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LE SALON DE LA REVUE Le Salon de la Revue, 15ème
édition du nom, s’est déroulé à Paris en ce superbe
week end automnal des 15 et 16 octobre, sous un soleil radieux. Toujours
à la même adresse, Espace des Blancs Manteaux, 48 rue Vieille du Temple, le Salon est immuable. Cette manifestation s’inscrivait également dans le cadre de « Lire en fête
» et accueillait les 4èmes rencontres de la revue électronique.
Son succès est reconnu, il n’est qu’à constater la diversité
des exposants qui viennent de tous horizons. Car elles voyagent les revues
! Certaines s’affranchissent même de leurs continents et traversent
mers et océans pour porter leur parole, leur message en art, en culture
et en poésie. C’est l’occasion pour les revues de rencontrer leurs
lecteurs, de présenter le bilan de leur activité, et souvent,
le tout dernier numéro qui vient de paraître, et pour les lecteurs,
c’est la chance d’instaurer un dialogue avec les responsables ou les critiques,
et de dénicher des numéros plus anciens. Environ 700 revues
traitant de sciences humaines, d’art ou de littérature, étaient
représentées dans des stands bien alignés, majoritairement
françaises, mais aussi beaucoup d’espagnoles, de belges, d’italiennes,
de canadiennes (du Québec.) Sont également présentes
quatre revues qui témoignent de la francophonie en Israël : Continuum, Poésie & Art, les cahiers Benjamin Fondane et les cahiers d’études lévinassiennes.
Hommage à André Chouraqui, poète, traducteur de la Bible et du Coran (Continuum n°1)
« La passion de traduire me prit quand j’étais enfant dans notre synagogue d’Aïn-Témouchent où j’essayais de pénétrer le sens de la Bible hébraïque et de nos prières en les suivant dans des éditions bilingues. Adolescent, traduire signifiait pour moi pénétrer les significations de l’héritage ancestral que mes parents s’efforçaient de me léguer. Puis vint le temps des comparaisons entre ce que comprenais du texte et ce qu’en disaient le traductions. Pour ma gouverne je rétablissais le sens des mots, les harmonies des rythmes tels qu’ils retentissaient dans ma tête d’Hébreu radicalement francisé. C’est ainsi que naquirent mes traductions des Devoirs du coeur de Bahya, du Cantique des Cantiques et des Psaumes. Ma vocation de traducteur se serait probablement arrêtée là si je n’étais venu m’établir à Jérusalem. Mon projet de traduire la Bible pouvait se réaliser maintenant que j’avais une terre sous mes pieds, celle des prophètes et des apôtres, et que je pouvais dialoguer avec la Bible dans la langue où elle est écrite. » (Ce que je crois, pp. 248-249.) Francine Kaufmann : André Chouraqui ou la traduction biblique éclairée par la biographie (p.45) «
Le mystère d’Israël, c’est d’abord sa culture unique au monde,
sa langue, ses traditions. Nous ne sommes pas assez avertis de la richesse
de cette culture, qui a suscité trois religions qui ont traversé
les siècles. Si Israël a survécu, c’est sa culture qui
l’a fait survivre, alors qu’il y a des milliers de cultures qui ont disparu
ou disparaissent même maintenant. La qualité et la nature de
cette culture ont permis au peuple juif de s’adapter dans les pires situations
de l’exil, et les pires adaptations au monde moderne. La résurrection
de l’hébreu en tant que langue du 21ème siècle ne va
pas de soi. C’est le triomphe de la volonté. »
Yaïr Biran : Entretien avec André Chouraqui (Août 2002) (p.35) Hommage à Claude Vigée, poète. (Continuum n°2)
« L'oeuvre du poète doit être une oeuvre de vérité. Il est nécessaire pour un poète d'accorder ses mots à l'expérience du monde et à sa propre expérience. Les mots du poème, certes, sont un chant, mais un chant devant ce qui est, et devant ce qui sera, c'est-à-dire, - c'est mon expérience, c'est également mon rêve, - qu'il faut, dans les mots de tous les jours, ramasser chaque fois l'expérience de toute une vie, de toutes les vies, et lancer cela dans l'avenir. C'est là la fonction du poète. Il
n'a pas à être témoin. Cela, c'est un autre problème.
Il doit être fidèle à sa condition de créature,
et les mots pour le dire doivent être vécus, entendus, et pas
seulement dessinés. Il doit éviter le pittoresque. Il doit
éviter le jeu gratuit, et pourtant, il doit jouer. De même,
j'ai écrit cela quelque part, « Dieu s'amuse en nous, joue en
nous, et malheur à nous s'il s'embête, s'il s'ennuie, il va
sans doute déménager, et alors c'est la fin ».
Le poète aujourd’hui, entretien d’Alain Veinstein avec Claude Vigée (p.11). ***** LA DESCENTE DES CORPS « La
possibilité de dégager une éthique, dont vous et moi
sommes si friands, répond, alors à la nécessité
de trouver une voie d’identification de l’art et de la vie. D’accord avec
vous pour déplorer un héritage humaniste dévoyé,
je ne le suis pas lorsque vous voulez donner pour fonction à l’art
« la peur de la finitude, de l’impossibilité de mettre la main
sur l’infini ». Issu de la peur, sans doute, l’art n’est pas générateur
de peur. Il permet, au contraire, de vivre nos peurs (la finitude, l’infini)
tout en nous montrant leur inanité. L’art permet de faire vivre (et,
donc, croire) ce qui, en l’homme, est le négatif (le contraire) du
réel et qui engendre, par là, la peur en nous. Mais l’art nous
montre, en même temps, qu’il s’agit là d’une « existence
sans l’être », selon la formule de Blanchot.
Cela nous ramène à un autre point : le rôle de l’image, non plus métaphore, mais se prêtant à « un mode de déploiement de sens en excédent, dont le langage cherche ensuite à capter la substantialité indéfinie », ce qui ferait du poétique une « image première ». Permettez-moi de vous dire que l’obstacle à dépasser, en poésie, est le langage, et que le danger qui guette le poétique est le sens. L’un et l’autre concourent, paradoxalement, à faire surgir l’innommable, l’inconnu, la part de nous-mêmes, précisément irréductible au discours, qui ne se limite plus, aujourd’hui, à la subjectivité. Essayez donc de réduire l’amour ou la loi religieuse à des mots ou à des concepts porteurs de sens, si « excédentaire » pût-il être… Certes, l’image, le sens sont là, dans le langage, mais ils n’y sont que pour permettre d’aller au-delà d’eux : dans l’émotion, dans l’intuition, dans la joie extrême, dans la douleur muette (le désespoir l’est, en partie, parce que le langage est absent.)Tout un domaine immense, peuplé de la peur du silence, refusé à moins d’être réduit à la finitude du discours et aux limites de la représentation spatio-temporelle, ramène à des « normes » sécurisantes parce que rationnelles et convertibles au verbe sécurisant. Vide, infini, non-espace, non-temps, deviennent images ou vocables chargés de sens, alors qu’ils n’en ont aucun parce qu’ils peuvent être ramenés même à une « image première », parce qu’ils ont une « existence sans l’être », parce qu’ils constituent un non-savoir. Cessons de tout humaniser (forme savante d’animisme) et de tout réduire à la mesure des objets (au sens le plus large), c’est-à-dire du réel, et consentons enfin à ce qui, présent en nous, échappe à l’entendement. Notre liberté sera alors grande, et plus habitée par la peur. Mais ce temps viendra-t-il ? Monique Jutrin, le dialogue avec Jean Starobinski : « Entre critique et création » (p.26) Seuils II
Voix majeure : Bluma Finkelstein (Continuum n°1) : Qu’est-ce
qui fait qu’une poésie est plus qu’une simple description de l’état
du poète ? Qu’est-ce qui fait qu’une écriture déborde
le cadre étroit dans lequel vit le poète pour s’adresser à
nous tous, amateurs du verbe et de se multiples facettes ?
Il existe beaucoup de réponses à ces questions, mais celle qui décrirait le mieux la poésie de Bluma Finkelstein est le questionnement lui-même, l’interrogation multipliée à l’infini, la parole qui creuse des tunnels dans les profondeurs souvent indicibles de la langue, non pas pour trouver des mots rares et pas encore dits, mais pour laisser le mot simple, le simple mot de tous les jours dire sans trop dire, suggérer plutôt qu’indiquer la chose dont il n’est qu’une couverture parfois trompeuse, souvent inefficace, la plupart du temps inexacte. S’interroger sur l’interrogation est déjà pour Bluma un début de philosophie. Ne pas répondre tout en apportant diverses solutions, ne pas tuer le questionnement. Bluma Finkelstein aime raconter qu’elle commençait un de ses cours à l’université par une citation de Maurice Blanchot qui décrit à merveille sa propre poésie à elle: « La réponse est la mort de la question. Une réponse est un tiroir qu’on ferme, une question un tiroir qu’on ouvre. » Une seconde citation qu’elle donne souvent est d’un scientifique, Jean Rostand : « Les théories passent, les grenouilles restent. » Yaël Armanet-Chernobroda, Le revers des mots : la poésie de Bluma Finkelstein (p.69) Poèmes inédits
Le
livre de la colère est une tapisserie, brûlée et pendue
à quelque mur ; sans histoire, sans nom, il maudit son espèce.Tu aimerais parfois accrocher ta tête aux vieux murs d’un château, mais la haine te retient.
Une blessure fleurit sur ton visage. Voilà quelques jours déjà que tu n’as pas rencontré l’éclat d’un couteau meurtrier. Comme tu aimais saigner le long des murs ! là où soudain s’élevait la voix de cette femme perdue, sans qui tu n’eusses peut-être pas passé un jour. La fille des longs murs, ta coupable sœur, marchait dans la prison que tu avais quittée, et sans rien dire, tu la suivais des lèvres et de tes reins. Ne laisse pas s’enfuir l’or caché des anciennes journées, ces mots gravés au plus profond de tes reins.
De passionnants portraits d’auteurs,
de nombreux textes inédits, que viennent compléter d’autres
rubriques au fil de l’actualité :
Poésie et peinture, dans Continuum n° 1, avec des œuvres visuelles et poétiques –illustrations et poèmes- de Haya Ester, Maurice Roth, Colette Leinman, Sophie Rachlenko, Bettine Amir, Elliahou Eilon, Yaïr Biran. Parcours : Maurice Roth (Continuum n° 3) Le titre de votre second livre Un nuage sans ciel est surprenant. Pourquoi ce titre ? Un sentiment très fort de ne pas avoir les pieds sur terre, d’être tiraillé entre deux pays. Un sentiment qui date depuis mon arrivée ici dans le pays et qui me tient jusqu’à ce jour ; même chose pour mes deux langues, l’hébreu et le français. Je puis dire que je n’appartiens à aucun de ces deux pays. Lorsque je suis ici, en Israël, je pense à la France, où je suis né, où j’ai vécu mes premières belles années; et quand je suis en France, je pense à Israël, ma patrie, à ce peuple qui est le mien, auquel j’appartiens. D’où cette image : un nuage qui existe, vit, mais cherche encore un endroit pour s’y accrocher. Il poursuit sa course, mû par une vitalité fébrile, sans pouvoir se poser. (Entretien d’Esther Orner avec Maurice Roth, p. 60). D’une langue à l’autre, (Continuum n°3) traduction de poèmes de la langue française vers la langue anglaise : « c’est le projet commun de deux associations d’écrivains israéliens – de langue française et de langue anglaise- de traduire réciproquement leurs œuvres respectives » (Marlena Braester, éditorial Continuum n° 3, p. 1) Notes de lecture et informations récentes : prix littéraires, concours, évènements divers, et l’on referme la revue … en attendant la parution du prochain numéro ! *** Marlena Braester : poète, traductrice, linguiste ; auteur de plusieurs recueils de poèmes : La voix, elle (Caractères), Absens (Caractères), Oublier en avant (Ed. J. Brémond) ; dirige l’Atelier de traduction de la poésie du Centre de Recherches sur la poésie contemporaine à l’Université de Haïfa ; présidente de l’Association des Ecrivains israéliens de langue française. Bluma Finkelstein : Poète et essayiste ; enseigne la littérature comparée à l’université de Haïfa ; auteur de 22 recueils de poèmes ; participe à l’Atelier de traduction du Centre de Recherches sur la poésie contemporaine ; lauréate du Prix du Président de l’Etat d’Israël pour la Littérature en langue française (2002). Monique Jutrin : auteur de Poèmes à ton insu (éd. De la Grisière), Livre d’heurs (La Bartavelle), et d’essais consacrés à Panaït Istrati, Marcel Swob, Benjamin Fondane, Ephraïm Mikhaël, Rachel Bespaloff ; dirige les Cahiers Benjamin Fondane. Esther Orner : écrivaine, traductrice, enseigne la traduction littéraire au département de français de l’université Bar-Ilan ; a publié cinq livres : Autobiographie de personne (Métropolis, Genève, 1999) ; Fin et suite (Métropolis, Genève, 2001) ; Petite biographie pour un rêve (Métropolis, Genève, 2003) ; Une année si ordinaire (Métropolis, Genève, 2004) et le recueil Petites pièces en prose très prosaïque (Editions Autres temps, Marseille) ; la publication de son prochain livre, De si petits secrets (Métropolis, Genève) est prévue en janvier 2006. Carmen Oszi : a collaboré à la Revue d’histoire littéraire de la France (Paris), Approches (Haïfa), Cahiers Benjamin Fondane (Tel Aviv, Paris) ; ex-rédactrice adjointe de Kesher, revue de recherche sur les média ; depuis 2004, directrice de rédaction de Theorical Inquiries in law, journal de recherche interdiciplinaire à l'Université de Tel Aviv . *** « les revues sont nécessaires au pluralisme des idées ». André Chabin, directeur de l’Association organisatrice Ent’revues.
Nicole Pottier pour Agonia France,
Vous voulez nous envoyer vos images de francophonie? Vous pouvez les soumettre à Francopolis?
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Créé le 1 mars 2002
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