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ARCHIVES : CRÉAPHONIE

 

Novembre-décembre 2023

 

 

Poèmes de Michel Bénard –

Peintures de : Éliane Hurtado, Yolaine Rilhac, Rini Ferhi, Roland Souchon, Safet Zec, Bruno Altmayer

 

(*)

 

 

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Cœur fusionnel (peinture d’Éliane Hurtado)

 

Au cœur de la fusionnelle

Coulée des signes carminés

De l’origine du monde,

Dans une complainte grégorienne

J’entends les promesses d’aube

D’une espérance en gésine,

Nous rappelant l’éphémère

Fragilité de la vie.

Un voile de pérennité

Aimerait draper

Les mouvances lactescentes

De votre indicible beauté,

Peinte sur une toile de lin

Maroufler de feuilles d’or.

 

***

 

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Adirondacks (Sculpture de Yolaine Rilhac)

 

Souvent nous songeons

A ces amours lointaines

Porteuses de parfums adolescents,

Où volettent des étoffes

Transparentes et légères

Sur de jeunes seins malicieux,

Où de belles mains gracieuses

Effilées caressent les rêves du ciel.

L’amour comme le temps

S’efface inéluctablement

Alors qu’il ne me reste

Que l’éclat de vos yeux,

Pour lire sur vos lèvres

L’émotion des souvenirs,

Avant qu’ils ne se perdent

Dans les profondeurs de la nuit.

 

***

 

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Cage dorée (peinture de Rini Ferhi, 2023)

 

L’apparition se fit porteuse

D’un romantisme poétique,

La femme était belle et troublante,

Les traits habités de la pureté

D’une icône enluminée,

Se faisant témoin du silence.

Sous l’espiègle douceur

D’un rayon solaire,

Le cou se prêtait à la grâce,

La tête légèrement s’inclinait,

Tout le rayonnement

De cette aube naissante

Vibrait sur les blondeurs mêlées

D’une tresse nuancée,

Allant des reflets de blés blonds,

Aux variantes de roses nacrées.

Tout ne se voulait que jeux

De sensuelles lumières,

Symbolisant l’intime élégance

Embellie par le sourire

Mutin d’un sein

Encore galbé de vives sèves. 

 

***

 

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Éclore (peinture de Rini Ferhi)

 

Pareils à un songe chimérique,

Vous m’offrez de vous-même

La plus intime essence

De votre corps en offrande,

Porté au seuil de l’abandon.

Alors laissez-moi m’évader

De votre mirage hypnotique,

Afin que mon regard glisse

De votre lumineuse épaule,

A l’échancrure de vos seins

S’arrondissant sous les sèves du désir,

Votre peau révèle les nuances

Des premières heures de nos errances.

Pareils à un songe chimérique

Vous m’offrez vos sèves pubiennes

Telles de délicates confidences

Se faisant calice pollinisé

Dans l’euphorie de notre jardin.

 

***

 

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Dis-lui (peinture de Roland Souchon)

 

D’une photographie jaunie,

Tel un mirage

S’éveille le souffle

D’une mémoire estompée,

Sur les semences d’amours anciennes

Que l’on voudrait porter en terre,

Nourri de cet espoir secret,

Au seuil d’une aube nouvelle

De les voir refleurir.

 

***

 

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La main (peinture de Safet Zec)

 

Il avait dans les yeux

Tous les feux merveilleux

De la lumière des cieux,

Il avait dans les mains

Toutes les lignes du chemin

Élevant jusqu’au divin.

Était-ce bien un homme,

Était-ce bien un ange,

Nul ne le savait,

Seul un rossignol le nomme

Tant sa beauté l’étonne.

Il allait en silence

De nuage en nuage

Effeuillant d’un geste lent

Les lys de la tempérance,

Effaçant par compassion

Ce que ce monde perdu

Porte de plus terrifiant.

Était-ce bien un homme,

Était-ce bien un ange,

Nul ne le savait,

Trop de sang lui coulait sur les mains.

 

***

 

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Combien de temps (peinture de Safet Zec)

 

Combien de temps faudra-t-il encore

Avant que les ailes d’un ange

Ne caressent la surface du monde.

Combien de temps faudra-t-il encore

Avant de voir l’hydre sulfureuse

De la violence, des exactions,

Se trouver à jamais terrassée.

Combien de temps faudra-t-il encore accepter

Au nom d’une quelconque allégeance

A d’hypothétiques croyances et rançons

D’enfants sacrifiés, mutilés, abusés,

Pour voir enfin naître une once de tempérance.

Combien de temps faudra-t-il encore cautionner

La chape de haine aveugle et ignorante,

L’agonie d’un monde maintenu en otage.

Combien de temps faudra-t-il encore

Pour que les peuples ne soient plus horrifiés,

Les innocents persécutés sous les yeux fermés

Occultant l’insoutenable arbitraire.

Combien de temps faudra-t-il encore

Avant de voir le blanc et le noir

S’enlacer et danser sur la place de la concorde.

Combien de temps faudra-t-il encore

Pour voir un jour s’élever dans le ciel

La lumière de l’astre de la tolérance embraser

Ce qu’il reste de poussière d’amour.

Combien de temps faudra-t-il encore

Avant d’enterrer la dépouille de l’ignominie ?

 

***

 

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Le combat de l’ange et de la bête (peinture de Bruno Altmayer)

 

Mais qui sont ces ignobles

Fossoyeurs des droits de l’homme,

A propos de qui, de quoi,

En fonction de quel droit,

Au nom de quelle loi

Brisent-ils l’écho de nos voix,

En raison de quel pouvoir osent-ils

Déclencher une tragédie mondialisée.

Mégalomanie démesurée,

Insoutenable paranoïa

Aveuglée des fumées de la vanité.

Mais qui sont ces hommes

Plus proches du Léviathan

Que de l’apparence humaine,

Nous rapprochant de l’immonde.

Aucune guerre, aucune violence,

N’ont de justes raisons

Sinon celle de l’aliénation.

Sur ce linceul silencieux,

Seul perce le cri prédateur,

Le ricanement cynisme

Sidérant symbole du chaos.

Mais qui sont ces créatures

Profanant le sens même de la croix,

Mais qui sont ces hommes

Sans nulle compassion

Pour leurs frères de sang

Portant la mort au fond du regard.

 

 

©Michel Bernard – poèmes

© Éliane Hurtado, Yolaine Rilhac, Rini Ferhi, Roland Souchon, Safet Zec, Bruno Altmayer - peintures

 

 

(*)

 

Michel Bénard

Poète, peintre, et ami des poètes et des peintres, Michel Bénard est bien connu de nos lecteurs : voir ses contributions à cette rubrique même, Creaphonie, ainsi qu’aux rubriques D’une langue à l’autre (mai-juin 2022, mars-avril 2023) ou Gueule des mots (novembre-décembre 2022).

 

 

 

 

Créaphonie : Michel Bernard

Francopolis, novembre-décembre 2023

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