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ARCHIVES : VIE – POÈTE 

Septembre-octobre 2022

 

 

Une Vie, un Poète :

 

 

Pour Malcolm de Chazal, l’essentiel monolithe,

de Jeanne Gerval ARouff.

 

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Présentation par Dana Shishmanian

 

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Le 12 septembre 2022 le monde francophone des lettres et des arts devait fêter 120 ans de la naissance d’un géant : Malcolm de Chazal. Peu d’événements ou notices de rappel, pourtant. Mais un événement de taille néanmoins : l’exposition Malcolm de Chazal, l’homme et l’œuvre, du 12 septembre au 1er octobre 2022, au Centre Culturel d'Expression Française à la rue Chasteauneuf, Curepipe, Maurice (voir sur la page Facebook du CCEF, ainsi que sur la page Littérature mauricienne).

Francopolis, quant à lui, dédie à nouveau sa rubrique Une vie – un Poète, au Mage mauricien, par le biais de quelques notes de lecture suscitées par la parution d’un livre d’exception, dû lui-même à une grande poète, écrivaine, journaliste, et artiste pluridisciplinaire mauricienne : Jeanne Gerval ARouff. Son œuvre s’inscrit sous les mêmes horizons spirituels que ceux ayant inspiré Malcolm, mais avec une esthétique toute différente, bien plus « moderne » et interdisciplinaire – toutes les formes, matières, techniques, et croisements artistiques ayant été mis à profit, de l’art-objet au collage, en passant par la sculpture monumentale en métal, en pierre, en bois, mais aussi par les compositions éphémères et les paréidolies photographiques – sans aucune trace d’un quelconque suivisme d’épigone ou même de disciple par rapport au grand Maître. Sa leçon à lui, la vraie, celle du sens de vie consciente présent partout dans l’Univers, il me semble que Jeanne ait été la seule à l’avoir vraiment et réellement comprise, assimilée, et complètement intégrée à sa propre créativité. Ce livre - Pour Malcolm de Chazal, l’essentiel monolithe – en témoigne.

 

Jeanne Gerval ARouff, Un basalte nommé Malcolmsmok (aujourd’hui à La Maison du Poète, Espace muséal Malcolm de Chazal, 8, rue du Vieux Conseil, Port-Louis, Maurice)

 

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Jeanne Gerval ARouff à côté de son œuvre (photo prise par Marcel Lindsay Noé en 2006). Sur le mur : les 2 pages du cahier "Culture" de L’Express du lundi 9 septembre 2002, avec ses articles sur Malcolm lors de l’anniversaire du centenaire de la naissance, et, suspendu, le livre d’art Carnet pour Malcolm de Chazal, réalisé par Jeanne Gerval ARouff pour la National Art Galery, lancé et distribué par celle-ci le 31 mars 2003.

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Le livre regroupe des articles, lettres, souvenirs, communications de Jeanne Gerval ARouff, s’étalant de 1959 à ce jour, concernant l’œuvre littéraire et artistique de Malcolm de Chazal. Ces témoignages, auxquels l’autrice joint quelques-uns de nombreux autres personnalités artistiques et littéraires qu’elle a croisées – à Maurice, en France, aux États-Unis – sont cruciaux pour la compréhension de l’œuvre de Chazal et du contexte dans lequel il a évolué. Notons quelques noms dont Jeanne honore largement la contribution à la connaissance de Malcolm ; les femmes d’abord : Edmée Le Breton, France Lefèvre, Shakuntala Boolell, Héléna Langlois, Guillemette de Spéville, Laurence Nairac, Anna Lan, Lilian Berthelot, Véronique Le Clézio, Marguerite Labat, Lilette David, Hélène Laprévotte, Marie-Claire Luchmun ; ensuite :  Hervé Masson et André Masson, André Breton, Jean Paulhan, Jean-Marie Le Clézio, Olivier Poivre d’Arvor, le professeur Jean-Louis Joubert, le professeur Irving Weiss, ou encore le grand Sarane Alexandrian, le « prophète » d’un Malcolm prodigieux, éclipsant les gloires du moment, image de « l’Homme à Venir » comme il se voyait lui-même. Tout comme sont rappelées à plusieurs reprises, dans le livre, les initiatives efficaces et persévérantes de quelques intellectuels mauriciens, grands admirateurs de l’œuvre du Maître, comme Robert Furlong, pendant plusieurs années président de la Fondation, éditeur et promoteur de ses écrits comme de ses gouaches et peintures, David Martial, pour le Blue Penny Museum, ou Khal Torabully, la personnalité à multiples facettes, organisateur d’événements et auteur de réalisations audio-visuelles autour de Malcolm.

On découvre enfin, avec émerveillement et émotion, des extraits peu ou mal connus des œuvres de Malcolm de Chazal – poèmes, essais, lettres, articles – parsemés un peu partout dans le livre. Ainsi, dans un article de 1961, sa plaidoirie pour « la douce langue de notre pays », le créole des sirandanes – véritable figure de pensée, tels des koans, dont il nourrit « le verbe nu » de ses poèmes (Malcolm et la langue créole). Ensuite, son « auto-bilan prophétique », comme l’appelle Jeanne Gerval ARouff, en le déterrant dans un autre des 980 articles dont Malcolm a infiltré la presse mauricienne pendant plusieurs décennies (en l’occurrence, Le Mauricien du 27 avril 1962). Enfin, le bouleversant chapitre Le Poète crucifié, autoportrait du « Christ-Poète » extrait de Petrusmok (1951).

 

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Malcolm de Chazal, Le Christ (reproduit d’après l’album en ligne)

 

Ce livre est une mine d’or pour reconstituer et comprendre la personnalité, l’entourage, le destin de Malcolm, ainsi que pour la connaissance de son œuvre, tant picturale que littéraire et philosophique. Une ample reconstitution commentée de son parcours, en guise de biobibliographie, peut-être la plus complète réalisée à ce jour sur Malcolm de Chazal, accompagnée d’une généalogie, clôt le livre. Il intéressera sans doute également par les perspectives qu’il ouvre, à de nombreuses reprises tout au long des exposés, sur les civilisations de l’Océan Indien.

 

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De ma collection… (Jeanne Gerval ARouff)

 

Ce livre est une vie. Toute une vie d’artiste, qui débute – avant même de commencer une carrière – avec la découverte, par l’étudiante de 23 ans qu’était alors Janine Arouff, de la peinture de Malcolm de Chazal, tout fraîchement sortie du chapeau du Maître-Mage. Jusqu’alors connu pour ses pensées, ses essais philosophico-esthétiques et mystiques, ses récits, son roman mythique et ses pièces de théâtre fantasques et loufoques – que seuls quelques « esprits excellents », comme il les nommait, appréciaient, et que bien des nantis du milieu culturel et des élites intellectuelles du pays considéraient comme étant les élucubrations d’un fou, alors qu’on le célébrait en France, Jean Paulhan l’ayant déclaré « écrivain de génie » – le voilà qu’en 1958 il se mit à peindre…

En 1959, lors de l’ouverture de l’une des premières expositions de gouaches – dont il n’en vendit qu’une (l’acheteuse étant l’étudiante, alors, Janine Arouff…) et qui n’allaient pas jouir de plus de succès commercial lors des trois ou quatre expositions suivantes, espacées sur plus de deux décennies, au point que l’artiste les donnait quand il ne les brûlait par dizaines – l’écrivain-philosophe mauricien, déjà célèbre à Paris, mais ignoré et moqué dans son propre pays, est découvert et compris comme peintre. Par uniquement la toute jeune Janine Arouff. Elle écrit et publie à ce moment-là un texte de grande acuité sur cette peinture « des couleurs pures » – « un impressionnisme d’un nouvel ordre » – alors qu’elle est encore loin de se projeter elle-même dans l’artiste pluridisciplinaire reconnue qu’elle allait devenir des années plus tard.

 

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Malcolm de Chazal, Paysage à la fleur d'hibiscus, 1965 (reproduit d’un site de vente du 5 mars 2021)

 

On lira à bout de souffle les pages d’analyse empathique et percutante que Jeanne Gerval ARouff dédie à Malcolm de Chazal dans ce livre-témoignage, qui couvre plus de six décennies. Elle y décortique la symbolique de quelques éléments fondateurs – l’eau, la pierre, la fleur, le feu, dont Malcolm fait état dans toute son œuvre, tant écrite que picturale (« par la couleur j’ai le verbe immédiat ») – à la lumière de sa grande « révélation » : « J’ai trouvé le fil unique d’universalité… le Principe-Homme », crie-t-il son eurêka (d’où la fameuse découverte de l’azalée qui le regarde…). Avec comme conséquence immédiate, la transfiguration anthropique du monde par l’Art – que le Mage-Mutant, comme Jeanne l’appelle, nomme « la féérisation ». Sa « religion », c’est la Poésie… Co-naissance sui-generis où la relation sujet-objet est réversible, création et perception sont une.

On ne s’étonnera pas alors de savoir que Malcolm a légué à Jeanne, cinq ans avant sa mort, ses manuscrits inédits les plus précieux – dont la fameuse Autobiographie spirituelle, que Jeanne Gerval ARouff a publié dès 1991 dans 5 Plus Magazine du 12 septembre (sous le titre Le Pré-Natal) et qui allait être éditée par L’Harmattan en 2008.

 

La première page du manuscrit de l’Autobiographie spirituelle (collection JGA ; on y voit bien la rature du titre initial, et le titre Le Pré-Natal en tant que 1er chapitre).

 

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La première page du manuscrit de Virginie, nouvelle encore inédite à ce jour (collection JGA).

 

On ne s’étonnera pas non plus de découvrir, comme en retour, ce que le Maître avait lui-même pensé de la jeune artiste, en visitant son exposition de début à elle, en 1972, quand interrogé par un journaliste sur la façon dont il résumerait l’art de Jeanne, il répondit : « Jeanne Gerval est la totale ambitieuse. Elle vise à l'absolu, c'est-à-dire à une peinture des quintessences. Pour tout dire, elle veut peindre l'âme. À mon sens, il n'y a qu'une seule et unique manière de peindre l'âme des choses, c'est par la féérisation. »

 

Jeanne Gerval ARouff, Un poisson pour Malcolm, 1991 (collection privée).

 

Alors, ce livre est à lui seul un témoin et un guide de féérisation et, à la mesure de chacune et de chacun, un viatique salvifique, ou du moins, guérisseur. 

Il est dédié, lors de cette édition de notre revue, en ce jour du 1er octobre 2022, à la commémoration de 41 ans de la disparition de Malcolm de Chazal.

 

©Dana Shishmanian 

(préfacière du livre)

Pour lire la préface entière : cliquer ici.

Pour demander le livre : monadresse.

 

 

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Le livre a été signalé dans nos Annonces de mai-juin : Jeanne Gerval ARouffPour Malcolm de Chazal. Autoédition, juin 2022 (378 p.).

Il a été aussi signalé sur Facebook (notamment sur la page Littérature mauricienne).

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Je me fais une joie de relayer ici le lancement, le 23 septembre, au Centre Culturel d'Expression Française de Curepipe, d’un autre livre de Jeanne Gerval ARouff, Dans les interstices (éditions du Totem, Maurice), avec une présentation de Robert Furlong, et avec la participation de M. Eddy Boissézon, Vice-Président de la République de Maurice.

 

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Photo de la couverture (reproduite d’après la page FB du CCEF)

 

« J’écrivais il y a quelques années que l’œuvre de Jeanne Gerval ARouff, quel que soit le support, ouvrait "les portes d’une spiritualité pure établissant un itinéraire reliant notre univers au cosmos". Il me semble bien que ce recueil en soit l’apothéose » (extrait de la présentation de Robert Furlong).

 

D.S.

 

 

Une vie, un poète

Malcolm de Chazal

Livre-témoignage de Jeanne Gerval ARouff.
Présentation par Dana Shishmanian

Francopolis septembre-octobre 2022

Recherche Dana Shishmanian

 

Créé le 1 mars 2002