Vue sur Haïti
Choix de poèmes de Camille
Loty Malebranche
illustrations de Gérald Bloncourt
(peintre, photographe, poète, écrivain haïtien)
par
André Chenet
Camille Loty Malebranche. Né en Haïti, Il a enseigné la philosophie en
terminales dans plusieurs écoles dont le Collège Gérard Gourgue. Philosophe non
aligné, poète, polémiste, il a publié dans les quotidiens haitiens: Le
Nouvelliste, Le Matin, L'hebdomadaire Haiti en Marche. Il sévit avec brio dans
la presse alternative francophone pour dénoncer ce que Rimbaud appellait "La
farce à mener par tous" et disséquer de sa plume tranchante l'inanité des
ploutocraties qui font régner la terreur sur toute la planète Il a publié un
livre de dialogues philosophiques "L'exécution de Prométhée"(1999) et son
premier livre de poésies et de proses "Yeux du sang Vigie d'âme" vient
tout juste de paraître chez Les éditions du CIDIHCA (Montréal, 2010)

Le
coeur
Forme
ivre de démesure
Espace
d’extase
D’encens
vital !
Et
poussant les fleurs
Aux
serres intimes !
Ah !
Ivresse d’hymnes, de chants !
Danse
vive, grâcieuse, qui surabonde !
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002 - CLAIR DE LUNE - 1994
Murmure
Murmure
d’aube Ô tragique ! Ô descente des soleils en vacance ! Montée des
perles-parjures ! Et la nuit geint et gîte aux évasures des voûtes par
l’assaut de tes yeux Murmure d’ange-aubade, mirage et vacuité des
triomphalismes Forêt du jour pour chevalier solaire, tombereau hypersonore
des transes Cavalier sans monture, bourrelets de chants impénétrables
Chevauchée voluptueuse, caravansérail des petons de nymphes !
Course-chevelure des chevaux furieux de vie, d’air, menottes agiles
d’oréades en rut Murmure d’aurore, cathartique entaille aux îlots du ciel,
Sérail de tes entrailles ouvertes Crépuscule pathétique comme à cor et à
cri quand ton corps est en crise Et que crient tes cerises. Ah ! nos
nuits d’ardeur, de frénésie ! Murmure - Ostentations de stupres de myrte,
montagne postiche de glorioles Que de fourbes, de sombres consommateurs
Avilis au beau jour, triste merde des mérites mégalomanes Ostensoir
livide des vides d’âme Lorsque meurt et blêmit le feu, et que titubent des
collyres de lampe.
Murmure des sybarites sanguinaires, purgation des olives,
Gueules vertes des paix sanglantes ! J’eusse souhaité un retour cyclique
des morts et de la conscience Où les générations montantes jugent et
punissent les coupables du passé Murmure du jour, dont la terre horrifiée
hérite le mal perdurant Charme d’oiseaux à la roue et au choeur
Et le paon, et le pigeon en proue Se moquent des corbeaux à la poupe, quand
la roue fait l’ivrogne, Quand le coeur est au faîte et s’éventent nos
pompes-parias aux caviars Murmure sanguin, avatar des vignes-cyanures,
arsenic des champagnes Ah ! Aux replis internes de mes veines Pétillent
des étoiles ! Brillent des comètes d’Amour ! Ta voix d’éther
m’accompagne, chuchote Aux viscères de mes rêves ! Murmure de ton
corps-denture-spatiale, dentition vorace, densité de nos danses Quand
s’écartent tes deux arbres coniques, tes forêts pubescentes, Ô ! Fruits
frisés Jetés-fracassants !
Harponnent
mes dessous ivres Appellent, harcèlent mes fléchettes d’envie ! Murmure
du midi Phrase coupable d’inconscients-orifices ! Massacre de table !
Et la chair dévorée des bêtes, boucherie journalière dont le monde est
coupable ! Altération extrême : l’Aliénation ! Murmure du soir, tu
annonces la nuit et le bal travesti à nos valses masquées ! Spéculaires
mutants de nos faussetés Ah ! tombe l’amour aux alcôves sans amour !
Murmure massacre, massue qui broie nos livres Lorsque stridulent les
cigales, lorsque glatissent les aigles ! Air mangeur, terre gourmande,
thuriféraire abjecte des contre-natures Pour la chasse mortelle des
frères-cibles Murmure-hécatombe, Murmure des chiens qui aboient ou
hurlent, Bricolent des folies soldatesques, cohues policières, Forces
sécuritaires - faucheuse sanguinaire Dans un monde sans oreille, surdité
carnassière !
Murmure,
esgourdes éperdues Ô ! flamme, femmes fumantes, subornantes Effroyables
dérives ! narcissique traumatisme des idoles ! Déviantes, déroutantes voies
À leurs courses perdues, apories blessantes d’aliénés Ah ! nos rêves
dédaignés ! songes de gloire délaissés aux espoirs désenchantés Murmure du
cœur, Murmure-lumière, cor et cri, et nos corps sont cris de révolte des
roses en crise Murmure-icône ! sadique fétichisme des croix masochistes
Et le monde tragique aux soleils livides Est fusée qui s’envole !
Heureusement que nos pieds enrobés Comme aux oiseaux-pastels
Allument nos essors, nos divines étreintes Transcendantes ascensions,
Au tambour-odeur des images !
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0101- TU ES LA RECAPEE DES FIBRES DE L'HORREUR - HAITI -2008
Art et Création
Déluge
de flamme
Aux
cratères des consciences
Ah !
rebelle répétition nuancée des codes !
Volcans
multiples
Aux
abysses-muses
Pilonnage
des fauves du dire
L’homme
et la plume
Enfantent
le poème
Épousent
la poésie ;
Et
le parchemin divin,
Papier
enchanté, palimpseste d’hymnes
Chante
les étoiles
Aux
turpitudes des notes et toiles ! tautologie créante
Cataracte
de sang, inconscientes sources
Des
cascades du beau !
Entablement
d’augure et de cantique
Larve-vomissure
à l’évasure des chants.
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0069- HOMMAGE A JACQUES STEPHEN ALEXIS -1994
Le livre
Navire
verbal, rivage ouvert à contre-roulis,
Tangages à
la crosse des mots-injonctions !
Rive
de berge au chenal des dires
Évidence
discrète du non-dit, étoile d’esprit,
Caresse
mûre aux yeux d’onction
Huile
des oints du verbe
Lectures
façonnantes, chevelure d’Argos du lecteur
Crâne
illuminé des tournures allumeuses
Allure
lumineuse qui transhume, assomption émouvante qui allume
Laminant
des signes, striant des symboles
Fantaisie
savante au fronton des cris, à l’envers des crises ;
Clarté-Frénésie,
idéelle montée, figure d’idéal !
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0055- ENVOL - 1989
Le poète
Anarchiste
intellectuel
Briseur des
lettres,
Qui
refonde l’alphabet aux marteaux du rêve
Où le
ciel entre, tombe en trombe aux mains,
Poète,
tu t’impatronises aux phalanges des mots aux révoltes chantonnantes!
Profil
d’âme et de sang, nyctalope cheminant vers la splendeur dans les
noirceurs des mufles
Anarchiste
contempteur d’idoles, iconoclaste recréateur, incendiaire des
totems-cerbères officiels
Tu
jettes en pâture la cueillette-scansion des paroles,
Révolté aux
yeux d’aigle!
Tu
dis…
Que
ces vautours simulacres au pouvoir désubstantialisant du sens,
Confondus
aux aigles corrupteurs altérés
Signent des
choses l’altération extrême ! Aliénation !
Tu
abhorres l’aliénation, cillement-fauve d’absurde !
Anarchiste
conquérant, bâtisseur d’images à la voûte des mots contre l’incommunication
médiatique
Tu
traces au papier vide des sans-âme
Les
châteaux du dire et du coeur
Au dédain des silences!
Et tu
hèles, chantes, occlusives apertures des rêves-hymnes, incipit
foudroyant,
sanglant luminaire au liminaire des chants.
Poète,
tu démantèles la coda funèbre des chimères
Toi,
jamais plaisantin, à la forge-ferraille de l’immatériel alphabet de
l’art !
Vocaliques
vocalises des cris consonantiques !
O !
Poésie génitrice ! Boucle du génie, rêveuse proclamation du possible,
rêveuse mais jamais onirique, redondance mystique, pétale
solaire rutilance astrale !
Et,
collusion d’armure! Catapulte aux collisions du cœur en arme,
contre les caves fascistes des financiers !
Poète,
tu lances les feux du verbe, à l’encontre des vacarmes
Traits
imparables, tonitruance pure aux toisons-masques des faux dieux
Et
jettes ton glaviot sur la fêlure des béances, et fuses par mille visages
vrais,
Toi,
Quasar impassible qui conspue les trous noirs nazis, niveleurs des
démocraties,
Tu
cibles, sabres, le crasseux socle social, stimulateur sordide et corrupteur
des consciences !
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0052- TU ES LA RESCAPEE DES FIBRES DE L'HORREUR -
2008
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