Mon corps
Est dans ton
corps
Pourtant tu n’es
pas là
Ma main
Est dans la
tienne
Et je ne sais
rien d’elle
Ma bouche
Est dans ta
bouche qui
N’est pas libre
Ni l’air qui
enferme nos
Cris d’amants
Et nous emporte
au-delà
Sans que bougent
La montagne
Ni les feuilles
mortes du
Temps
Ô mon
Amour où
sommes-nous
Quand tes yeux
dans mes
Yeux se
regardent
***
« Dans un seau la carpe
ouvre et ferme ses ouïes
La fin de la vie est encore un
monde agité »
Mitsutoshi
Nous
construisons des ruines
Sur les ruines
À venir La
chenille des sexes
Ne deviendra
Pas un papillon
Socrate avait
Raison : on
ne
Peut rien contre les rumeurs
L’océan
reprendra toute sa
Place sur la
Terre Les
oiseaux auront des
Cris ultimes
Avant le feu
gargantuesque
Des soleils
La nuit nous
entraînera dans
Son grand
Domino Nous
érigeons des
Ruines
Rien ici n’est
fait pour durer
Et c’est
Bien : ce
n’est ni punition ni
Vengeance
Le bien et le
mal demeurent
Inséparables
Mais Il n’y a
pas de coupable
Le carnage
La furie des
hommes le bien
Et la beauté
Collaborent à
cette vie têtue
Nous
construisons des ruines
Car nous savons
Qu’elles seront
belles et nous
Aimons toucher
Et contempler et
le bas le haut
Et tout ce qui
Devient de la
beauté plus que
Nous-mêmes
Et ce chaos du
début sans fins
***
Les peuples meurent
il n’y a
Pas de coupables
Pas de punition
juste le prix
A payer pour
La technologie
et les profits
Déjà le meurtre
est coté en
Bourse
Les mensonges de
la banque
Le pillage
Des assurances
la main mise
Des maffias
Confortent les
hackers sur le
Net à voler
Tricher et
cultiver les haines
Les fantômes
numériques se
Seront effacés
D’eux-mêmes la
mémoire de
Nos machines
Soudain
s’avèrera vide celle
Des hommes
Subira la
lobotomie générale
***
Nous construisons des ruines
Demain ou après
Il ne restera que la poussière
De nos déchets
Nucléaires et trois ou quatre
Blockhaus
Murés du mur de l’Atlantique
Cependant que j’évoque
mélancolique les enrobants
orgeats, les sirupeuses grenadines et les
griottes
douces-amères dans la jeune bouche de nos
baisers
La nuit des temps sort du sel
Que ratissent les paludiers de
La voûte lagunaire des étoiles
De quels temps s’agit-il dont
Je ne connais que les fanfares
Qui s’éloignent et faiblissent
De quelles nuits s’agit-il dont
Je ne connais que le bandeau
Sur mes paupières alourdies
Nous construisons des ruines
Des tours
Des villes d’acier et de vitres
***
Les hommes se dévoreront
comme des insectes
croiront
dans l’ordre l’argent et dieu
la nature
indifférente suivra le ruban
du piano mécanique
du temps
le silex de l’univers lancera
ses étincelles froides
***
Rien n’est encore écrit
Rien n’a posé encore
La hauteur de sa voix
Son rythme ni le ton
Mais le chant a
Commencé à chanter
Dans le silence
A danser dans
L’absence de signes
Il reste cependant
L’antique angoisse
La peur millénaire
D’être envahi par
Tant de mystères
***
C’est là et ce n’est pas là
C’est tout autour comme
Une ville que l’on assiège
Ce n’est pas ma mort que
Je ne crains pas
Pas celle de l’autre que je
N’imagine pas
C’est là car il n’y a pas de
Place ailleurs
Et que l’univers n’est que
Ça
Rien
d’autre
Ça n’a pas de voix mais sa
Présence pèse
Ça attend de trouver une
Porte pour dire
***
Quoi s’est rapproché de moi
A me frôler
Sans dire son intention ni ses
Pouvoirs obscurs
Je ne pourrai pas vivre sans et
Pourtant il faut
Apprendre à s’en passer je suis
Dans ce malaise
De savoir que la beauté existe
Sans que je sache
Ce que je puis espérer encore
D’elle et du monde
Dans l’horreur de son retrait
***
J’ai rencontré
Beaucoup de gens
Qui ont beaucoup
Lu et relu !
Pas un seul qui a
Tout lu
Alors
À quoi sert de tant
Lire
Écrire ce qui n’est
Pas encore voilà
La véritable tâche
***
Aujourd’hui
Le ciel est vide
Pas un oiseau
Ni sur les toits
Ni dans les airs
C’est comme
Un mot à qui
Manquent des
Lettres
Un livre
Où manquent
Des pages
Que faire sinon
Siffler
À la fenêtre… ?
***

[le poète et la mort]
Le poème
est un rapport inconnu
à la vérité
la mort aussi
le poème n'est pas la
mort
mais il passe
par là
la mort
comme le poème
passe par là où l'on ne
peut
qu'être seul
la mort est poétique
en ce qu'elle est sans
retour
le poème
est la mort de la mort
***
La mort
N’a pas
d’histoire
Elle est là
depuis le tout
Début
Elle sera là
A la toute fin
avec
Ou sans les
roses avec
Ou sans nous
Elle sera seule
Et n’aura
Jamais eu le
temps ni
L’occasion
De nous dire
pourquoi
***
Pour passer le temps
Qui est long
Quand on est mort
Il faut apprendre
A compter les feuilles
Mortes
Et les cailloux
Là où l’on est enterré
Pour profiter du temps
Qui est si court
Quand on est vivant
Il faut apprendre
A compter comme l’eau :
Du nuage
A la pluie et de la pluie
Aux ruisseaux
Dans les deux cas
Vu de l’éternité
C’est pas la mer à boire
***
Plus tard
Quand plus tard ne voudra plus
Rien dire
...
...nous ne saurons plus rien avant
Le grand black-out
Qui s'étendra au-dessus des têtes
Comme une enclume insonore
Sous un manteau de suie
...
On meurt
Toujours d'un poème sans pouvoir
l'achever
|