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ARCHIVES : CRÉAPHONIE

 

Janvier-février 2023

 

 

La petite épée de Tolède.

 

Dessins de Martine Saurel

Textes de Bruno Geneste et Paul Sanda

 

 

Présentation par Éric Chassefière :

 

Entretien avec les auteurs ;

Extraits du livre

 

(*)

 

 

Le recueil « La petite épée de Tolède », préfacé par Patrick Lepetit, a été publié aux éditions Rafael de Surtis en mai 2021. Il regroupe 24 dessins de Martine Saurel, 24 poèmes inspirés de ses dessins et tissés à 4 mains par Bruno Geneste et Paul Sanda.

« La petite épée de Tolède » est une œuvre étonnante, imprégnée de mystère et d’étrangeté, qu’on se plait à lire et relire, avec le sentiment qu’on n’en a jamais épuisé les ressources poétiques. Images (objets-poèmes) et textes (poèmes-objets), dans leur incessant dialogue, questionnent le lecteur. D’où a pu naître un pareil livre, dont l’unicité est flagrante dans le paysage poétique actuel ? L’envie m’est très vite venue d’en savoir davantage, et la rencontre de Martine Saurel, à l’occasion de la 17ème édition du Festival de la Parole Poétique « Sémaphore » à Moëlan-sur-Mer, est tombée à point nommé. Elle m’a donné l’occasion de l’interroger, ainsi que Bruno Geneste et Paul Sanda, également présents sur les lieux.

Éric Chassefière

 

Entretien avec les auteurs

 

Martine, pouvez-vous nous retracer la genèse des 24 dessins figurant dans « La petite épée de Tolède » ? En quoi sont-ils liés à l’œuvre d’Artaud, et à la magie ? Concrètement, quel en a été le processus de composition ?

 

Il y a une vingtaine d’années, je chinais sur un marché aux puces à Barcelone, une petite épée. Cette petite épée qui avait attiré ce jour-là mon attention, mesurait 12 centimètres de haut et portait l’inscription « Tolède », lieu de sa provenance. Quelques mois plus tard, je découvris ce paragraphe dans une lettre Antonin Artaud datée de 1937 :

 

« (…) Toutes mes affaires m’ont été prises par la police et tous mes papiers ont été perdus. Je n’ai absolument plus rien de ce que je possédais et qui consistait en un certain nombre de manuscrits ; en un portefeuille et surtout en une petite épée de Tolède de douze centimètres de haut attachée de trois hameçons et qui m’avait été donnée par un chaman à Cuba. (…) »

 

Début 2020 pour l’exposition « Avec Antonin Artaud » à la chapelle de Clohars-Carnoët, organisée par l’association A.P.t.e. et où nous étions 6 artistes à participer, j’ai commencé à dessiner autour de la petite épée de Tolède.

Après chaque lecture d’un passage de l’œuvre d’Antonin Artaud, je collectais dans mon entourage proche des objets et végétaux que je disposais ensuite sur le sol de mon atelier. De ces fragments accumulés au fil des jours, des formes ont surgi, quelquefois d’elles-mêmes ou bien grâce à l’intervention de Minette. D’autres fois, c’est au cours de mes promenades que ces figures se sont imposées. J’ai minutieusement relevé ici cette série de signes.

 

Une image contenant chat, oiseau, mammifère, différent

Description générée automatiquement

 

Fin 2020, j’avais réalisé 50 dessins en hommage à Antonin Artaud. 50 dessins pour rendre hommage à Artaud qui en 1948, à la demande de Pierre Loeb, rédige ce texte « 50 dessins pour assassiner la magie » et choisit avec lui les dessins tirés de ses derniers cahiers. Sa brusque fin interrompit ce projet qui parut pour sa première édition en mai 1957. L’Art pour Artaud s’est toujours confondu avec la magie. La magie à laquelle il attribuait un sens vital.

 

«  Si notre vie manque de soufre, c’est à dire d’une constante magie, c’est qu’il nous plait de regarder nos actes, au lieu d'être poussés par eux » (Le théâtre ou son double).

 

« Si la magie est une communication constante de l’intérieur à l’extérieur, de l’acte à la pensée, de la chose au mot, de la matière à l’esprit, on peut dire que nous avons depuis longtemps perdu cette forme d’inspiration foudroyante, de nerveuse illumination, et que nous avons besoin de nous retremper à des sources encore vives et non altérées » (Le Mexique et la civilisation).

 

Bruno, Paul, comment avez-vous composé les poèmes en regard des dessins, quel type de synergie texte-image cherchiez-vous, comment vous êtes-vous partagé l’écriture des textes ?

 

Le travail d’écriture à partir des dessins-objets de l’univers singulier de Martine Saurel fût, pour nous, jalonné de nécessités cabalistiques et introspectives. Nous avons travaillé à partir de cet ensemble, placé sous le signe supérieur d’Antonin Artaud vingt-quatre travaux dans la même veine, dont la petite épée de Tolède, œuvre ornant la couverture et ouvrant un itinéraire envoûtant de la plus innovante intensité. Il s’agissait, sur le plan de notre dynamique poétique, d’explorer progressivement le déroulé de cet espace pictural particulier afin d’en extraire toute la profondeur multidimensionnelle, tout le suc sacré, magico-rituel primordial, qui en est ardemment émané... Techniquement, nous avons procédé par alternance, Bruno Geneste commençant par la première strophe des pages paires et Paul Sanda par la première strophe des pages impaires. Et nous avons inversé la position pour la seconde strophe, ce qui a pu permettre un souffle, un dialogue, intérieur et profond, prolongeant le voyage dans nos échanges et interrogations, tant au niveau des formes que de leur véritable signification.

Le travail poétique à deux voix a donc consisté essentiellement en une percussion répétée de nos images propres, confrontée à nos propres miroirs. Enfin à une revisitation de l’image pour y sonder, en définitive, les éternelles énigmes, les flous volontaires, les abruptes incantations, et ceci avec toujours en tête cette petite épée de Tolède comme fil conducteur tranchant. Cet objet, retrouvé sur une grève de la côte espagnole par Martine Saurel qui marque par une irruption dans le réel l’implication d’Artaud (du Mexique à Rodez et, plus tard, en Irlande sur les traces de Saint Patrick) ne pouvait que nourrir et rendre tout à fait passionnant ce décryptage sensible. Par ce dialogue, nous avons exhumé dans l’ouvrage tout entier, les plus fins aspects de nos travaux poétiques, nous obligeant à décrocher des figures originales nichées au fond de notre inconscient commun, images souvent ignorées et oubliées dans une ère archaïque de notre créativité, ou dans des zones d’un réalisme primitif imparfaitement identifié. Ce travail en tension, surréaliste en assomption, nous a mené bien au-delà des apparences, dans un monde interne discret, intime, mais secrètement en mouvement, capable d’agir, dans l’évocation d’un temps escarpé par la régénération, sur une perception renouvelée de la force vitale. La petite Épée de Tolède restera donc pour nous une expérience fondamentale dans la revisitation de nos possibilités émotionnelles pour une nouvelle transcription du poème.

 

Une note de lecture est présentée dans la rubrique Lectures-chroniques de ce même numéro de janvier-février 2023. (lien à introduire)

 

Extraits de « La petite épée de Tolède »

 

La petite épée de Tolède


La Percée


Le Jaillissement


Le Pont

 

L’Étang de l’Ours


Le Chien sans tête


Le Sifflement de l’ombre


La Foudre

 

 

(*)

 

Une image contenant personne, posant

Description générée automatiquement

 

Née en 1961 à Villemomble, Martine Saurel passe son enfance dans l’Aveyron, région dont est originaire toute sa famille. À l’âge de 11 ans elle retrouve ses parents en Seine-Saint-Denis et prendra très tôt son indépendance pour partir à Montpellier. À 25 ans, elle entre à l’école des Beaux-arts de Nîmes et obtient en 1991 son diplôme avec mention. En 1993, elle rejoint un groupe d’artistes à Barcelone. Elle réalise à cette époque-là, de petits assemblages à partir de fragments d’objets qu’elle récupère, assemblages éphémères qu’elle redessine. En 2006, la crise économique en Espagne se profile. Elle quitte Barcelone avec Laurent Jacob son compagnon pour Berlin. Son travail évolue vers une série de boîtes réalisées à partir de collages d’affiches recyclées sur les murs de la ville, série inspirée du jeu de domino, et qui donne lieu à de grandes installations. La gentrification et ses conséquences sur la hausse des prix les poussent vers le Finistère Sud où elle vit et travaille actuellement depuis 2018. Martine Saurel fonde avec Laurent Jacob l’association A.P.t.e. (Artistes Plasticiens trans-européens). Elle travaille actuellement une série de portraits de pierres qu’elle ramasse sur son chemin et peint sur petits formats.

 

« La poésie depuis l'enfance me porte mais pour parler des choses, les mots me manquent, aussi j’attrape des bouts de ce monde que j’assemble, tisse, peint ou dessine ».

 

http://martinesaurel.blogspot.com

http://artistes-plasticiens-te.blogspot.com

 

***

Une note de lecture au recueil La petite épée de Tolède est présentée dans la rubrique Lectures-chroniques de ce même numéro de janvier-février 2023.

 

 

 

Créaphonie : Martine Saurel, Bruno Geneste et Paul Sanda

Francopolis, Jan.-Fév. 2023

Recherche Éric Chassefière

 

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