants
  et qui jubilent lorsqu’on en arrive à « Un’ grand-mère /Qui montrait son
  derrière/ Pour deux cent trente-cinq francs… ». Son engagement n’est
  plus à discuter « S’il pleuvait des larmes ». Je
  terminerai par Andrée Chedid dont les poèmes sont traversés d’humanisme, elle
  s’est attachée à décrire la guerre du Liban et elle est attentive à la
  question de la condition de la femme. Sa poésie me touche particulièrement. Je
  témoigne aussi mon attachement envers les autres poètes, ceux que je n’ai pas
  cités, eux aussi sont pléthore… Je les remercie de m’avoir offert une si
  belle poésie à découvrir et d’avoir ouvert mon esprit à tant de beauté, ma
  poésie en est tout irisée ! (*) CHOIX
  DE TEXTES Caresse
  du temps sur les jours perdus  Fin
  d’automne  Veux-tu que je t’emmène, Niché dans l’angle de mes paupières On ira voir la mer ? Il y a bien assez de lumière en mes yeux Pour qu’on l’admire à deux ! Nous
  dépasserons les cabanes de Pérols Longerons
  le biotope du Grec Havre
  étale pour les flamants Étirent
  leurs longues pattes nonchalantes Plongent
  leur bec gourmand Taches
  roses dispersées sur l’étang Nous arriverons à l’abri de la digue Nous bercerons du roulis des vagues Nous enivrerons de ce parfum d’iode Et de cette brume qui s’effondre Les silhouettes sous le brouillard s’érodent Verrons la mer et le ciel au loin se confondre Contemplerons
  la fureur des flots Grondement
  répercuté par l’écho Et
  les nuages qui sombrent sur l’horizon De
  cette fin de saison Novembre
  s’évanouit Et
  Décembre s’enhardit La
  houle proteste contre le vent d’Afrique Charrie
  un air tiède Vient
  heurter aux portes de l’Europe Les rares promeneurs s’emmitouflent Vont pressés rejoindre leurs foyers Tournent leur visage de biais Pour se protéger du vent qui décoiffe Du sable qui s’engouffre. Les pêcheurs plient bagage Trop de houle dommage ! N’est
  plus que nous à faire crisser le sable Là,
  sous nos semelles Et
  nous tenir l’un contre l’autre Arrimés
  face à la mer Nous
  fondre dans l’éther Admirer
  l’écume Jaune
  de ses larmes Écouter
  les lames Là,
  qui déferlent Trouver
  la chaleur en nos cœurs Refréner
  nos soupirs Et
  parfois moqueurs Égrener
  nos silences de nos rires ! Sur la solitude de la lagune Notes envolées Envole,
  envole des notes de piano Sur
  la nébuleuse de la solitude, Fais
  jaillir des arabesques, des trilles Des
  sarabandes de joyeux drilles, Notes
  étreintes sur le clavier Ou
  libérées par son tablier Qui
  résonnent de teintes aiguës De
  tonalités graves ou grêles, Des
  accords écrasés, Des
  arpèges déroulés, Des
  silences embarrassés, Devant
  des partitions compliquées Qui
  s‘échappent par les fenêtres, Trottinent
  vers l’éther. Des
  notes pour la pluie, Des
  notes pour l’ennui, Des
  notes pour un peu de gaieté, Dans
  un intervalle de vacuité Au
  sein des espaces feuilletés Dans
  la torpeur de l’été. Une
  écorchée mélodie, Je
  pianote pour la pluie, Je
  pianote pour l’ennui, Laissez-moi
  rêver la vie ! Paris en
  bouteille Tu
  me demandes comment je fais pour écrire Mais
  écrire c’est un peu partir Partir
  à la recherche de l’autre, de ses combats, de ses peines Partir
  vers de nouveaux horizons Ceux
  que l’on a visités mais aussi ceux qu’on ne verra jamais Et
  partir dans ses rêves, vers son imaginaire, vers ses chers disparus Feuilleter
  une à une toutes les pages de sa vie Des
  intimes paysages jusqu’aux plus fougueuses dérives Prendre
  le large avec Nerval, nager dans la grotte où se prélassent les sirènes Avec
  Verlaine percevoir les longs échos des voix chères qui se sont tues Avec
  Victor venir sur sa tombe poser un bouquet de houx vert et de bruyères en
  fleurs Et
  rejoindre Albert Camus sur les pentes abruptes de Tipaza Partir
  à la recherche de soi, de ses intimes convictions Fixer
  l’imaginaire, comme Musset retenir la pensée  « Sur
  un bel axe d’or la tenir balancée » Se
  retrouver un peu en l’autre aussi Celui
  qui vit en Asie en Papouasie ou en Nouvelle-Guinée Vibrer
  sur tous les carnavals du monde Se
  déguiser adopter des teintes enchantées Et
  revêtir des masques  Se
  trémousser sur des cadences chaloupées Être
  dans son petit coin et naviguer bord sur bord Embarquer
  dans un fier galion  Retrouver
  l’Amérique celle de Christophe Colomb Ses
  dangereux récifs et la Marie-Galante  Se
  repérer au sextant, chercher l’étoile polaire Mettre
  le cap là où l’on n’ira jamais Mais
  peut-être mieux le voir que si l’on y était Croquer
  les images en rêve, mettre Paris en bouteille  Et
  rire aussi sur ce que l’on a écrit,  Ouvrir
  les portes de la fantaisie, c’est cela aussi ! Le
  coquelicot et la tourbe Les sentes de l’exil  A Sédiqa retournée reposer dans le cimetière de Kaboul                    Combien
  de kilomètres Pour
  trouver un havre de paix  Pour
  laisser les chagrins de la guerre Dans
  les ruines du passé ? Pour
  endormir les tirs en rafale Pour
  atténuer le souffle de la bombe Pour
  mettre en repos la peur Ne
  plus raser les murs de cette ville meurtrie ? Tu
  pris tes enfants d’une main sûre Et
  les guidas vers l’ailleurs d’un autre monde Où
  n’est plus la terreur des balles N’appréhender
  plus les contrôles Et
  retrouver la sérénité des jours Mais
  des nuits pleines de fantômes Des
  lambeaux de cœur sont restés De
  tous ces cauchemars traversés Des
  aimés dans le cimetière de l’oubli Les
  dunes des tombes sur la colline Sous
  l‘éclatante lumière de l’Hindou Kouch Les
  mines qui pulvérisent le chemin Les
  contrôles des armes en bandoulière Et
  l’esprit en terreur au turban qui t’interroge Surtout,
  ne pas ciller Oui,
  l’époux est à la maison Alors
  qu’il repose sous la dune Car
  être veuve est un poison Sur
  ce sol de cailloux de pierre et de poussière Des
  pierres pour lapider dans la honte du péché  Tristesse
  sur les murs de la ville Tristesse
  sous l’ombre des toits en terrasse Face
  à la menace de l’arme au flanc Dissimuler
  le tremblement, camoufler la fuite Y’a
  trop de deuils dans les foyers Juste
  la peur à traîner le long des fossés Marre
  de cette peur qui colle comme un suaire Marre
  de ces abeilles qui font éclater les vitres Marre
  de ces transports qui explosent                                                                           Des
  lambeaux de chair pour enterrer nos morts Un
  pays à la terreur advenue L’enfance
  assassinée, vendue La
  culture reniée, interdite Ne
  fait fleurir que les ruines Pauvre
  pays meurtri Par
  trente années de conflits Écartelé
  par les grandes puissances Sur
  une môle de guerre froide Sur
  l’esclavage des trafics Sur
  les profits de l’opium ! Et
  celui qui parade Tout
  ce sang sur ses mains «
  Où va-t-il tout ce sang ? », demandait Prévert Il
  coule dans le ruisseau de la misère Il
  ruisselle de la vente des enfants Il
  gronde sous les bombes C’est
  le sang de la colère Le
  sang de la misère sur la terre Le
  sang de l’innocence ! Tu
  fuis, ne veux plus le sentir tout ce sang Mais
  il colle son odeur suave contre ton épaule Il
  n’en finit plus de murmurer ses plaintes D’exhaler,
  de hurler ses douleurs Le
  sang de la vierge vendue Le
  sang du mutilé, du condamné Ce
  n’est plus le sang du bonheur C’est
  celui du viol en punition Pour
  expier quelle faute ? Peut-être
  juste parce que tu existes Pour
  éteindre ce qui vit ! Se
  peut-il que la douleur s’estompe ? Se
  peut-il que l’on oublie ? Des
  lambeaux de ton cœur sont restés                                       Un
  cœur scindé, fracturé, éclaté Comment
  rassembler les lambeaux de ton cœur ? Nous
  étions un peuple fier Qu’est
  devenu cet orgueil ? Dans
  la gueule des canons ? Sous
  les bâches des camions ? Tu
  suis la pente sous le tremblement de l’étoile Bien
  dissimulée sous le voile Dans
  le suaire de cette nuit sans lune Te
  profiles telle une ombre Écorches
  tes pieds sur ce sol de pierre à fusils Cessez
  de nous inonder de vos armes Nous,
  n’avons plus de larmes Nos
  yeux délavés d’avoir tant pleuré Nos
  jeunes ne connaissent plus ce qu’est la paix Le
  feu de ces armes, vous n’en vouliez plus Vous
  avez exporté vos guerres Votre
  guerre froide sur nos lits de tulipes Et
  nous prompt au feu, nous sommes saisis des fusils Nous
  les avons faits nôtres Et
  ce sont nos enfants qui saignent Nos
  toiles de Kuchis dispersées sur vent d’exil Viennent
  grossir les bidonvilles S’agrippent
  aux pentes de la ville Le
  bois a déserté les collines Des
  enfants portefaix de plus en plus chargés Dans
  l’arrière souvenir d’un passé prestigieux De
  conquérants glorieux D’un
  peuple de fontaines, de roses et de rossignols De
  rossignols et de sages Passé,
  de loin tu nous es revenu,  Sur
  les mélodies du tabla, de l’harmonium et des chants Mais,
  la musique interdite, restent les pierres pour lapider Les
  pierres sur les sentes de l’exil Mon
  douloureux pays, un jour je te reviendrai Je
  viendrai dans ma terre gésir Tout
  près d’Hadji Amir Je
  reviens, me voici …  Rabia e Balkhi « Ces
  mots tracés avec mon sang Où mon amour
  se heurte à la raison, S’y
  trouve scellé en prison Décrivent
  l’essentiel de mon présent ! » C’était
  une poétesse, Afghane
  de noblesse, S’appelait
  Rabia e Balkhi, Vivait
  il y a longtemps d’aujourd’hui ! En cette
  ville de Balkh Mère
  d’entre les villes, Dans ce
  pays de légende  Où la
  violence pourfend. Où même
  lorsque je fus, Ne
  restait plus que le vent À
  chuchoter les tourments,  S’égarer
  dans les rues Et
  heurter les ruines  De cette
  antique cité, Violent
  se précipiter Contre les
  murailles que le temps abîme. Fut
  enfermée dans un caveau Cette
  jeune femme d’amour éprise, Emmurée
  dans un tombeau La
  liberté on lui ravit. Et
  jusqu’à son dernier jour À moins
  qu’elle renonce à son amour, De cette
  façon on la punit. Lorsque
  dans sa geôle on descendit Alors
  que sa vie était partie, Sur les
  murs de sa prison on découvrit Des
  poèmes d’amour tracés, Encre de
  son sang puisée À l’aide
  d’une plume dans son poignet. Au-
  dessus de sa tombe  Se
  dresse un mausolée De
  mosaïque bleutée Au creux
  d’un jardin ombragé. On
  trouve un peu de fraîcheur, Une
  indicible douceur, En ce
  pays où le soleil est cruel, Où les
  hommes réputés tels,  Des
  êtres fiers et rebelles, Où les
  femmes sont enfermées, Derrière
  les murs dissimulés. Il exprime
  ce mausolée, Des
  hommes le regret Et rend
  un hommage  Posthume
  à son courage. Balkh est une ville du nord
  de l’Afghanistan, proche de Mazar-I-Sharif. L’histoire date du Xe
  siècle. J’ai visité ces lieux en 1977, avais un souvenir approximatif de
  l’histoire, l’ai relatée, telle qu’elle était restée dans ma mémoire, ce qui
  fait que je suis loin des interprétations historiques. Les premiers vers sont
  des paroles imaginées par moi! La
  mémoire du pré  La nature est poreuseLa métropole suffoqueRemugle
  de pollution Encombrement
  de cité Tristesse des roseaux Où
  sont les genêts, L’appui
  des crémaillères, La
  volonté des dentellières ? Où
  repose la mémoire du pré, L’ennui
  du chêne Rabattu
  par la froidure ? Écoute
  la respiration de l’herbage, Son
  manteau de nuée… Oui,
  la nature est poreuse… Son
  rêve est solitaire ! La ville frémit sous la lippe de la meute,  De grands arbres couchés, Sous quelle lande soupirent mes désirs ? Une
  vie à contre-sens, Brume
  dans la gorge du mourant,  Souffle
  raccourci, adieu à l’Ami ! Souffrance
  de paupières, Impuissance
  à nommer, Échappée
  de l’eau sur la terre nourricière, Lassitude
  des taillis… Le
  renard de l’éloignement A
  déchiré mon tablier A
  émietté mon sablier ! Deuil
  des églantines, Des
  ritournelles enfantines, Dans
  la carence du feuillage, S’appauvrit
  le nid. Le merle entonne une fleur de soupirs Au pied du mur gelé. Navette de mes penséesLe
  long de la vallée du Buech nomadisent quelques hérons Ces
  hérons sont mes amis, j’aime à les retrouver Étirent
  précieusement leurs longues pattes fines Le
  long des sillons du blé d’hiver Ne
  semblent pas pourchassés Intégrés
  au paysage, témoins du passé Oui
  Jean, « Que la montagne est belle ! » Comme
  j’aime à m’y promener ! Chaque
  mois le même trajet : Paysage
  kaléidoscopique, gigantesque damier Conjugue
  ses facettes avec facétie Besogne
  de l’humain Qui
  entretient, élague, débroussaille Constitue
  pâtures et jachères, Préserve,
  quelle chance ! Ici,
  chacun œuvre à sa manière ! Encorbellement
  rocheux, serres de l’aigle Marché
  bariolé, aquarelle de village Rayonnante
  de pépiements joyeux, Amitié
  au croisé des chemins Ici
  l’humain existe encore N’a
  pas été assimilé dans la multitude. Une
  foule hérisson lavande Dégringole
  au pied d’un talus Une
  fontaine gazouille sur le fronton Déclare
  son amour à celui  Écho
  du torrent en contrebas ! Oui,
  Fontaine, tu nous contes Rocs
  contournés, les pleurs du pré L’ébauche
  du pécheur au détour d’un méandre La
  truite sous son rocher engourdie Le
  brillant merle au bec effilé Poignard
  citrin deviné sur le saule La
  fornication du buis et ses trahisons Chênes
  verts à l’appui de la rive Nous
  entrons au pays de l’olive Une
  armée de crayons de pierre Défie
  le paysage « Oui
  Fontaine, nous boirons de ton eau ! » Une
  buse barbue juchée sur un panneau Premier
  arbre en fleur, trois Janvier La
  nature souffre de ses saisons Un
  cyprès fougueux étalon du ciel Une
  pie s’ennuie, rien à marauder ! Une
  vasque bénitier appuyée dos au mur Anachronisme
  d’une traction avant La
  route entremêle les fils de mon inspiration Le
  fil se casse, le fil reprend Le
  lézard du temps fait la cabriole Le
  renard des jours sur un fauteuil à bascule Les
  replis du paysage s’aplanissent La
  trame en est plus douce « Bonne
  année », fredonne la navette Nomade
  de mes pensées. Papillon
  des jours d’automne Nitescence
  d’un parterre Nitescence
  d’un parterre jaune d’or piqueté de jambes fuselées sur la sensualité du pré
  d’émeraude Constellation
  d’éclats argentés chatoyant la robe de l’olivier chevelure éployée sur la
  langueur Parcelles
  de bonheur sous la caresse d’azur je ne crains plus les mensonges de l’âtre La
  colline se délite les arbres sont étranglés la terre a ruisselé entraînée par
  coulées Les
  téguments de chêne vert en ombre chinoise s’agrippent à la pierraille N’est
  pas certain que la ramure revive de pépiements La
  parole des anciens qui portait les traditions de siècles révolus se soupire Tesselles
  d’un puzzle aquatique Kaléidoscope
  velouté Récolte
  de marée Polissement
  du ressac En
  caresses successives Effleurement
  régulier Matité
  d’éclats arrondis Rendus
  à leur état premier Tessons
  devenus sable Là
  où le plastique fait continent Mêlés
  aux turritelles et cérites Aux
  fragments de coquillage Quel
  géant débonnaire A
  semé le long des plages Ces
  palets lumineux Le
  pas se plaît à chahuter Le
  verre aux reflets chamarrés Loin
  des suaves breuvages Dont
  il renflait les contours Il
  retourne à l’aurore du monde Loin
  des drames de notre siècle Trésors
  de seaux et châteaux de sables Perles
  jaspées de notre enfance Reliquat
  de magma S’est
  mis au diapason de l’algue Tesselles
  d’un puzzle aquatique Un astre
  blanchâtre La
  pleine lune défie le ciel Pas
  d’étoiles ce soir… Le pré
  d’émeraude Ici,
  tout près de Cluny Le
  pré d’émeraude absorbe les méandres D’un
  cours d’eau égratigné par quelques saules La
  vigne vient griffer la colline En
  stries longilignes La
  vie en quête originelle Tranquillité
  maternante de la Saône Écoute
  de la mélodie du paysage J’ai
  la nature en perfusion continue Refus
  de fermer les yeux Recherche
  de résilience. Papillon
  des jours d’automne Empire
  de la nuit, Papillon
  des jours d’automne C’est
  un dialogue, Un
  miroir avec moi-même Qui
  renvoie des poèmes L’oiseau
  hagard des pensées Envol
  de cigogne, Se
  heurte aux parois de la boîte crânienne Bienvenue
  au pourpre Aux
  lueurs de l’aube Perception
  infrarouge Étonnement
  de la macula ! Bruissement
  du foyer endormi Rumeur
  du souffle polaire, Y
  avait-il une trame ? Attente
  de vergers Patience
  de la vigne Tout ce
  qui vit Bruisse et
  raconte… L’Or
  du Gingko Biloba Le
  pèlerinage immobile C’était
  un jour qui ressemblait à un crépuscule Sans
  langues rougeoyantes sur l’horizon cendré D’une
  grisaille sourde à éteindre toute lueur Le
  vieil homme assis sous l’arbre à palabres Questionnait
  le manguier et ses fruits attardés Saurait-il
  rallumer les étoiles  Dans
  les regards de l’impatiente sève ? Saurait-il
  renouer avec les antiques légendes, Le
  murmure de l’harmattan frisant la mangrove,  D’une
  palanquée de proverbes, d’expressions rutilantes ? C’était
  encore à cela qu’il songeait À
  ces pirogues fatiguées vers un voyage sans retour Lors
  que le disque lunaire étreignait le delta Greffait
  de sardines argentées l’écorce des palétuviers, Des
  germes d’espoir, saurait-il les dénicher, Rapprocher
  la tourterelle et le merle rieur, Tisser
  de fils d’or, la mélodie des retrouvailles ? La
  complicité des étoiles éveillées  Insufflait
  une vigueur à ses mots ensommeillés,  Il
  entrevoyait cette silhouette dansant sur l’horizon des dunes Demain,
  l’aubade de la kora envelopperait le wharf Les
  cordes gazouillant la joie libérée dans les bras du fils!   Flocons
  de poèmes Et
  voici soudain, qu’au détour d’un méandre jaillissent falaises délavées aux
  vertèbres inclinées Les
  chamailleries sur le cours de l’Eygues aux éclats d’un miroir argenté
  d’écailles Les
  flocons de poèmes portés par le pollen Le
  gazouillis en accord avec le cours de l’onde Et
  toutes ces perspectives chahutées Les
  platanes tendent leurs moignons élagués aux nids de verdure, juchés sur
  chaque jointure La
  friable cheminée de fées, la tendre aubépine Ancrages
  éphémères, impermanence d’une présence Le
  fragile et fugace asile d’un ami, entre amour et amitié, incertitude d’une
  frontière… La
  frêle dentelle ruisselle sur l’épaule d’une sente Le
  souffle du poème, brève sagaie lancée dans le noir de la mémoire Mon
  carnet étoilé, tu es encore noué aux lacets de mes souliers Je
  sens le bruissement de tes pensées, partout où je vais…        TU ES ! L’Eygues (Aigues, Aygues) est une rivière que je
  longe lorsque je vais dans à Gap, elle court entre les Hautes-Alpes, la Drôme
  et le Vaucluse, elle prend sa source dans le massif des Baronnies et se jette
  dans le Rhône. Le ruisselet
  et le fleuve C'est un ruisselet qui
  aspire à devenir rivière et le fleuve répond En un tendre murmure
  assourdi qui sourd de derrière le paravent Le ruisselet gazouille
  des trilles qui volètent sous le velours du rideau Des respirations de
  questions Alors la voix puissante
  du fleuve chuchote ses réponses en sourdine Elle répand en écho une
  forêt d'explications Soulève le voile de la
  fougère palmée, en révèle les graines dissimulées Le ruisselet demande et
  le fleuve répond Le velouté de la voix
  sème sur le dos du courant Dans le flux des
  interrogations des pousses d'explication  Et le ruisselet reprend
  son tintement de cristal Et le fleuve déroule
  patiemment ses galets Dénoue le kaléidoscope
  du feu des pourquoi Prodigue repères et
  conseils Au ruisselet tenté de
  débordements Balise le cours le long
  de la berge Canalise la colère
  naissante Limite les embâcles et
  les dangers en embuscade Ce fleuve en réponse aux
  inquiétudes du ruisselet Rassemble ses bras de
  tendresse autour du ruisselet Il limite son
  impétuosité et le ramène dans le lit des rives d’argile Il favorise un dialogue
  rassurant Un échange étoilé qui
  bruisse sur les ailes de la confiance  Marie-Agnès Salehzada, sur une inspiration au
  réveil de la sieste d’un Noël 2023 en écoutant au travers de la cloison mon
  petit fils qui questionnait et son père qui lui répondait. Être la musique de l’être Point de cécité pour celui qui voit, les yeux
  ouverts, il sait ! Mais peut-il ignorer, d’une myopie souhaitée,
  questionnement, butte contre l’obstacle et joie de dire adieu à l’erreur. Félicité d’une rencontre, jubilation d’un visage,
  résurgence d’écriture, remontée des eaux de la confiance, retour
  d’enthousiasme, oui… Croire ! Désir de naviguer vers demain tel liège sur la
  vague, se laisser porter mais modérer les pulsations, jubilation prématurée. Les mailles du regard laissent entrevoir le mont
  Ventoux et sa paume hivernale aux gants de neige affleurant le sommet, la
  vigne et ses allées érigées, le bosquet au dépouillement de l’hiver, le
  tertre rougi et le flux de la plaine. Ombrage et platane picoré de ramiers,
  invitation à se réjouir des contrastes, nature meurtrie, lacérée, généreuse
  se laisse surprendre, miroir de bonté. Vois, la prairie rieuse
  respire !             Deux souffrances en miroir, éclatement du cœur, pas
  de transfusion de l’une à l’autre, aucun baume, simple juxtaposition.
  L’abeille ne tend plus vers la ruche, le cœur ne bourdonne plus. Entrevoir le
  bonheur, le laisser repartir de façon itérative, être ru détourné qui oublie
  l’inclinaison du vallon. Dans la trajectoire de la verte douleur, continent
  dérouté dans sa migration, infortune des pôles. La guerre agrippant le
  péricarde, elle est coûteuse l’addition, seule solution, la sédition
  complète. Charrette de foin Débordant des ridelles Adieu du matin Bourgeons de pommier Surgeons vigoureux Promesse enfouir la peine Tricoter dans la pousse du regain, redonner trame
  au destin, être la musique de l’être, en toute chose être, ne point se
  dérober ! ©Marie-Agnès
  Salehzada | |
| (*) Photographie
  de Stéphane Gigant Marie-Agnès SALEHZADA, née en 1954,
  a vécu une partie de sa vie en région lyonnaise, réside depuis 1993 à
  Juvignac dans le département de l’Hérault. Auteure en poésie elle a publié
  plusieurs recueils. Marie-Agnès Salehzada est une amoureuse de la nature,
  elle se fond en elle… « L'idée première est un hommage à la nature, une
  forme de gratitude. Autour de La mémoire du pré, elle
  dit : « Le pré est synonyme de fertilité, de la persévérance
  de la vie, de ses capacités de résilience, un humus porteur d'espoir, terreau
  de toute vie. L'écriture se situe tel un questionnement face au monde, à son
  évolution et aux problématiques actuelles ». « Je suis interpellée
  par de nombreuses espèces animales et par toute la beauté du pays traversé.
  Telle une âme contemplative, j'arrive à me fondre dans tableau et à intégrer
  toute cette beauté. Il est important de souligner la notion de voyage qui
  accompagne mes poèmes, il s'agit là d'un déplacement dans l'espace, dans le
  temps et d'un voyage intérieur, support de l'émotion et de la création du
  poème, c'est un paysage de rencontre avec l'autre mais aussi avec les
  souvenirs. » Réalise depuis 2006, une émission de poésie Jardin d’Isis
  «Déambulation poétique à la rencontre des
  paysages de l’âme et de la vie dans le ressenti des Poètes du Monde »
  et des interviews sur Radio FM+ 91fm à
  Montpellier, l’émission est diffusée le jeudi à 13h15 et 19h15 diffusée sur
  internet www.fmplus.org. on peut la retrouver sur les podcasts de
  radiofmplus.  Publications :         Caresse
  du temps sur les jours perdus - Editions ECTE 2007  Sur la
  solitude de la lagune - L’écharpe d’Iris Editions 2013 Le
  coquelicot et la tourbe - L’écharpe d’Iris Editions 2014 La
  Mémoire du pré - L’écharpe d’Iris Editions 2019 Papillon
  des jours d’automne - Ubik-Art éditions Juin 2022 L’Or du
  Gingko Biloba - Editions Au mbongui Mars 2024 | |
| Marie-Agnès
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Créé
le 1er mars 2002