rencontre avec un poète du monde

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ARCHIVES : VIE – POÈTE 

Septembre-octobre 2022

 

 

Une Vie, un Poète :

 

 

Pour Malcolm de Chazal, l’essentiel monolithe,

de Jeanne Gerval ARouff.

 

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Une double lecture

par Patricia Laranco

 

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(*)

 

 

Malcolm de CHAZAL est, sans conteste, le géant de la littérature (et, en particulier, de la poésie) et de la peinture de l’Île Maurice.

Et Jeanne GERVAL AROUFF, plasticienne, poète et critique littéraire bien connue dans l’île-point, eut le privilège d’être longtemps proche de lui, au point de le fréquenter, d’entretenir avec lui une correspondance épistolaire régulière, d’être par lui considérée comme une personne de confiance à laquelle il a légué manuscrits et œuvres non éditées – et de continuer même, après le départ de l’artiste pour le Grand Tout en 1981, de lui écrire des missives, empreintes de l’enthousiasme, que dis-je, de la vénération qu’elle lui voue.

Cette suite de textes écrits par Jeanne (parmi lesquels nombre d’articles publiés en leur temps dans les rubriques culturelles des principaux organes de presse locaux) et entrecoupée d’illustrations a le pouvoir de nous immerger (je crois, le plus qu’il soit possible) dans l’univers de cet être d’exception, à la stature maintenant presque « légendaire », dont elle a ardemment contribué à perpétuer la présence, par l’écrit tout comme par l’action plus concrète (organisation de manifestations : expositions, événements commémoratifs).

Elle nous fait, avec insistance, ressortir combien l’œuvre de Malcolm, qu’elle appelle le mage-mutant, est profondément ancrée dans la chair même de son pays – et ce en dépit du fait qu’il ait été, à Paris, adoubé en tant que génie de la littérature française par Jean PAULHAN et qu’il ait, assez naturellement, intéressé certains surréalistes français, qui le reconnurent comme l’un des leurs (tout comme, du reste, il a attiré l’attention de peintres français célèbres).

Mais, Jeanne GERVAL AROUFF ne cesse de le souligner, Chazal se situe hors-école. Il est implagiable. Et, s’il est ainsi, c’est qu’il est « habité » - voire possédé – depuis son plus jeune âge par une vision (qui est aussi une intuition), celle du LIEN originel. Il n’hésite pas à faire de la poésie une religion. Et ce quel que soit son mode d’expression : écriture ou peinture (lesquelles, à ses yeux, s’équivalent).

Il est le dé-séparateur. L’alchimiste de l’unité première. Par l’art (mots, couleurs), c’est le visage de Dieu, de l’âme du monde qu’il cherche et célèbre. Et son médiateur – son médium – n’est autre que le Nu, le brut de la sensation, de la perception pleine et entière, instinctive, holistique, qui, seule, peut être à même de fonder, de sous-tendre la vraie vie.

Rien n’est plus contraire, à ses yeux, à l’art que l’intellect, l’analyse, l’idée. Car ceux-ci empêchent d’être pleinement dans la vie, dans le plein-vivre dont seuls les enfants (et certains esprits tel le sien) n’ont pas encore pu (pour leur bonheur) se détacher.

Chazal se réclame de la contemplation, de l’ascèse des grands sâdhus. Mais également, de l’innocence intense, spontanée des enfants. Son « illumination », il l’a connue dans le jardin botanique de Curepipe (patrie de mes propres ascendants maternels) quand, à force de concentrer son regard sur une azalée, lui est venue la sensation (irréfutable) que la fleur, également, en retour, le regardait et pénétrait le profond de son être, ce qui lui a révélé l’unité sacrée de la Vie et du monde.

Chazal est l’homme du sixième sens.

[…] votre philosophie, à savoir que la Nature est mystérieusement animée, lui écrit, en 2003, soit 22 ans après sa disparition, Jeanne Gerval ARouff. Voilà qui en dit long.

Merci à l’exaltation dithyrambique de cette précieuse disciple !

Car peu de gens, à Maurice comme ailleurs, semblent avoir réellement compris (ou désiré comprendre) cette âme vaste et unique donnée par notre pays au monde.

Homme de présence à l’univers s’il en est, l’inimitable Malcolm a bien failli se trouver jeté dans le gouffre de l’oubli, de l’indifférence totale par maintes incompréhensions (il n’a jamais pu – ni voulu – venir « mondaniser » à Paris à l’instar de bien d’autres artistes et /ou auteurs compatriotes et, à Maurice, il fut longtemps regardé comme un hurluberlu par son milieu d’origine, la bourgeoisie sucrière, aisée, descendante directe des colons français et esclavagistes venus d’Europe, qui produisit, par la force des choses et des rapports de domination coloniaux, la toute première intelligentsia, passablement conservatrice, que connut cette petite terre australe).

Son cher pays ne le reconnut, ne le réhabilita que bien après sa mort, au début des années 2000, et il devint alors un modèle, une référence pour une flopée d’artistes mauriciens, tant du pinceau que de la plume, dont beaucoup sont cités dans ce livre, si riche qu’on a du mal à en faire le tour.

Son originalité ne pouvait que porter en elle un flux de libération.

Chazal contribua donc, de la sorte, à l’émergence de la culture et de la fameuse identité mauriciennes, si ce n’est même, pour aller encore plus loin, indianocéanes. Et, franchement, ainsi que le dit Gerval ARouff, rien n’aurait pu le rendre plus heureux. Le LIEN, encore, toujours !

Chazal était l’homme-arc-en-ciel par excellence.

Et l’océan Indien îlien – ce pont entre Afrique, Asie et Europe – est une région du monde qui ne ressemble vraiment à aucune autre. Ainsi que l’avait pressenti – et prédit – l’homme peu commun, le visionnaire ascète, le lecteur d’avenir.

Ce livre est une véritable mine d’informations. Lisez-le !

 

Patricia Laranco

http://larencore.blogspot.com/  

 

 

 

(*)

 

 

Le livre a été signalé dans nos Annonces de mai-juin : Jeanne Gerval ARouff, Pour Malcolm de Chazal. Autoédition, juin 2022 (378 p.).

Il a été aussi signalé sur Facebook (notamment sur la page Littérature mauricienne).

D.S.

 

 

Une vie, un poète

Malcolm de Chazal

Livre-témoignage de Jeanne Gerval ARouff.
Une lecture par Patricia Laranco

Francopolis septembre-octobre 2022

Recherche Dana Shishmanian

 

Créé le 1 mars 2002