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            L’ahidous Bahbi  
            Zaid Ouchna
            
            L’Ahidous Bahbi est une manie
musicale qui se prend à l’occasion des célébrations
des mariages au sud-est marocain, par le groupe Amazigh Iqebliyen ou ceux
du levé du soleil. Comme pour toutes les autres composantes, elle
se pratique selon des rites ancestraux   régis et transmis
de génération à une autre des siècles durant
par voie orale seulement.Avant l’indépendance du Maroc, c'est-à-dire antérieure
aux  années soixante, l’Ahidous n Iqebliyn se jouait en deux
rangées mises face-à-face ; des hommes étant intercalés
par des femmes. Ils chantaient des vers des Izlan – pluriel de l’Izli, rythmés
par des sons graves et aigus du tambourin ou Igdem. Plusieurs tambourins
sont ici permis pour assurer la cadence d’une danse vive, verticale 
et en deux ou trois temps selon le rythme du chant choisi. A l’image 
de celle des autres  groupes Amazighs mitoyens, elle aussi semble désignée
le sol par les gestes de ses pratiquants. En l’absence d’arguments convaincants
ou d’un témoignage digne, je me réserve d’avancer ici l’origine
de cette danse séculaire. Peut être que  le travail d’un
marteau plus pointu nous en dira plus !
 
 Vers l’année 1961, Ahidous
n Iqebliyn a dû subir des changements dans sa pratique à cause
de l’influence et des pressions du parti dogmatique : le parti de l’Istiqlal
qui asservissait la vie politique marocaine. Ce dernier étant connu
par sa conception de pensée unique, d’une religion unique, d’une langue
unique, d’une culture unique et aussi d’une vision unique ! Il avait en effet
interdit à ce groupement Amazigh  de mélanger des hommes
avec des femmes pendant les séances de  cette belle danse qui
est  l’Ahidous. Ce parti  sectaire et destructeur des identités
ne pouvant pas  faire  mieux! C’est pourquoi l’Ahidous n Iqebliyn
est devenu ce qu’il est aujourd’hui ; c'est-à-dire une rangée
des hommes face à celle des femmes. Chaque côté, à
tour de rôle, chante le rythme d’une partie des vers de l’Izli. La
force du verbe et donc du sens, riment dans des échanges mutuels.
Chacun s’exprimant selon ses convictions et selon ses positions. La place
de choix revient, bien évidement, aux poètes les plus éprouvés.
L’histoire de cet Ahidous  retient copieusement des figures qui ont 
beaucoup donné par leur créativité à cette variante
Amazighe. Je citerai ici quelques noms qui sont connus dans ce bassin du
sud-est marocain :
 -       Hmad Oudawd       à Asir Tinejdad
 -       Brouk Ouâzza,        Asrir Tinejdad
 -       Ouâziz,                   
 Ssat  Tinejdad
 -       Lhou Oubassou,     Goulmima
 -       Kki Hessou           
à Goulmima
 -       Baheddou,            
Mou n Ihya (2) Goulmima
 
            -         Diyyan Heddou,      Mou Tadighoust 
-         Mouha Ouhmad (Hemmach), Mou Tadighoust 
-         Kherttibbi,             
Tadighoust 
-         Hsassa,                  
Ayt Ihya Goulmima   
-         Oukheddi               
Ayt Gettou Goulmima 
-         Hro Ouâli               
à Ayt Mouch, Goulmima 
-         La poétesse : Itto Usidi, Hart Goulmima.
         
             Il y’en a d’autres noms encore
à Tadighoust comme ailleurs ; mais qui ne sont pas connus du publique
à cause de la triple marginalisation de cette danse authentique. 
D’abord la  locale due surtout à la spéculation, 
puis la  nationale comme pour toute la culture Amazighe en général
; et ensuite vient le tour de la plus grave, car elle  découle
de ses propres dépositaires. Un héritage culturel de cette
trempe ne doit  en aucun être destiné aux couffins des
oubliettes. Comment peut-on agréer à l’ostracisme d’une aussi
riche tradition, variée et génitrice des répertoires
de poésie et de littérature marocaine ? Le savoir humain dans
sa globalité, n’a-t-il pas besoin de l’apport  de chaque composante
?  Si ce n’est pas le cas, quel serait donc la seule source et mère
qui a donné naissance à notre instruction ? Je le répété
encore une fois ici : il faudrait être câbler différemment
des autres pour pouvoir se fier à la thèse de l’épuration
linguistique ou culturelle.
 Voici par ailleurs quelques vers des Izlan du poète  Kki Hessou dans des différents rythmes.
 
 
Il disait dans le rythme le plus long :
 
            A tazra n lluban mi âeddan ihurriyn
            A ta kemmin ayd i-yezlan rray-inew
            Argaz ttinniyd is iga amm ighanimn
            Is righ ad tawim lâezz nawy waytt
            Irgeln n zzin, mayd tagh ur tar ijjiy
            Ard alin isaffen afella n ighulidn 
Traduction:
 
            Collier  madré et  coloré  par le  corail
            Toi qui m’a fait perdre mes labeurs
            L’homme que tu voix comme un  rosier
            Mon veux de béatitude, une autre pour nous
            Au bourg des  splendeurs, l’atteint ne se remettra plus
            Jusqu’à ce que les rivières remontent l’amont Dans le deuxième rythme, 
appelé : Ahaywa,  Kkki Hessou en avait  fait de ses Izlan
une suite harmonieuse qui traite d’un seul sujet. Ce qui a donné une
sorte de Tamdyazt ; mais faite par des vers des Izlan de l’Ahidous. Il disait
:Han ayt nniyt da ttecharen
            Meqqar da ttasin izazaten
            Meqqar righ ad shudregh ighef
            Hezzan-d imurig ul-inew
            Mer da ttebeddalmt a lemhayn
            Leghyar allig d-icayd iqqim
            Ur iwhin uyenna i-yaghen
            Ul-inew iâmmer s ixemmimn
            Idda lhemm ur iri buttaât
            Yiri ttâam inejdi g ittamn
            Tizizwa tuwgh g iledjign
            Tamamt tâayd s ighwulidn
            A ayt lhilat igheddarn
            Ur da ttehkkam s isennann’
            Ssagmat lehzen a yul-inew
            Amuttel ad ihkem igheddarn
            Da ttxemmamgh i yat tenbatt
            Ddunit amm inejda g lmitl
            A lixra tujtt i ku yuwen
            Tuwy lmeskin, tawy ttajr
            Aezrayn isul ad i-yessikl
            Ad i-yekkes rruh i-ygi g lghumt
            A lahbab agh-isaggan ighef
            Ad ur tallam ghef igayuten
            Tuwimd aman a aytma-new
            Issard-i wenzar lehnuyt
            Igna lekfen iligh agensu-nnes
            Han nnâac ngherd afella-nnes
            Usin-i rebâa allig nn-nuwd
            Qqamn kem a tazallit n lajr
            Meqqar teghrim, wjed ad ten-tabâ
            Isul wakal ad i-yessikl
            Ilint lmalayka d nniyt
            Ar i-ssektayent ineghmisen
            Asag d-ibadd lmizan-nnegh
            Han anrar n lehsab iâemmer.
 
Traduction:
 
            Les dignes de foi se reconnaissent
            Même si les chagrins les accompagnes
            Même si je voudrai baisser ma tête
            La lamentation élève ma résipiscence
            Si on pouvait échanger les amertumes
            La peine s’isolerait toute seule
            Ce que j’en dure n’est pas commode
            Mon cœur est  dans la tourmente
            La besogne conteste ainsi le docile
            L’errant voudra la  touffe de l’hospice
            L’abeille s’ savoure  les fleurs
            Le miel reste dans les cimes
            Le mauvais sort se réserve aux traîtres
            Je pense aux gens du pouvoir
            La vie est comme cet errant
            La mort est commanditée pour un chacun
            Elle entraîne le pauvre comme le riche
            L’ange de la mort nous tiendra
            Il emporta  l’âme dans les ténèbres
            Les voisins regarderont d’en haut
            Ne pleurez plus sur des squelettes
            Vous proclamerez  l’eau mes frères… Tous ces vers de l’Izli, oeuvre
de Kki hessou, se chantent également par le rythme de l’Ahidous des
autres groupes amazighs limitrophes. La résonance est on en peut plus
parfaite. Dans le fond, les similitudes sont quasi crédibles. Le rythme dit « Dani » :
            -         A Dani i wenna, a dani ya rrebi  fek-as i bab n lferh lxir ya Dani a wa
            -         A Dani i wenna, ula unna d-igran adar-nnes s ujemmuâ a Dani yawa.
 
Traduction :
 
            Dani pour celui, oh ! Dani, dieu accorde les possessions pour le maître des noces
            Dani pour celui-ci,  pour celui qui est venu assisté à la masse oh ! Dani.
 
            -         Sell âla nnebi Muhemmadin ayd igan amezwaru n wawal
            -         Netta ayd igan Ssabun da yessirid bla tighbula
            -         A bab n lferh agh-d-ywyen s ahidous ad nzel amarg i wull
            -         Ad ak-ig’ rebbi tisura g leqful ayeffas, irzem-ak lbiban
            -         Negh ayenna g tegrit aduku, iger-t-id lxir zarrun
            -         Lfall-nnek ad ak-d-yawey tiserdan ibubban lehrir
            -         Megh ak-ihda tifunasin ad d-taseyem tihellabin n ughwu
            -         Llah âawen nsellem ghif-un a yicirran ula tirbatin
            -         Ula winn lâammet kullu, ula wenna mi nella ddaw lehkam
            -         Tella yat rrutt g luda,nedda-d a nzur ur tezrim
            -         Ma lhila-nnew mek naghul, asekkin-inew ur t-qdigh 
            -         Ullah a mer id i ttumubil i-yettawyen ar i-di-ttrara
            -         Tenagha-yi tghufi n iwudir daccen a wayenhubba igellen-in 
Traduction :
 
            Prie sur le prophète Muhemmadin, lui le premier à toute intromission
            C’est lui la purgation qui lave sans fontaine d’eau   
            A l’initiateur de cette liesse, pour laquelle nous sommes venus receler les peines
            Que dieu te mette les clés dans les serrures et t’ouvre les portes
            Là vous mettriez la semelle, la richesse vous suivra
            Le vœu émis, pour toi, sera des mulets chargé d’étoffe
            Qu’il t’offre des vaches, pour que tu puisse boire des bols de laits
            Bonjour, je vous salut les garçons comme les filles 
            T out un chacun,  celui pour qui nous sommes sous ses ordres
            Il y’a un monastère dans la steppe, je suis venu pour un pèlerinage
            Comment ferai-je pour retourner, si mon objectif n’étant pas atteint
            Si ce n’est l’auto qui me porte et me ramène
            J’aurai le mal des murs, reste donc le tien cher bien aimé par Zaid Ouchnarecherche Ali Iken
 francopolis septembre 2007
 
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