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Vue du Maroc
La mort du prêtre

par

Lafer Boualem




 

Dans le douar, sur les collines dominant la ville, le prêtre faisait son semblant de devoir. Dans ses prêches, il intégrait des finales toutes en oun qui s'aggloméraient à une grammaire étrangère. Il lui arrivait de confondre un lapin avec un jardin à cause d'une consonne géographiquement différente.

Tout Hamlili prêtait une oreille incrédule aux intrépidités d'un lapin en son jardin. Il est vrai que l'Imam détenait un papyrus sur lequel inscrit en caractères koufiques le Nom, éblouissait l'impétration d'un analphabète trilingue, impie de naissance, que la graphie dans sa cursive ornait d'un semblant de mémoire. Une ruelle toute en ordures agrémentant les chemins qui menaient vers le savoir.

Les voyelles n'avaient plus cours. Le jardin s'initie avec un djeu et le lapin avec un gueu. La confusion linguistique entre une djouneïna et une guouneïna n'agrée qu'au marchand de fèves qui, encore, aujourd'hui confond la fleur odoriférante qu'est le fell, une variété de jasmin, avec le foul qui n'est qu'une vulgaire fève.

El Magdoud interrogea la doyenne de l'université libre de Hamlili, une sagesse qui a toujours dit que c'était entre toi et ton dieu. Quand le ramadhan exacerbait les rencontres humaines devant un étale de tomates pourrissantes, justifiant une addiction à un orient alité en son harem, l'Imam jouissait de ses ingrédients, en pets communautaires, une odeur de la chorba imprégnait les tapis. Un musc disait le prêtre engoncé dans sa gandoura, conçue par d'anciens étudiants des écoles de stylisme moderniste-médiéval dans les ruelles du Caire.

Une fois par semaine, une cacophonie issue d'une multitude de haut-parleurs consolidait une beauté sociale moyenâgeuse faite de chéchias importées du Pakistan.

Ibnou Laadine donnait de la voix sous forme de cassettes. Les hétaïres se soumirent, elles se musulmanèrent un peu plus, elles grillagèrent leur regard et le sourire disparut... Une époque burquasque. C'est alors que, dans une extase mystique, où la langue arabe était aussi lointaine que le chinois populaire, le jour de l'Aïd el Adha, la fête du sacrifice, les fidèles confondirent leur imam avec l'agneau qu'offrit l'archange Gabriel à Abraham, ils l'allongèrent face au mihrab et l'égorgèrent. L'interdit sur le sang ne leur permit pas de faire du boudin.

L'imam alla rejoindre les soixante vierges promises pour service rendu... Un petit kaddish arabisé sous la forme de courtes sourates pour la prière de l'absent, lui offrit Pégase, le cheval ailé et en un clin d'oeil l'imam se retrouva en enfer où il faisait un peu plus chaud qu'en bordure de méditerranée fleurie de dikiyates, ces tavernes du bord de mer où le regard du croyant s'épanouissait devant des déesses réelles, une bière chaude à la main érigeant une guitoune.




   

Lafer Boualem
merdicitement heureux


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Lafer Boualem
pour Francopolis octobre 2010
recherche Eliette Vialle

Créé le 1 mars 2002