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      MATTIA SCARPULLA
 
 né en
Italie,
vit en France et en Belgique.   
 
        
          
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 | Je suis né en Italie, mais je vis depuis un tiers de ma vie en
France et en Belgique. J’ai perdu l’usage quotidien de la langue
italienne dans mon existence ; la langue française est celle que
je parle le plus souvent. J’écrivais des poésies en
italien quand j’avais dix-sept/dix-huit ans. Je suis arrivé en
France à vingt et un ans. J’ai commencé à perdre
l’italien et à maîtriser le français. Maintenant,
après onze ans de vie en territoire francophone, quand je parle
italien, j’ai l’accent français et je réordonne des mots
italiens dans une construction française ; mais j’ai l’accent
italien en parlant français, où l’italien s’infiltre
encore.
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      J’écris sur le rapport entre la
personne et le regard des autres. Je suis italien, donc un
étranger ‘politiquement correct’, mais surtout je suis
étranger parce que j’ai vécu dans plusieurs villes ; dans
chaque nouvelle ville il faut recommencer à se faire accepter
par la communauté, par le regard de l’autre.
 Ma
poésie se compose de traces, du passé et du
présent, de recherche entre l’italien et le français,
dans une dimension étrangère où je recherche une
histoire italienne, qui est désormais française. 
      Chaque
poésie est un travail « di scavo » (creusement), je
cite Leonardo Sciascia. Je voudrais trouver la phrase, la parole
essentielle, dans sa forme et son sens, qui attrape et garde vivant un
souvenir. Chaque poésie se fait de silences, qui sont tous les
oublis, tout ce qui inévitablement est perdu lorsqu’on
écrit une trace.
 
 Mattia
Scarpulla, mai 2012   Mattia Scarpulla est chercheur en danse et
écrivain. Il est docteur en
Arts, spécialité Danse. Il s’est formé en France,
Italie et Belgique. Il écrit
des essais critiques et des poésies, en français et en
italien, sur l’étranger
et sur les identifications étrangères dans les
représentations de la danse et au
théâtre. Il vit au Havre (France). Entre 2000 et 2005 il a
publié des poésies
italiennes dans des anthologies collectives. En 2005 il a publié
      Col fiato, Manni editori, San Cesario di
Lecce. En français, il a publié en 2011 Journal
des traces, L’Harmattan, Paris.  Sa poésie dégage presque
involontairement une séduction quasi-onirique
du rythme, au-delà des mots-traces
« réalistes » du quotidien ;
on a le sentiment d’une imprégnation des lieux par le temps, un
temps qui est
celui d’événements supposés, vécus ou
imaginés, collectifs ou personnels, dont
seuls les silences subsistent. Le hachage envoutant du bilinguisme
contribue au
charme, comme une danse à deux. Les poèmes publiés
ici sont tous inédits.
 les hommes qui ne boivent pas                
                                                                  Saint-lluis,
26 février 2011
 
 
 
      
        
          
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            les hommes qui ne boivent pas ne sont
plus italiens crient comme le clochercrachent
sur la soutane écrasent la tête dans les vitraux
éblouis. les hommes
qui ne boivent pas ont oublié le sommeil cherchent les corps
femmes
            hommes
tous nus          
vomissent sans alcool tremblent effaçant le
 les hommes qui ne boivent pas ont oublié de mentir
répètent
 intolérants toujours les mêmes projets de voyages et
toujours       les autres
 sont aveugles et les autres sont mondains et les autres sont ignorants
et
 talentueusement opportunistes. les hommes qui ne boivent pas se
dénudent d’une identité autrement
inexistante        rêvent la
mer en devenant sueur rêvent genova pour que le port et
l’université soient bastions d’écrire. les hommes qui ne
boivent pas passent longues journées initiant le même mot
plongé dans l’eau
étouffée        
chaque fois le mot se réduit au premier mot de leur
volonté.
 
 
 |  jeu de dés
 Torino-Paris, 1er janvier 2011
 
 
      
        
          
            | jeu de dés leffe et guinness et
j’attends la trace suivante   les hallucinations d'un retour
envahissent mes nuits, me tiennent par la gorge. genova de la longue
rue qui monte, toute calme dans l’odeur qui arrive, la première
porte qui s'ouvre, elle me pousse un rire, leffe et guinness sculptent
la femme en ombre comme moi, sans poils la première
érectionen
voiture l'amie sait tout       tout
autour l'italie n'est que destin et
légende
 certaines
nuits la foule attend face au meurtre de bologna et la radio ne dit
pas       l'explosion reprend à
florence, l'école la maîtresse ne dit pas, l’école
est alors un vortex d’hommages aux œuvres blessées au
musée rompu et un oubli immense des anonymes   
certaines nuits la manifestation ne sent pas le football, mais non plus
les meurtres d'Etat
 
 encore la voiture roule légère en
 
 
 la femme en ombre s’assoit très
près très devant depuis des années que genova est
europe comme oubli, elle connaît les clés du jeu  
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      la solitude du temps
 Paris, 26 janvier 2011
 
 
      
        
          
            | la solitude du temps 
                              
l’ombre raconte persiste maquillée le sourire enveloppe la rue
persiste les pieds les bavardages printemps autour. comme magie, genova
s'endort dans l’ombre qui parle, le goût de l’alcool infini juste
avant de vomir comme ma propre course comme ma propre chair ma propre
ombre répète le premier mot de l’étranger qui
revient comme le temps qui déploie en résonance l’odeur
de ce petit sein qui revient à jamais au travers des cheveux
blancs qui transforment désormais le mot en langues
incompréhensiblessi le mot s’enracine l’histoire juste avant sera la course à
genova. nuit comme jour l’étranger n’a pas de miroir. genova,
toute forteresse du premier mot en courant en avant
 les errances de la solitude
 
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 treno sta a genova
 26 luglio 2011
 
 
      
        
          
            | treno sta a genova maintenant 
rumori d'insonnia    ragazza che
lancia          capelli
accesi d'una sigaretta     una solo
una     e ride
ancora         après le
train reveille vrai    viaggio sento sveglio
 sento corpo anni
 
 collé
au train     notte notte    la
station ne bouge non stai dormendo
 era l’una di notte e scrivere gratta la nostalgia come la
pelle
 sono le quattro come odori tuoi
 incastrati negli occhi ricorda oltre
 sono
lontano come mio accento come autre langue mais ton corps desidero
ancora avant le train ancora una volta addio genova come un cri come un
crido di pianto ma la forma del tuo viso è ancora ferma
all'angolo dopo la spesa che possa
dormire
 
 
 avant    e le labbra
scivolano nell’ascella tesa accesa dopo il vestito dopo la
corsa        e le labbra sfregano
nell’ombra perfetta conchiglia dell’eco del riso
 avant    
mare mare  abiti di
troppo        la macchina
aspetta      quindici anni fa, in segreto a
genova  per un bacio che non sapeva tutto sapeva tutto
 
 toujours     
je cherche le premier mot non possa
tornare
 
 
 avant        
la sigaretta sta al bar, uno sbadiglio dopo la spesa, le cosce
sudate  e la sedia che lascia traccia come una storia di
caffé qui renaît dans les yeux pleins désirs
tous    piede trema pietra    scarpe
fanno caldo      forse la femme en ombre passeecco il ricordo
oltre il mare che massa che modella
 
        
            sono il ricordo  
avant     il vino di un bacio mentre i genitori
stanno oltre la porta sussurrato bacio e accellera di parlare mentre
chiudo finestra sigaretta e devo tornare
            
maintenant    l'appartement encore
présent   il treno mi allucina scaccio la ragazza che
ride con mia sigaretta e che il treno parte e che genova non sia che
scrittura que l’odeur de l’appartement s’estompe dans la chaleur
nocturne
 
 maintenant    col treno
immobile e la ragazza che non va che sta come genova che parla gli
occhi oltre io e genova oltre ancora avant in attesa che la porta si
apra avant tuo fratello torna dal calcio avant tua madre chiama per
mangiare e avant tuo padre mi porta a casa
 
 avant      ti
fermi all'angolo e pensi al bar dopo la
spesa      riappari una volta e mi domandi una
valigia e una sigaretta      tu te tiens
à la table et tu écris une lettrenon c'ero ma conosco il tavolo che sta   quello quello     che
non possa tornare           
maintenant          possa dormire me
 la lettre         che la tua
vita vada come deve e dove deve
 
        le
train face la fille qui rit       devo dimagrire senza diciottanni di nuovomaintenant   
il treno muove   senso ha ora, ricordo
parla     accanto alla gonna la lettera
sta      gonna era    gonna
smorta    senso ha    come l'odore 
come la pelle         
più rumore gonna ora   avant    traccia
parole poi straccia lettera
 
 passi
di mattina
 tu non vuoi dormendo
 
 l’amore
non è sogno         l’odore
resta incanto mentre la lettera s’affaccia  l'odore
resta nel riso della sigaretta della ragazza dagli occhi pieni di
lettera
 maintenant    la ragazza la sigaretta chiaccherano il
corpo s’abadonne il sonno va arriver istante tremato dolce amato
 
 |   les hommes qui
boivent
 
 Cluj-Napoca,
9 avril 2012 
        
          
            | le premier geste le voyage entre des
visages qui parlent le mouvement des corps à la recherche du
premier soleil. la chaise est solide, fondée par une
bière infinie par un livre infinie par des cigarettes à
volonté. l’écriture au bar possède le temps de
l'oubli.
 il faut percevoir la
limite dans la parole
 le gouffre devient
encore l’écho dans la parole
 l’écriture infinie se souvient avec un doigt sur les
lèvres
 
                                                                                 
torino vacance de
noël           
            
 nous avions marché toute pierre
du quadrilatero, elle avait odoré mes mains de cigarettes camel
et je n’avais pas compris au-delà de la bière  moi
loin                  
en arrêt dans mon sourireje l’avais accompagnée arrêt bus 56, elle avait
dit     puis couru
 
 
 
 la femme en ombre reviendra à
l’arrêt     les gens bougeront tout autour,
nous restons       les pensées
soudaines    
 |        
      Lire aussi sur le site Recours
aux poèmes :
 Sa présentation du recueil de Dana Shishmanian : Entre deux
peurs.
 
  Mattia
Scarpullapar Dana Shishmanian
 juin 2012
 
  
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